Question de Mme DEROCHE Catherine (Maine-et-Loire - UMP) publiée le 10/04/2014

Mme Catherine Deroche attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la forte inquiétude exprimée par des collectivités territoriales de son département, quant à l'obligation qui leur est imposée de transformer leur zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) en aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP).
En effet, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement prévoit la création des AVAP en lieu et place des ZPPAUP. L'article L. 642-8 du code du patrimoine, pris en application de cette loi, dispose que les ZPPAUP mises en place avant la date d'entrée en vigueur de ladite loi continuent de produire leurs effets jusqu'à ce que s'y substitue une AVAP et ce, au plus tard dans un délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de cette loi.
De ce fait, les ZPPAUP existantes deviendront caduques au 14 juillet 2015 si une AVAP ne s'y est pas substituée à cette date. Or, non seulement ce délai apparaît trop court mais le principe même du dispositif en est dénoncé.
Ainsi, l'exemple du maire de la petite commune de Denée (1 400 habitants) qui s'inquiète des risques de voir ses choix annulés par l'abandon ou la transformation d'une législation, qui fonctionne parfaitement, notamment, grâce à la collaboration des architectes des bâtiments de France. Ces derniers apportent, en effet, leur appui technique et légal à des maires de petites communes, qui n'ont ni les compétences ni les moyens de s'offrir les conseils de cabinets juridiques spécialisés pour l'instruction des dossiers d'urbanisme situés dans les zones protégées de leur territoire.
Ainsi établie, la ZPPAUP satisfait bon nombres d'élus et elle est considérée comme un outil dont la force juridique est importante. À ce jour, il existe 670 ZPPAUP, dans toute la France, dont les contenus sont très variables. Moins d'une centaine, à ce jour, ont été transformés en AVAP, auxquelles s'ajoutent d'autres servitudes, notamment, environnementales, qui exigent ce processus d'études préalables, dont le coût à la charge des collectivités, malgré l'aide de l'État, reste important pour les ZPPAUP les plus élaborées.
Au vu de l'ensemble de ces éléments et afin de répondre aux inquiétudes des maires ruraux qui ne souhaitent pas nécessairement transformer leur ZPPAUP en AVAP, elle souhaite connaître les dispositions qui seront prises dans le cadre de la future loi sur le patrimoine sur ce sujet.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 28/05/2014

Réponse apportée en séance publique le 27/05/2014

Mme Catherine Deroche. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la forte inquiétude exprimée par des collectivités territoriales de mon département quant à l'obligation qui leur est imposée de transformer leur zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, ZPPAUP, en aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine, AVAP.

La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 a prévu en effet la création des AVAP en lieu et place des ZPPAUP. L'article L. 642-8 du code du patrimoine pris en application de cette loi disposait que les ZPPAUP mises en place avant la date d'entrée en vigueur de ladite loi continuaient de produire leurs effets jusqu'à ce que s'y substitue une AVAP, et ce au plus tard dans un délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de cette loi.

De ce fait, les ZPPAUP existantes devaient devenir caduques au 14 juillet 2015 si une AVAP ne s'y était pas substituée à cette date. Or ce délai apparaissait trop court pour certains. La loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, l'a prorogé, et je m'en félicite. Toutefois, au-delà du simple délai, le principe même du dispositif est dénoncé si la future loi sur le patrimoine doit encore évoluer et « annuler » les AVAP.

J'en veux pour exemple la situation des élus de la commune de Denée - 1 400 habitants - qui s'inquiètent de voir leurs choix antérieurs annulés par l'abandon ou la transformation d'une législation qui fonctionne pourtant parfaitement, notamment grâce à la collaboration des architectes des Bâtiments de France. Ces derniers apportent en effet leur appui technique et légal à des petites communes qui n'ont ni les compétences ni les moyens de s'offrir les conseils de cabinets juridiques spécialisés pour l'instruction des dossiers d'urbanisme situés dans les zones protégées de leur territoire.

Ainsi établie, la ZPPAUP satisfait nombres d'élus, et elle est considérée comme un outil dont la force juridique est importante. Il en existe aujourd'hui 670 dans toute la France, dont les contenus sont très variables. Moins d'une centaine, à ce jour, ont été transformées en AVAP, auxquelles s'ajoutent d'autres servitudes, notamment environnementales, qui exigent ce processus d'études préalables, dont le coût à la charge des collectivités, estimé entre 30 000 euros et 100 000 euros, malgré l'aide de l'État, reste important pour les ZPPAUP les plus élaborées.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, et afin de répondre aux inquiétudes des maires ruraux qui ne souhaitent pas nécessairement transformer leur ZPPAUP en AVAP dans un contexte incertain, je vous remercie, madame la ministre, de m'informer sur les dispositions qui seront prises dans le cadre de la future loi sur le patrimoine à ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti,ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice Catherine Deroche, la loi Grenelle II, vous l'avez rappelé, a modifié l'article L. 642-8 du code du patrimoine et a prévu que les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, les ZPPAUP, continueront à produire leurs effets de droit jusqu'à ce que s'y substituent des aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine, les AVAP, et au plus tard dans un délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de cette même loi.

Toutefois, pour éviter l'effet couperet, la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, récemment promulguée, prolonge ce délai d'un an, soit jusqu'au 14 juillet 2016.

J'ai pleinement conscience des difficultés que peuvent rencontrer les communes pour la transposition des ZPPAUP dans un délai aussi court que celui qui était initialement prévu et de la catastrophe patrimoniale que représenterait pour notre pays la perte de tous ces espaces protégés. Le projet de loi« Patrimoines » que je présenterai prochainement prévoit la suppression de toute échéance« couperet » et permettra ainsi de préserver l'acquis des ZPPAUP et des AVAP.

Dans le projet de loi « Patrimoines », est proposée la création d'un seul outil d'identification et de protection, appelé à ce stade « cité historique », qui intègre automatiquement les actuels secteurs sauvegardés, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine.

Les cités historiques seront dotées d'un plan de sauvegarde et de mise en valeur ou à défaut d'un plan local d'urbanisme « patrimonial ». Les règlements des ZPPAUP et des AVAP seront intégrés dans ces documents d'urbanisme. Ainsi, les acquis des ZPPAUP et des AVAP seront totalement préservés.

Le futur projet de loi aura pour objet la protection du patrimoine et la simplification, au service des élus qui sont engagés dans des démarches de protection du patrimoine. Il traitera plus largement des patrimoines dans leur ensemble, c'est-à-dire aussi l'archéologie, l'architecture, les archives, les espaces protégés, les monuments historiques et les musées.

Cette réforme profonde du droit du patrimoine, préparée depuis un an et demi en concertation avec les associations d'élus, les autres ministères impliqués, les associations de défense du patrimoine et, bien sûr, les services du ministère de la culture directement concernés, est vraiment au service du patrimoine.

L'un des principaux axes de cette réforme vise à clarifier la protection du patrimoine en la rendant plus compréhensible pour les citoyens, pour les élus et les collectivités territoriales et pour les entreprises, en mettant fin à la superposition des dispositifs et des servitudes qui rendaient très complexe l'application des règles et en fusionnant des commissions consultatives.

Je ne doute pas que ce texte pourra montrer le caractère consensuel des enjeux liés à la protection de notre patrimoine.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui est claire concernant les délais ; c'est un premier point.

Il est cependant tout aussi important, pour les communes qui s'étaient engagées dans une ZPPAUP voire dans une transformation de celle-ci, que leurs efforts, qui s'étalent souvent sur plusieurs années, ne soient pas anéantis. Ces processus, nous le savons, sont longs et coûteux. Les communes mobilisent une partie de leur budget pour la protection de leur patrimoine, en dépit de nombreux besoins. Il s'agit vraiment d'un choix courageux de leur part.

Nous attendons par conséquent le futur projet de loi pour en débattre. Nous serons vigilants sur ses implications pour les communes, notamment rurales, qui se sont déjà engagées dans une ZPPAUP, voire dans une AVAP.

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