Question de M. CAPO-CANELLAS Vincent (Seine-Saint-Denis - UDI-UC) publiée le 13/12/2013
Question posée en séance publique le 12/12/2013
M. Vincent Capo-Canellas. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Madame la ministre, vous avez annoncé il y a quelques mois la suppression de la journée de carence pour les arrêts de maladie des fonctionnaires.
M. Christian Cambon. Exact !
M. Alain Gournac. C'est intelligent !
Mme Cécile Cukierman. En effet, cher collègue, c'est intelligent !
M. Vincent Capo-Canellas. Le motif alors invoqué était l'inutilité supposée de ce dispositif. Pourtant, une étude récemment publiée rappelle que, depuis l'instauration de cette journée de carence, les arrêts de maladie courts ont réellement chuté.
Mme Cécile Cukierman. Tandis que les arrêts de longue maladie ont très fortement augmenté !
M. Vincent Capo-Canellas. Les chiffres sont éloquents : en 2012, le nombre d'absences d'une journée a reculé de 41 % dans les hôpitaux et de 43 % dans les collectivités territoriales. Si les données équivalentes font défaut pour la fonction publique d'État, force est de constater que la journée de carence n'a rien d'inutile.
Mme Cécile Cukierman. Il faut lire cette étude jusqu'au bout !
M. Vincent Capo-Canellas. Or, paradoxalement, c'est le moment que le Gouvernement choisit pour supprimer ce dispositif.
M. Christian Cambon. Les finances vont si bien !
M. Vincent Capo-Canellas. L'expérimentation menée deux années durant avec succès ne sera donc pas pérennisée, alors même qu'elle affiche des résultats positifs, ce qui, vous en conviendrez, n'a guère de sens.
La suppression de la journée de carence aura un impact négatif sur les finances publiques : elle coûtera à tout le moins 157 millions d'euros l'année prochaine et désorganisera les services concernés, notamment dans l'hôpital public, où cette mesure avait permis de faire des économies. C'est là un très mauvais signal, à l'heure où les efforts de maîtrise de la dépense publique doivent être accrus.
Validée par les faits, la journée de carence se justifie également sur le plan des principes. Je rappelle que, dans le secteur privé, le délai de carence est de trois jours. Il s'agit donc d'une mesure d'équité. Il n'est pas inutile de le souligner, en cette période où tous les Français sont mis à contribution : l'effort n'est juste que s'il est partagé !
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Vincent Capo-Canellas. Dès lors, pourquoi supprimer la journée de carence ? D'aucuns invoquent les arrêts de maladie longs, mais ces derniers n'ont évidemment aucun lien avec ceux qui nous occupent ici. On ne remplace pas un jour d'arrêt de maladie par un arrêt de quinze jours ou plus ! On le sait, l'augmentation des arrêts dits « longs » s'explique par le vieillissement de la population des fonctionnaires.
Mme Cécile Cukierman. Il fallait y penser avant de reculer l'âge de départ à la retraite !
M. Vincent Capo-Canellas. Cette raison ne tient donc pas.
Par ailleurs, mettre en cause les commanditaires de l'étude révélant l'impact positif du jour de carence est un piètre procédé. Il ne sert à rien de casser le thermomètre quand il affiche un chiffre embarrassant !
Madame la ministre, plutôt que d'attaquer les assureurs, vous devriez relancer les négociations au sujet de la mutuelle obligatoire des fonctionnaires, qui avaient été précédemment engagées.
Qu'entendez-vous faire face à cette situation ? Allez-vous revenir sur la suppression de la journée de carence ? Dans le cas contraire, allez-vous compenser, pour les collectivités territoriales et les hôpitaux, le manque à gagner qu'entraînera sa disparition ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Alain Gournac. La gauche mène une politique de clientèle !
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Réponse du Ministère de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique publiée le 13/12/2013
Réponse apportée en séance publique le 12/12/2013
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur Capo-Canellas, je vous remercie vivement d'avoir posé cette question. L'étude que vous citez a été largement commentée. Je souligne d'emblée qu'elle a été commandée par une société représentant les assureurs.
Mme Annie David. Tout à fait !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. À entendre votre question, vous n'avez, à ce jour, pas plus de précisions que le Gouvernement sur le fait que cette firme a déjà négocié quelque 700 000 contrats pour des agents du secteur public.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. En effet, prenant acte, il y a peu, du jour de carence, nombre de maires ont écouté les mutuelles et les assureurs, qui leur ont proposé d'établir des contrats collectifs de prévoyance. Certaines collectivités dépensent entre 8 et 12 euros par salarié et par mois pour cheminer vers la prévoyance. Je note que 77 % des salariés du privé bénéficient déjà de cette dernière - et c'est tant mieux -, parmi lesquels 50 % des salariés des très petites entreprises, les TPE.
Mme Catherine Procaccia. Pour être taxées davantage !
M. Alain Gournac. Exact !
Mme Cécile Cukierman. Et le partage des profits ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Pour poursuivre dans le sens de l'alignement, il faudrait porter le délai de carence à trois jours. Aussitôt, l'ensemble des maires et des présidents de conseil général de France, ainsi que la ministre de la fonction publique que je suis, négocieraient des contrats de prévoyance modifiés en conséquence. Je comprends que les mutuelles, que je respecte beaucoup, comme la société Sofaxis, qui a connu quelques difficultés en matière de marchés publics, mais qui, depuis lors, a beaucoup progressé, voient devant elles un formidable marché ouvert !
Monsieur le sénateur, nos fonctionnaires n'ont pas, pour l'heure, droit à la complémentaire santé. Parallèlement, seuls 23 % de leurs collègues du secteur privé se voient encore appliquer un jour de carence. Dès lors, les fonctionnaires diront à leur employeur : « Soit, allons jusqu'au bout ! Donnez-nous la complémentaire santé et une assurance prévoyance ! »
M. Jacky Le Menn. Eh oui !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Calculez l'écart de coûts qui sépare les deux dispositifs. Si vous souhaitez augmenter la dépense publique, conservons le jour de carence et négocions la complémentaire santé. Je le répète, si vous tenez à rapprocher les régimes du public et du privé, il faut aller jusqu'au bout, au-delà du seul jour de carence !
Mme Cécile Cukierman. Voilà !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Les partenaires sociaux ont récemment conclu un accord rendant obligatoire la complémentaire santé. Retrouvons-nous dans le cadre d'un véritable groupe de travail, pour déterminer ce que coûteront, au titre de la dépense publique, ce régime complémentaire et l'alignement des délais de carence entre le public et le privé.
Les sociétés d'assurances utilisent l'étude en question pour obtenir ce qu'elles veulent, c'est-à-dire un vaste marché. Je le regrette, car ce procédé est dommageable, certes non pour elles, mais pour la dépense publique !
M. Jacky Le Menn. Tout à fait !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je comprends bien qu'une entreprise cherche à accroître son chiffre d'affaires ; je n'éprouve, à cet égard, aucun scrupule d'ordre éthique. Toutefois, les chiffres méritent d'être étudiés de près. Vous affirmez que les arrêts de longue durée augmentent du fait du vieillissement des fonctionnaires, mais tel n'est pas tout à fait le cas.
M. le président. Madame la ministre, je vous prie de bien vouloir conclure.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. J'achève mon propos, monsieur le président.
Lorsqu'un salarié malade se fait violence pour aller travailler en prenant un paracétamol afin de ne pas subir le jour de carence, et qu'il doit ensuite se rendre chez le médecin pour obtenir trois ou quatre jours d'arrêt, ce n'est pas nécessairement une bonne nouvelle pour tout le monde ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
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