Question de M. MÉZARD Jacques (Cantal - RDSE) publiée le 13/12/2013
Question posée en séance publique le 12/12/2013
M. Jacques Mézard. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Il n'est pas là !
M. Francis Delattre. Il n'est jamais là !
M. Jacques Mézard. Elle est relative aux institutions de la République et au rôle du Sénat. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Pour nous, il est inopportun de modifier ces institutions sans recourir à un processus de révision constitutionnelle.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment !
M. Jacques Mézard. Or nous craignons que ce ne soit votre objectif. Vous le savez, notre groupe est profondément attaché au bicamérisme et, en conséquence, au respect de la place et du rôle du Sénat dans nos institutions,
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jacques Mézard.
un Sénat disposant de ses pouvoirs législatifs dans tous les domaines, mais avec sa spécificité : l'impossibilité de renverser le Gouvernement et l'attribution de missions particulières, reconnues très clairement par la Constitution, concernant les collectivités territoriales.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Jacques Mézard. À ce sujet, nous avons relevé avec une certaine inquiétude, pour ne point dire davantage, les propos de M. Olivier Dussopt, député, rapporteur à l'Assemblée nationale du projet de loi de décentralisation et d'affirmation des métropoles transmis à cette chambre pour une deuxième lecture.
À la question : « Allez-vous réintroduire le Haut Conseil des territoires ? », il a répondu cela figure dans La Gazette des communes, que j'ai sous les yeux : « Le Gouvernement y est extrêmement favorable. Les Sénateurs parlent d'un "Sénat bis". Ils n'intègrent pas la perspective du non-cumul. Mais le jour où le non-cumul sera appliqué, il faudra un lieu de concertation entre le Gouvernement et les responsables des principaux exécutifs locaux. » (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C'est incroyable !
M. Alain Gournac. C'est scandaleux !
M. Jacques Mézard. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est M. Dussopt ! Il affirme que le Haut Conseil des territoires répond à la volonté du Gouvernement et remplacera le Sénat dans son rôle à l'égard des collectivités. On ne saurait être plus clair, et le débat d'hier à l'Assemblée nationale ne nous a point rassurés : le Haut Conseil des territoires, pendant du projet de loi sur le non-cumul, c'est le déclin assuré, si ce n'est la fin du Sénat !
M. Philippe Darniche. C'est vrai !
M. Jacques Mézard. Ce Haut Conseil n'était pas une proposition des associations des élus, comme on nous le fait croire aujourd'hui ; il leur a été instillé au fil des négociations. C'est en réalité la proposition n° 1 du rapport Terra Nova de 2011 comprenant le binôme et le non-cumul.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et voilà !
M. Jacques Mézard. Ma question est simple : quelles sont les intentions du Gouvernement sur le projet de Haut Conseil des territoires et, plus généralement, sur l'avenir du Sénat de la République ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP. Mme Catherine Tasca applaudit également.)
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Réponse du Ministère chargé des relations avec le Parlement publiée le 13/12/2013
Réponse apportée en séance publique le 12/12/2013
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, l'article 24 de la Constitution, que vous connaissez parfaitement, précise notamment que le Parlement vote la loi, contrôle l'action du Gouvernement, évalue les politiques publiques et, surtout, comprend l'Assemblée nationale et le Sénat, ce dernier assurant la représentativité des collectivités territoriales de la République. Le Gouvernement n'a aucunement l'intention de modifier cet article.
M. Gérard Longuet. Il n'en a d'ailleurs pas les moyens ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Il n'a pas la majorité !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Au contraire, le Gouvernement entend réaffirmer son attachement au bicamérisme, qui est indispensable à la qualité de la loi et à l'effectivité du contrôle de l'action de l'exécutif.
M. François Trucy. On vous le rappellera !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Sénat est aujourd'hui au rendez-vous de cette exigence, et le Gouvernement, je veux le rappeler, a choisi de saisir le Sénat en premier, ce qui est une marque de confiance à son égard, pour des textes aussi importants que la loi de programmation militaire, définitivement adoptée par votre assemblée mardi dernier.
Lundi dernier, le Sénat a adopté le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises. En outre, il est vraisemblable que l'Assemblée nationale votera conforme le texte issu des travaux du Sénat. Hier, ce dernier, conformément à sa tradition, a voté presque à l'unanimité, me semble-t-il, un texte important tendant à créer des sociétés d'économie mixte à opération unique dont vous étiez le rapporteur, monsieur Mézard.
Tout cela montre que, contrairement à ce qu'allèguent certains commentateurs, et en dépit de circonstances politiques faisant que, parfois, aucune majorité ne peut se dégager, le Sénat est présent et apporte sa pierre à l'uvre législative.
Monsieur le sénateur, vous m'interrogez plus particulièrement sur les projets du Gouvernement à l'égard du Sénat. Notre engagement, que je viens de rappeler, est très fort en la matière. Par ailleurs - nous avons eu ce débat lors de l'examen d'autres textes, ce que vous savez parfaitement -, nous sommes partisans de reconnaître la spécificité du Sénat, mais pas sa spécialité. Ce dernier point est d'ailleurs au centre de notre divergence, notamment concernant la question du cumul des mandats.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Sur le fond, il existe des pays où la seconde chambre a une spécialité, mais leur organisation est fédérale. La seule façon, pour la France, d'être une République qui respecte le Sénat, c'est bien de compter deux chambres auxquelles sont reconnus les mêmes pouvoirs, comme le fait l'article 24 de la Constitution. Telle est notre vision du bicamérisme.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Alain Gournac. Mais pourquoi le Haut Conseil ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je tiens à réaffirmer aujourd'hui ce point au nom du Gouvernement.
S'agissant du texte important de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles qui est actuellement en débat, le Gouvernement s'est déjà exprimé sur ce Haut Conseil. Toutefois, la procédure parlementaire suit son cours à l'Assemblée nationale, et une commission mixte paritaire se réunira pour trouver un accord entre les deux assemblées. Si elle y parvient, le Gouvernement sera évidemment très attentif à ses résultats, sans a priori, car son objectif est évidemment de respecter le Sénat et la procédure parlementaire, notamment pour ce qui concerne un texte de cette importance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
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