Question de M. MARSEILLE Hervé (Hauts-de-Seine - UDI-UC) publiée le 10/01/2014
Question posée en séance publique le 09/01/2014
M. Hervé Marseille. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Depuis l'élection du Président de la République, on ne compte plus les modifications qui ont été apportées aux modes de scrutin. Tous ont été concernés, des élections municipales et sénatoriales aux élections des représentants des Français établis hors de France. Dans les départements, un scrutin binominal a été institué. Et le calendrier électoral lui-même a été modifié !
L'architecture globale a été repensée, mais le but recherché ne trompe personne. Certains pourront objecter que ce n'est pas la première fois que de telles réformes ont lieu, mais ils se trompent. En effet, ce charcutage n'a rien à voir avec, par exemple, les découpages législatifs de 1986 et de 2009, qui respectaient les limites cantonales préexistantes et qui avaient été effectués sous le contrôle d'une commission nationale indépendante dont les avis publics avaient été largement suivis par le gouvernement. Au demeurant, le découpage de 1986 a permis plusieurs alternances.
Issu d'une loi justifiée par la parité mettant en place le scrutin binominal, le découpage actuel oublie totalement les territoires. Aussi l'atteinte portée à ces derniers ne fait-elle aucun doute.
Je souhaite saluer ici le travail des élus locaux, qui, en dehors de toute considération politique, ont depuis de nombreuses années travaillé à la mise en place d'intercommunalités reposant sur des bassins de vie qui structurent nos territoires. Or, monsieur le ministre, votre découpage réalisé à l'encontre de ces logiques territoriales va augmenter la confusion chez nos concitoyens et sera, à l'évidence, à l'origine d'un nouveau déficit démocratique.
Cette loi ruralicide sacrifie les territoires au profit du seul critère démographique. Les élus ont de nouveau été oubliés et n'ont pas été consultés. En tout état de cause, ce découpage est arbitraire. Outre qu'il répond à des critères très souvent hétérogènes, il est, en réalité, uniquement politicien aux yeux de nombre de nos collègues.
Vous faites peu de cas des écarts entre les chiffres de la population au moment de la parution du décret et les chiffres réels connus par le recensement au 1er janvier 2014. De même, la continuité géographique, le respect des critères liés à la réalité des territoires ne semblent pas avoir été des préoccupations majeures.
Enfin, reste, bien sûr, le problème du calendrier. Pour nous conformer à la loi, nous sommes en effet obligés de respecter des délais, dont on se demande comment ils pourraient être tenus si certains décrets devaient être annulés dans les semaines à venir.
De nombreux départements, y compris dans vos rangs, se sont clairement opposés à ce découpage. Ainsi, l'Aisne, le Puy-de-Dôme, le Tarn-et-Garonne et la Seine-Saint-Denis ont rejeté le projet qui leur avait été soumis.
M. le président. Veuillez poser votre question !
M. Hervé Marseille. Monsieur le ministre, vous justifiez votre redécoupage par l'application de la règle du plus ou moins 20 %. Néanmoins, cette démarche a été réalisée au mépris des logiques intercommunales. Aussi, je vous demande si vous entendez rectifier votre démarche afin de créer, dans toute la mesure du possible, des cantons sur la base des EPCI. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
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Réponse du Ministère chargé des relations avec le Parlement publiée le 10/01/2014
Réponse apportée en séance publique le 09/01/2014
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, Manuel Valls regrette de ne pouvoir vous répondre personnellement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Il est aujourd'hui en déplacement en région Bretagne.
Vous semblez vous inquiéter de la progression du travail du remodelage cantonal. Je vais essayer de vous rassurer.
À ce jour, quatre-vingt-treize projets de décrets de redécoupages ont été transmis aux conseils généraux. Les derniers le seront d'ici à la fin de la semaine prochaine. Cinquante-six assemblées départementales ont déjà émis un avis sur ces projets, les autres le feront dans les prochaines semaines.
M. Philippe Dallier. Pas sûr !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Conseil d'État a déjà été saisi de cinquante-trois projets et a émis un avis favorable sur quarante-sept d'entre eux. Les légères modifications qui leur ont parfois été apportées visent toutes à un respect très strict, encore plus strict que les propositions du ministre, des critères démographiques.
Vous le voyez, cette opération sera bien achevée, comme l'impose la loi du 11 décembre 1990, un an avant l'échéance prévue pour le renouvellement des conseils départementaux.
S'agissant des délais de recours contentieux, vous le savez, les dispositions de la loi de 1990 ne leur sont pas applicables. L'éventuelle annulation d'un décret portant délimitation des cantons d'un département constitue, en effet, juridiquement un événement extérieur à l'exercice du pouvoir réglementaire, seul concerné par l'article de loi.
Vous avez aussi évoqué - c'est légitime - la question de la prise en compte de l'intercommunalité. Cette dernière est très clairement prise en compte, mais, vous le savez, les schémas départementaux de coopération intercommunale ne peuvent pas toujours être strictement respectés dans la délimitation des nouveaux cantons, notamment parce que le critère principal, le critère prioritaire imposé par la décision du Conseil constitutionnel et repris, y compris dans ses avis, par le Conseil d'État, est bien le critère démographique.
Le Gouvernement essaie de tenir compte au maximum des limites de l'intercommunalité. Lorsque le schéma départemental n'a pas été adopté, la règle de substitution conduit à tenir compte au maximum des limites des cantons existants.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, ce redécoupage progresse. Il sera fait dans un cadre juridique très strict puisque le Conseil constitutionnel a défini les critères pour y procéder. Dans tous les cas, il aura lieu sous la surveillance - ce qui est bien normal dans un État de droit - du Conseil d'État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Charcutage !
M. Jean-Louis Carrère. Et c'est un charcutier qui vous le dit !
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