Question de M. de LEGGE Dominique (Ille-et-Vilaine - UMP) publiée le 19/12/2013
M. Dominique de Legge attire l'attention de Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme sur les exigences supplémentaires posées par le nouveau cahier des charges du label « Tourisme et Handicap », mis en application depuis le 1er juin 2013.
L'article concernant les caractéristiques de l'hébergement stipule l'obligation de disposer de quotas de chambres adaptées au handicap moteur. Ces quotas vont, pour les hôtels, d'une chambre adaptée si l'établissement ne comporte pas plus de vingt chambres, à deux chambres pour des établissements ayant entre vingt et cinquante chambres, puis une chambre supplémentaire par tranche de cinquante chambres supplémentaires.
Depuis 2013, les normes pour les hôtels et chambres d'hôtes deviennent tatillonnes par excès de précision : sanitaires, accessibilité aux espaces communs, etc. Les campings, qui devaient proposer en 2008 un hébergement locatif, type « mobil home », accessible et adapté, quel que soit la taille de l'établissement, doivent désormais en proposer un pourcentage en fonction du nombre de places, mais pas forcément en rapport avec la réalité de la demande. Les professionnels du tourisme peuvent être tentés de renoncer au label, en raison du surcoût qu'il occasionne, dans un contexte de baisse du nombre de nuitées.
Sans remettre le moins du monde en cause la nécessité de proposer aux personnes handicapées des installations leur permettant de bénéficier au mieux des installations de tourisme, sur lequel tout le monde s'accorde, il faut néanmoins tenir compte des considérations économiques. Le mieux est parfois l'ennemi du bien, et si l'on place trop haut la barre des exigences, les professionnels déjà très inquiets risquent fort de se décourager. Ne pouvant faire l'effort d'une mise aux normes très, voire trop coûteuse et contraignante, ils abandonneront le label. Ce seront donc, à la fois, les personnes handicapées et les professionnels de tourisme qui vont pâtir de ce durcissement des normes.
Il lui demande le bilan qu'elle a pu faire du cahier des charges précédent, ainsi que les raisons qui l'ont conduite à revoir ce cahier des charges.
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Réponse du Ministère de l'artisanat, du commerce et du tourisme publiée le 19/02/2014
Réponse apportée en séance publique le 18/02/2014
M. Dominique de Legge. Ma question s'adresse effectivement à Mme le ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, que je remercie d'avoir pu se libérer pour venir me répondre en personne.
Le label « Tourisme et handicap » a été créé en 2001 sur une idée simple : sensibiliser les professionnels et les inciter à accueillir dans les meilleures conditions les personnes handicapées. Le corollaire de cette démarche était, bien évidemment, de permettre aux personnes handicapées d'accéder à des prestations touristiques et de disposer d'informations leur permettant de s'assurer qu'elles seraient accueillies dans les conditions souhaitées.
Pour ne prendre que le cas d'un pays touristique au sujet duquel j'ai été sollicité, celui de la baie du Mont-Saint-Michel, on recense à ce jour à peu près une vingtaine de labellisations. On peut estimer que c'est un bon résultat comme on peut penser qu'il y a là une marge de progression possible, mais peu importe. Ce qui inquiète aujourd'hui les professionnels, c'est le nouveau cahier des charges du label « Tourisme et handicap ».
Le document ne comporte pas moins de vingt-sept pages - je l'ai sous les yeux - et contient je ne sais combien de prescriptions, toutes aussi précises, au millimètre près, les unes que les autres. Ainsi, l'axe de la cuvette des toilettes doit se trouver à 50 centimètres du mur arrière... Je connais un hôtel qui devra refaire ses salles de bain, remises pourtant à neuf il y a tout juste deux ans ! Les campings qui, jusqu'à présent, n'étaient astreints qu'à proposer un hébergement ou deux, en fonction de leur taille, doivent désormais proposer un pourcentage par rapport au nombre de places total, et ce indépendamment de la réalité de la demande.
À la page 16 du document, on peut lire que « les girons de marches des escaliers hélicoïdaux doivent permettre un appui complet du pied du côté le plus large ». Quid des bâtiments anciens ou des monuments classés ? À la page 17, on nous explique que « la zone d'accueil doit être immédiatement repérable grâce à un positionnement cohérent par rapport à la porte principale »...
La multiplication de mesures de ce type risque de décourager un certain nombre de professionnels à s'engager dans la démarche de mise aux normes et, surtout, d'en inciter d'autres à sortir du dispositif à l'occasion de la révision des labels, ce qui diminuerait d'autant les possibilités pour les personnes handicapées d'accéder à ces équipements.
Madame le ministre, quelles sont les raisons qui ont conduit votre ministère à revoir ce cahier des charges et dans quelles conditions peut-on le rendre plus acceptable, dans l'intérêt non seulement des professionnels, mais aussi des personnes handicapées elles-mêmes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le sénateur, le label « Tourisme et handicap » a été créé dès 2003, bien avant la publication de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, afin de favoriser le tourisme des personnes en situation de handicap.
Il était l'aboutissement de deux ans de travaux menés en concertation avec les professionnels du tourisme et les associations de personnes handicapées. Il a pour objectifs, d'une part, d'identifier des structures offrant une accessibilité réelle de leurs prestations, garantie par leur conformité à un référentiel d'accessibilité adapté à chaque type d'activité, d'autre part, d'apporter une information objective et vérifiée aux personnes handicapées quant à l'accessibilité des sites marqués.
Cette démarche, volontariste et pédagogique, rassemble aujourd'hui plus de 5 200 établissements labellisés. Elle ne doit cependant pas être confondue avec la mise en accessibilité prévue par la loi de 2005, qui se décline dans un ensemble de textes d'application. De nombreuses normes d'accessibilité ont été directement inspirées des critères du label, mais en imposant des exigences plus élevées.
Après la publication des textes réglementaires, il s'est révélé indispensable, pour la crédibilité du label, que celui-ci soit au moins au niveau de la loi. Un important travail de refonte du cahier des charges a donc été mené. Les quotas de chambres adaptées que vous évoquez sont la traduction d'une exigence réglementaire à laquelle les hôtels existants ont l'obligation de se soumettre avant 2015.
Dans le cadre de ces travaux de refonte, de nouveaux critères ont également été définis, qui traduisent le souhait de progresser vers une société plus inclusive. Le label propose aujourd'hui des référentiels d'accessibilité tant pour des équipements devant répondre à des normes très détaillées, comme les hôtels, que pour des équipements pour lesquels il n'existe aucune prescription précise en dehors d'une obligation générale, comme certaines parties des campings ou les pontons de pêche. Attribué pour une durée de cinq ans, le label garantit, par des contrôles quinquennaux, le maintien du niveau d'accessibilité dans le temps.
Je vous rappelle également que le Gouvernement, ayant tiré les conséquences d'un rapport remis lors de la précédente mandature, mais jamais publié, a ouvert une concertation avec l'ensemble des parties prenantes, en se fixant deux objectifs : la création d'agendas d'accessibilité programmée et l'adaptation des normes.
Le cahier des charges du label sera ajusté afin de tenir compte de ces évolutions et de ne pas devenir, comme vous le craignez, rédhibitoire pour les professionnels.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Madame la ministre, vous faites état de plus de 5 200 établissements labellisés, mais je crains que ce nombre n'aille pas en augmentant dans les années à venir, bien au contraire !
Le Président de la République s'est engagé en faveur d'un choc de simplification. Il est toujours difficile de simplifier, et c'est particulièrement vrai lorsque l'on aborde la question de l'accessibilité pour les personnes handicapées. Pour autant, nous ferions bien d'aller vers moins de normes, et de veiller plutôt à ce que les normes existantes soient véritablement opérantes et appliquées. Il faudrait changer de logique et passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat.
Madame le ministre, j'ai examiné de près ce cahier des charges : à force de tout vouloir normaliser au centimètre près, sur une base purement technique, on risque de perdre de vue l'objectif fixé il y a dix ans au moment de la création du label.
Pour rester sur une note optimiste, puisque vous nous annoncez une concertation, je forme le vu que celle-ci soit l'occasion de revenir à un peu plus de bon sens, à un peu moins de normes et à davantage d'efficacité
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