Question de M. de MONTGOLFIER Albéric (Eure-et-Loir - UMP) publiée le 06/12/2013
Question posée en séance publique le 05/12/2013
Concerne le thème : L'accès à la justice et la justice de proximité
M. Albéric de Montgolfier. Madame la garde des sceaux, votre politique manque parfois de visibilité. Je pense en particulier à votre politique pénale. Ma question porte néanmoins sur un autre point, qui, lui aussi, demande à être éclairci : je veux parler de l'aide juridictionnelle.
Ne souhaitant pas mettre le Gouvernement dans l'embarras, vous avez décidé de reporter la réforme de l'aide juridictionnelle après 2014, peut-être en 2015. Sur le fond, je le dis clairement, nous ne pouvons qu'approuver ce recul du Gouvernement. Cette réforme aurait mis en difficulté les avocats, qui font preuve d'un véritable sens civique en travaillant pour des sommes modestes au bénéfice des plus démunis. Elle aurait également mis en difficulté les justiciables, en réduisant l'offre de services du fait des difficultés qu'auraient éprouvées les cabinets à la suite de la baisse des moyens mis à leur disposition pour remplir cette mission.
Malgré cette reculade, la question du financement demeure d'actualité. Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit en effet une baisse des crédits consacrés à l'aide juridictionnelle de l'ordre de 32 millions d'euros, ce qui met à mal le principe même de cette aide. Vous êtes d'ailleurs restée assez floue à ce sujet. J'en veux pour preuve les propos que vous avez tenus lors de l'assemblée générale extraordinaire du Conseil national des barreaux. En effet, vous avez indiqué aux avocats : « Explorons jusqu'au bout chaque piste. À charge pour vous de la récuser. »
Pour notre part, nous ne pouvons accepter que la ministre chargée de ce sujet demande aux acteurs du secteur, ici les avocats, d'assumer ce non-choix. Ma question est donc très simple : faut-il encore compter sur de nouvelles taxes pour financer la refonte de l'aide juridictionnelle ? En tous les cas, pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions en la matière, ainsi que sur les pistes que vous envisagez pour la réforme de cette aide après 2014, année de l'impasse budgétaire ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cambon. Très bien !
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 06/12/2013
Réponse apportée en séance publique le 05/12/2013
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Trois procès en deux minutes, bel exploit, monsieur le sénateur !
Vous avez parlé du flou entourant notre politique pénale,...
M. Albéric de Montgolfier. Ma question porte sur l'aide juridictionnelle !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. ... mais c'est une pratique à laquelle je me suis fortement habituée depuis dix-huit mois.
Je vais répondre à votre question sur l'aide juridictionnelle. Il vous va bien de saluer l'engagement des avocats, alors que vous n'avez pas revalorisé d'un centime d'euro l'unité de valeur durant tout le précédent quinquennat ! (M. Stéphane Mazars applaudit.)
M. Philippe Kaltenbach. Ils avaient oublié !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cependant, vous avez eu raison de leur rendre hommage, car ceux qui pratiquent l'aide juridictionnelle font preuve d'un réel engagement civique.
Parmi les six rapports publiés sur le sujet depuis une dizaine d'années, figure le rapport du sénateur du Luart, qui s'intitule L'Aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle. Il date de 2007 ! Or, en cinq ans, vous n'avez pas trouvé le temps de réformer l'aide juridictionnelle !
Si vous êtes étonné que je parle aux avocats, que je mette des propositions sur la table et que je suggère à la profession d'explorer ces pistes avant de les récuser, c'est parce qu'il y a une grande différence de méthode entre ce que vous faisiez et ce que nous faisons.
M. Ladislas Poniatowski. Et qu'est-ce que vous faites ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous, nous ne réformons pas à l'encontre des professions, nous réformons avec elles ! Nous les respectons, nous discutons des différentes pistes possibles, nous nous concertons, nous les consultons, afin d'aboutir à une bonne réforme.
En plus de dix ans, aucun gouvernement n'a eu le courage de réformer l'aide juridictionnelle, qui s'en est trouvée fragilisée. Avec notre action, nous allons pérenniser le financement de l'aide juridictionnelle, qui est une question de solidarité vis-à-vis des justiciables les plus vulnérables.
M. Albéric de Montgolfier. Nous sommes d'accord !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour y avoir droit, un justiciable doit même être en dessous du seuil de pauvreté. Nous allons donc consolider cette politique de solidarité.
M. Jean-Claude Frécon. Très bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous le savez, j'ai chargé M. Carre-Pierrat d'une mission, ce qui nous permettra de continuer à discuter avec les professionnels, afin d'aboutir à une proposition de financement de l'aide juridictionnelle avant le prochain budget.
M. le président. Veuillez conclure, madame la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je note par ailleurs que vous n'avez pas dit un quart de mot du timbre de 35 euros, que vous aviez instauré. Il constituait une véritable entrave à l'accès au juge et il a pénalisé des justiciables vulnérables.
M. Philippe Kaltenbach. C'est vrai !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons dû abonder le budget de la justice de 60 millions d'euros pour financer sa suppression. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour la réplique.
M. Albéric de Montgolfier. Je remercie Mme la garde des sceaux de manifester son attachement à l'aide juridictionnelle, mais le problème est de nature budgétaire.
À seize heures, je vais participer à l'Assemblée nationale à la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances, qui va sans doute échouer. À cette occasion, nous pourrons constater une baisse de 32 millions d'euros des crédits consacrés à l'aide juridictionnelle.
M. Ladislas Poniatowski. Voilà !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C'est faux !
M. Albéric de Montgolfier. Quant aux pistes envisagées, le débat reste ouvert. En tout cas, nous serons extrêmement vigilants.
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