Question de M. TODESCHINI Jean-Marc (Moselle - SOC) publiée le 27/02/2014
M. Jean-Marc Todeschini attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la crise dans laquelle se trouve la filière bois en Lorraine.
Filière historique et stratégique, le bois est un moteur de l'économie lorraine. Représentant 37 % du territoire lorrain, constituée essentiellement de petites entreprises, la filière bois représente un poids économique considérable avec 23 500 emplois pour 5 078 entreprises.
Mais cette filière rencontre aujourd'hui des difficultés majeures auxquelles les entreprises seules ne pourront pas faire face. En effet, l'export de grumes de feuillus réduit l'approvisionnement des entreprises lorraines et les outils de production en Lorraine ne fonctionnent qu'à 50 % de leurs capacités, pénalisant ainsi la compétitivité des entreprises, leur positionnement sur le marché local, national et international. Certaines entreprises se voient dans l'obligation de refuser des commandes et les prix de revient ne cessent d'augmenter.
C'est une véritable fragilisation de l'économie régionale, c'est-à-dire une situation paradoxale, alors que le pacte lorrain, signé par le Premier ministre et le président de la région Lorraine, accorde une place prioritaire à la filière bois en l'insérant dans la vallée européenne des matériaux et des procédés.
Il semble donc essentiel, afin d'éviter, à court terme, une catastrophe irréversible, de sécuriser les approvisionnements des entreprises. Cet approvisionnement est mis en danger par un marché de ressources de bois quasi monopolistique sous l'égide de l'Office national des forêts (ONF), une contractualisation qui s'apparente davantage à une vente de gré à gré et par un développement de l'export de grumes non transformés.
Afin de faire face à cette situation de crise, l'interprofession du bois s'est fédérée le 17 janvier 2014 en une Union régionale des scieurs de feuillus de Lorraine. Cette union, auteur d'une charte de bonne conduite, appelle ses entreprises à adopter des mesures opérationnelles d'urgence pour lutter contre la confiscation de la matière première en Lorraine. Dans ces conditions, il lui demande d'intervenir afin de soutenir cette union et de sécuriser les approvisionnements des scieries lorraines. Il lui demande également quelles mesures et quelles actions peuvent être mises en place par le Gouvernement pour assurer l'avenir de la filière bois en Lorraine.
- page 500
Transmise au Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt
Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 07/05/2014
Réponse apportée en séance publique le 06/05/2014
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, ma question porte sur la situation préoccupante de la filière bois en Lorraine. Du reste, je sais que c'est un sujet que vous connaissez, pour vous être déjà rendu sur place.
Il s'agit d'une filière historique et stratégique, d'un véritable moteur de l'économie régionale, qui couvre 37 % du territoire lorrain et représente 23 500 emplois, dans 5 078 entreprises.
Or cette filière rencontre aujourd'hui des difficultés majeures, auxquelles les entreprises seules ne pourront pas faire face. L'export de grumes de feuillus réduit l'approvisionnement des entreprises lorraines, et les outils de production dans la région ne fonctionnent qu'à 50 % de leurs capacités, ce qui pénalise la compétitivité des entreprises et leur positionnement sur le marché local, national et international. Certaines sociétés se voient dans l'obligation de refuser des commandes, et les prix de revient ne cessent d'augmenter.
Il s'agit d'une véritable fragilisation de l'économie régionale. La situation est paradoxale, alors que le pacte lorrain, signé par le Premier ministre et le président de la région Lorraine, accorde une place prioritaire à la filière bois en l'insérant dans la vallée européenne des matériaux et des procédés.
Afin d'éviter à court terme une catastrophe irréversible, il est essentiel de sécuriser les approvisionnements des entreprises. Ces derniers sont mis en danger par un marché de ressources de bois quasi monopolistique sous l'égide de l'Office national des forêts, par une contractualisation qui s'apparente davantage à une vente de gré à gré et par un développement de l'export de grumes non transformées.
En janvier 2014, pour faire face à cette situation de crise, l'interprofession du bois s'est fédérée en une Union régionale des scieurs de feuillus de Lorraine, appelant ses entreprises à adopter des mesures opérationnelles d'urgence contre la confiscation de la matière première.
Lors d'une visite ministérielle dans les Vosges, en février dernier, M. Arnaud Montebourg a réaffirmé la place fondamentale de la filière au sein de l'économie lorraine. En mars 2014, vous-même, monsieur le ministre, installiez conjointement un comité stratégique de la filière bois, visant à dynamiser la filière et à développer une offre plus compétitive.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement compte adopter pour assurer les approvisionnements des scieries et garantir l'avenir de la filière bois en Lorraine.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll,ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez rappelé, je me suis déplacé il y a quelque temps en Lorraine, et il faudra d'ailleurs que j'y retourne pour cette question forestière. J'y ai visité un certain nombre de forêts et rencontré les forestiers de l'ONF, l'Office national des forêts.
Vous avez posé la question du marché du bois à l'exportation. Certains propriétaires, privés ou publics, trouvent là un débouché pour des grumes, qu'elles soient de résineux ou de feuillus. Toutefois, le prix du bois pose problème pour l'approvisionnement des scieries, c'est-à-dire des outils industriels de la transformation du bois en France.
Un hiver extrêmement pluvieux a rendu la question encore plus aiguë : les difficultés pour chercher le bois en forêt se sont accrues, et la ressource s'est encore un peu plus raréfiée.
Tout cela explique les difficultés rencontrées au niveau des scieries et de la transformation, que vous avez parfaitement décrites, d'ailleurs, monsieur le sénateur. Le préjudice pour notre économie est d'autant plus grand que couper et scier du bois permet aussi d'obtenir des coproduits valorisés en France. Lorsque les grumes sont exportées, ces coproduits sont perdus, tout comme la valeur ajoutée.
Une réorganisation s'impose donc. Vous le savez, un engagement a été pris, avec le ministre du redressement productif, sur des objectifs en termes forestiers, sur une mobilisation dans le cadre de la loi de finances et sur une organisation de la forêt dans le cadre de la loi d'avenir pour l'agriculture, avec la création d'un fonds stratégique et la mise en place de moyens nouveaux.
Je suis parfaitement conscient de la question posée : comment, pour satisfaire le besoin d'approvisionnement des industriels, mieux contractualiser l'approvisionnement des scieries avec les producteurs et fournisseurs de bois ? C'est sur ce point que je souhaite poursuivre le travail engagé.
Bien des choses ont été faites, mais nous devons aller plus loin. Lors d'une visite en Lorraine, un transformateur, fabricant de planchers en chêne exportés dans le monde entier, m'avait très bien expliqué le problème : on passe plus de temps à chercher du bois qu'à chercher à en vendre.
Il s'agit donc d'une vraie question. Je l'ai dit, si elle est déjà anticipée dans le cadre de la loi, des débats et de l'organisation mise en place, nous devons aller plus loin sur la contractualisation. C'est en tout cas le souhait que j'ai déjà formulé auprès de l'ONF, de sorte que l'on s'engage réellement, d'une manière plus structurante, à organiser l'approvisionnement en bois des scieries.
Vous avez également abordé la question du prix du marché. S'il est lié à des facteurs conjoncturels, son niveau structurel doit néanmoins permettre de produire du bois.
En tout état de cause, il importe vraiment que, dans le cadre de la contractualisation, on assure aux scieries un approvisionnement régulier et une visibilité à moyen terme pour que la transformation du bois, l'emploi et la valeur ajoutée restent en France. C'est tout l'enjeu des semaines qui viennent, et j'entends m'impliquer pour faire en sorte que cette contractualisation soit effective.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse et de celle que vous m'avez déjà apportée par écrit. Ce sujet nous préoccupe tous deux.
Vous parlez de mesures qui seront prises dans quelques semaines. Je crois que la profession a pris bonne note des annonces qui ont été faites, mais elle s'impatiente, car elle craint que, si l'on n'avance pas assez vite, certaines entreprises ne finissent par connaître des situations dramatiques.
Il y a urgence, des mesures doivent être prises sans attendre, surtout pour ce qui concerne la procédure administrative de l'export.
Je vous citerai quelques pistes, que vous connaissez mieux que moi, monsieur le ministre : imposer une déclaration préalable de tout produit destiné à l'export, faire passer obligatoirement les grumes par une « plateforme de traitement »- cela avait été évoqué par votre collègue au Gouvernement -, rendre obligatoires et systématiques les contrôles de tous les conteneurs et, surtout, porter le coût de délivrance des certificats phytosanitaires à un niveau réellement dissuasif. Seules des mesures comme celles-là permettront de faire en sorte que les grumes restent en Lorraine et que nos scieries puissent être alimentées.
- page 3695
Page mise à jour le