Question de M. KALTENBACH Philippe (Hauts-de-Seine - SOC) publiée le 06/12/2013
Question posée en séance publique le 05/12/2013
Concerne le thème : L'accès à la justice et la justice de proximité
M. Philippe Kaltenbach. Depuis trente ans, les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, ont permis à la France d'acquérir un dispositif solide en matière de droit des victimes. Il convient d'ailleurs sur ce point de rendre hommage à l'un de nos anciens et éminents collègues, grand artisan de ce dispositif quand il fut garde des sceaux : Robert Badinter.
On peut le dire, la France est un bon élève de la classe en Europe. Néanmoins, la pratique se révèle plus mitigée que la théorie. En effet, à l'heure actuelle, force est de constater que des faiblesses entravent encore l'accès à la justice et le droit des victimes.
Ces faiblesses sont d'abord liées à la complexité des dispositifs existants. La victime peut en effet connaître des difficultés dans ses démarches de constitution de partie civile.
Il convient ensuite de souligner un manque d'information. La remise d'un simple formulaire, souvent rédigé en des termes peu accessibles, ne saurait être une réponse parfaitement adaptée aux attentes des victimes, déjà fragilisées.
Par ailleurs, l'accompagnement de la victime doit être renforcé. Les bureaux d'aide aux victimes ont besoin de moyens supplémentaires, aussi bien financiers qu'humains. Je pense notamment aux greffiers, indispensables pour que ces bureaux fonctionnent correctement.
Enfin, ces dernières années, les associations d'aide aux victimes ont dû faire face à une baisse de leurs subventions. Je le regrette ! Pour conforter leur rôle essentiel dans l'accompagnement des victimes, un soutien plus important doit leur être alloué et leurs subventions doivent être pérennisées, voire sanctuarisées.
Au-delà de l'accès à la justice, il faut, à mon sens, en finir avec une indemnisation inégalitaire des victimes. L'absence de référentiel indicatif commun à l'échelle nationale a pour conséquence une forte variation de l'indemnisation des victimes.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Roger Karoutchi. Il n'y a pas de question !
M. Philippe Kaltenbach. Avec le sénateur Christophe Béchu, nous avons rédigé un rapport visant à améliorer le dispositif d'indemnisation des victimes, que nous allons vous remettre dans les prochains jours, madame la garde des sceaux.
Aussi, je souhaiterais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour vous interroger sur les mesures que vous comptez prendre afin que la condition de la victime soit mieux appréhendée, à chaque stade du procès pénal.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 06/12/2013
Réponse apportée en séance publique le 05/12/2013
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Kaltenbach, je devais vous recevoir pour la remise du rapport que vous avez rédigé avec M. Christophe Béchu, mais une contrainte d'agenda m'a obligée à reporter notre rendez-vous. Cependant, une autre date a été fixée. J'ai évidemment commencé à lire ce rapport, et j'ai noté la trentaine de propositions que vous y faites.
Vous savez à quel point le Gouvernement est fortement engagé aux côtés des victimes, même s'il a décidé de façon délibérée et résolue de ne pas les instrumentaliser et de ne pas faire de tapage autour des actions qu'il conduit. Dès la première loi de finances du quinquennat, nous avons augmenté le budget de l'aide aux victimes de 25,8 %, alors qu'il ne cessait de baisser depuis 2010. Pour l'année 2014, il a encore été augmenté de près de 8 %. Nous avons également ouvert - je m'y étais engagée devant vous - des bureaux d'aide aux victimes dans tous les tribunaux de grande instance, soit une centaine en une année, contre une cinquantaine seulement au cours des trois années précédentes.
Nous mobilisons aussi les associations, à qui nous exprimons toute notre gratitude pour leur travail.
Vous le savez, dès le mois de juin 2013, j'ai demandé à l'Inspection générale des services judiciaires de procéder à une évaluation de ces bureaux d'aide aux victimes, de façon à ajuster la prise en compte de leurs besoins. Nous avons déjà commencé à mettre en place un certain nombre de préconisations, comme le renforcement de la dotation pour le premier équipement, l'inclusion des bureaux dans l'agenda de la juridiction ou le développement de permanences le soir et le week-end. Vous le voyez, nous essayons d'apporter un service actif aux victimes.
Mais nous allons beaucoup plus loin encore. En effet, avant même la transposition de la directive Victimes d'octobre 2012, pour laquelle le délai court jusqu'en novembre 2015, j'ai décidé de lancer une expérimentation sur le suivi individualisé des victimes. Parmi les préconisations faites dans votre rapport, monsieur le sénateur, figure l'instauration d'un barème unique visant à harmoniser la réponse à apporter aux victimes. Si je souhaite que le principe de l'individualisation soit maintenu, j'ai conscience qu'il est nécessaire de disposer de référentiels valables sur l'ensemble du territoire.
M. le président. Merci, madame la garde des sceaux !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par conséquent, nous allons rassembler ces éléments pour que les juridictions puissent en disposer.
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour la réplique.
M. Philippe Kaltenbach. Je vous remercie de votre réponse, madame la garde des sceaux.
Il est important de conjuguer responsabilisation de l'auteur de l'infraction et protection de la victime. Celle-ci a en effet besoin de la même attention que celle accordée à l'auteur de l'infraction. Cela relève d'un souci de justice et d'équité. Je sais que c'est l'une de vos principales préoccupations, et nous vous faisons pleinement confiance pour mener à bien les réformes nécessaires en la matière.
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