Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UDI-UC) publiée le 14/11/2013
M. Hervé Maurey attire l'attention de Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique sur le poids des dépenses de personnel dans le budget des collectivités territoriales.
Dans son premier rapport sur les finances publiques locales, publié le 14 octobre 2013, la Cour des comptes précise utilement que les dépenses de personnel représentent près de 52 % des dépenses de fonctionnement des collectivités locales.
Si elle formule plusieurs recommandations pour inviter les collectivités à faire des économies sur ce poste de dépense, elle n'en rappelle pas moins que plus de 40 % de l'augmentation des dépenses de personnel des collectivités locales procède de mesures décidées unilatéralement au niveau national : qu'il s'agisse de l'abrogation de la journée de carence ou de la revalorisation du traitement des fonctionnaires, pour ne prendre que deux exemples.
À cet égard la Cour note explicitement que « la croissance de certaines charges des collectivités résulte pour partie des décisions de l'État (
), celui-ci devrait faire en sorte de réduire l'impact de ses décisions sur l'équilibre financier des collectivités ».
Cette situation n'est plus supportable à une époque où les collectivités locales vont devoir supporter de fortes baisses des dotations en 2014 et 2015. L'État doit donc mettre un terme à ces pratiques.
Aussi, il demande au Gouvernement comment il entend adapter ses comportements à cette nouvelle réalité.
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Réponse du Ministère de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique publiée le 27/02/2014
Dans son premier rapport public thématique consacré aux finances publiques locales, publié le 14 octobre 2013, la Cour des comptes formule un ensemble de recommandations portant notamment sur les modalités d'encadrement des dépenses des collectivités territoriales et de leurs groupements, la péréquation de leurs ressources, la qualité et la fiabilité de leurs comptes et la gestion de leur dette. Sur le premier point, la Cour préconise notamment que soient posées des « règles d'encadrement » des finances locales et appelle le Gouvernement à élaborer un pacte de gouvernance des finances locales. Si le principe de libre administration fait obstacle à un encadrement strict et prescriptif des recettes et des dépenses des collectivités locales, la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques a d'ores et déjà mis en place un instrument de régulation. Est ainsi fixé, chaque année, un cadre à l'évolution des concours financiers de l'État au sein d'une enveloppe normée. De plus, l'ensemble des collectivités et de leurs groupements est pleinement associé à l'effort de redressement des finances publiques, puisque lors de la conférence nationale des finances publiques ouverte le 12 mars 2013, le Gouvernement a décidé, de façon inédite et après une phase de concertation avec les élus au sein du comité des finances locales (CFL), de réduire les dotations de l'État aux collectivités locales de 1,5 milliard d'euros en 2014 et de 1,5 milliard d'euros supplémentaires en 2015. La participation des collectivités locales à l'effort de redressement des finances doit être corrélée à leur contribution au déficit public considéré au regard du poids relatif de leurs dépenses dans l'ensemble des dépenses publiques. Ainsi, en 2012, les collectivités territoriales et leurs groupements contribuent à hauteur de 3 % de l'ensemble des déficits publics pour un montant de dépenses d'investissement représentant 71 % de l'investissement public. Le secteur local contribue, par conséquent, directement et activement à soutenir la croissance de notre pays. En outre, le pacte de confiance et de responsabilité conclu, sous l'égide du Premier ministre, entre l'État et les collectivités locales le 16 juillet 2013, constitue une préfiguration du pacte de gouvernance des finances locales souhaité par la Haute juridiction financière. Pour élaborer ce pacte, le Gouvernement s'est appuyé sur les travaux et les propositions du CFL qui constitue l'instance de dialogue privilégiée entre l'État et les collectivités locales sur les sujets financiers. La Cour appelle en particulier de ses vux une meilleure maitrise des dépenses de personnel. Le Gouvernement approuve notamment les recommandations de la Cour sur l'amélioration de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et le développement des mutualisations. À cet égard, le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale, présenté en conseil des ministres le 10 avril 2013, et constituant le troisième volet de la nouvelle étape de décentralisation, prévoit de rendre obligatoire, pour les entités publiques locales de plus de 10 000 habitants, la présentation d'un rapport portant notamment sur la structure et l'évolution des dépenses et des effectifs dans le cadre du débat d'orientation budgétaire. Pour ce qui est des mutualisations, la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (loi MAPTAM) introduit de nouveaux outils pour favoriser l'exercice concerté des compétences des collectivités territoriales et de leurs groupements. Les conventions territoriales d'exercice concerté d'une compétence visent ainsi à définir, pour chaque compétence, les délégations consenties, les créations de services unifiés, les conditions de coordination et de rationalisation des interventions des collectivités territoriales, dans le but de réduire les situations de financements croisés et de clarifier les conditions d'attribution des subventions. Concernant les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les communes, au-delà des dispositifs de mutualisation applicables qui font l'objet d'un rapport annuel au conseil communautaire à compter de 2014, la loi MAPTAM crée un coefficient de mutualisation des services, dont la possible prise en compte comme critère de répartition de la dotation globale de fonctionnement va être évaluée et donner lieu à un rapport du Gouvernement au Parlement. De plus, les missions que pourront exercer les services communs créés entre les EPCI et les communes sont clarifiées. Sur le deuxième point, le Gouvernement partage, comme la Cour, la conviction qu'il convient de renforcer les dispositifs de péréquation afin de favoriser l'égalité entre les collectivités, qui constitue un objectif constitutionnel. À cet égard, il faut noter que la répartition de la baisse des dotations au sein de chaque catégorie de collectivités intègre pleinement cette logique de péréquation. Au sein du bloc communal, elle est effectuée en fonction des ressources réelles de fonctionnement. Cette répartition permet de traiter de manière différenciée deux communes ou intercommunalités de même taille - géographique ou démographique - la collectivité la plus riche contribuant davantage que celle dont les moyens sont limités. La baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des départements sera, quant à elle, calculée en fonction d'un indice synthétique prenant en compte à hauteur de 70 % le revenu par habitant et à hauteur de 30 % l'effort fiscal, c'est-à-dire le taux de taxe foncière sur les propriétés bâties, de manière à faire contribuer davantage les départements disposant de marges en matière de fiscalité. Enfin, la répartition de la baisse de la DGF des régions est effectuée au prorata des ressources réelles. Comme pour le bloc communal, elle permet ainsi de faire contribuer davantage une région qui dispose de ressources financières importantes, à superficie et population équivalentes, qu'une région dont les ressources sont plus limitées. La loi de finances pour 2014 prévoit plusieurs mesures qui concrétisent l'engagement du Gouvernement de renforcement de la péréquation. Les fonds de péréquation verticale progresseront de 119 M. Les ressources de ceux qui reposent sur des mécanismes de péréquation horizontale progressent de 210 M, pour le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) et de 20 M pour le fonds de solidarité des communes de la région Ile de France (FSRIF). Par ailleurs, l'article 135 de la loi de finances précitée crée un fonds de péréquation des ressources des départements d'Île-de-France, doté de 60 M, destiné à atténuer les importantes différences de ressources existant entre les départements de cette région. L'article 78 institue, quant à lui, pour 2014, un fonds de solidarité alimenté par un prélèvement, plafonné, correspondant à 0,35 % des bases de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) perçus par les départements en 2013 et répartis au profit des départements éligibles dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à la moyenne ou dont le revenu par habitant est inférieur à 1,2 fois la moyenne nationale des départements, en fonction de leurs restes à charge au titre des dépenses d'allocations individuelles de solidarité. L'efficacité des dispositifs de péréquation horizontale doit être évaluée, non pas sur un seul exercice mais à moyen et à long termes. Concernant les départements en particulier, le fonds de péréquation de la contribution sur la valeur ajoutée (CVAE) perçue par les départements a été conçu de manière à lui assurer un dynamisme important. Ce fonds est en effet alimenté par deux prélèvements : si le montant du premier prélèvement « sur stock » est fixé ex ante en loi de finances, le second prélèvement « sur flux » prend en compte l'accroissement du montant de CVAE perçu entre l'année n-1 et l'année n-2. Toute augmentation de la CVAE perçue par les départements se traduit donc l'année suivante par un renforcement des ressources du fonds. Il en va de même pour le fonds DMTO, dont le montant réparti a certes baissé en 2013 du fait du ralentissement du marché immobilier, mais qui porte sur des ressources structurellement dynamiques à moyen et long termes. S'agissant des régions, le fonds de péréquation des ressources perçues par les régions et la collectivité territoriale de Corse vise à faire converger les taux de croissance régionaux des ressources perçues par les régions et issues de la suppression de la taxe professionnelle vers la moyenne nationale. Les prélèvements au titre du fonds sont calculés sur la base de l'écart à la moyenne de l'évolution des ressources post-taxe professionnelle des régions (CVAE, IFER ( imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux), DCRTP (dotation de compensation de la taxe professionnelle), FNGIR (fonds nationaux de garantie individuelle des ressources)) constatée entre l'année n-1 et l'année 2011. La référence à l'année 2011 a comme corollaire le fait que le prélèvement n'est pas uniquement calculé sur un flux annuel, mais sur la somme des flux annuels constatés depuis 2011. Ce fonds a donc vocation à voir son montant augmenter au cours des prochaines années. D'une manière plus générale, les régions étant caractérisées par la faiblesse de la part des ressources fiscales dans leurs ressources totales, la nécessité du renforcement de la péréquation horizontale y apparaît moins nécessaire que pour les départements, et a fortiori, que pour le bloc communal. La péréquation horizontale n'a en effet de sens que lorsque les ressources sont inégalement réparties entre les collectivités de la catégorie. Or l'écart entre les indicateurs de ressources fiscales des régions par habitant les plus élevés et les moins élevés n'est que de 1 à 2, contre un écart de 1 à 20 pour le potentiel financier par habitant des communes et de 1 à 3 pour le potentiel financier par habitant des départements. Outre la péréquation de leurs ressources, le Gouvernement a également souhaité prendre en compte des difficultés structurelles particulières des collectivités. Il a entendu tirer les conclusions du groupe de travail entre l'État et les départements, en leur assurant les moyens de mieux financer les trois allocations individuelles de solidarité et la compensation de la revalorisation exceptionnelle du revenu de solidarité active. L'article 77 de la loi de finances pour 2014 permet aux départements, pour une période limitée à deux ans, de porter de 3,80 % à 4,50 % le plafond maximal du taux des droits de mutation à titre onéreux. Cette faculté, qui s'accompagne de la création du fonds de solidarité mentionné ci-dessus, a pour objet de mieux couvrir la progression des dépenses de solidarité, particulièrement marquée dans un contexte de crise. A ces ressources fiscales potentielles s'ajoute le transfert pérenne aux départements des frais de gestion relatifs à la taxe foncière sur les propriétés bâties, aujourd'hui perçus par l'État. La ressource correspondante sera répartie entre les départements de façon péréquée. S'agissant des régions, la loi de finances pour 2014 leur alloue un nouveau panier de ressources fiscales en remplacement de la dotation générale de décentralisation (DGD) formation professionnelle. Les régions se voient transférer, d'une part, le produit -dynamique- des frais de gestion perçus par l'État au titre du recouvrement et des dégrèvements pris en charge de la taxe d'habitation, de la cotisation foncière des entreprises et de la CVAE et d'autre part, le produit d'une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Cette mesure permet de renforcer l'autonomie financière des régions et le dynamisme de leurs ressources fiscales. Sur le troisième point concernant la qualité et la fiabilité des comptes publics locaux, le Gouvernement souscrit très largement au diagnostic établi, aux orientations proposées et aux recommandations formulées. Afin de satisfaire aux exigences communautaires relatives aux cadres budgétaires des États membres, les services de l'État sont mobilisés pour étendre le champ des données financières locales faisant l'objet d'une centralisation nationale. À cette fin, le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale prévoit de rendre obligatoire, dans un délai de cinq ans, la dématérialisation des documents budgétaires des entités publiques locales de plus de 50 000 habitants et leur transmission au représentant de l'État par voie électronique. Cela permettra de centraliser l'ensemble des données figurant dans les annexes normées des documents budgétaires, en particulier celles se rapportant aux engagements hors bilan. En matière de certification des comptes publics locaux, si une expérimentation apparaît nécessaire pour les plus grandes des entités publiques locales, celle-ci doit reposer sur le volontariat. Tel est le sens de la mesure prévue par le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale. S'agissant des autres entités locales, la mise en place d'une norme de révision limitée systématique des comptes dans le cadre de l'examen de gestion réalisé par les chambres régionales des comptes pourrait être envisagée. Dans cette perspective et afin d'améliorer la lisibilité et l'intelligibilité des états financiers des collectivités et établissements publics locaux, le comité relatif à la fiabilité des comptes publics locaux vient d'engager une revue de l'ensemble des annexes des documents budgétaires et comptables des collectivités territoriales. Ces travaux pourraient constituer la première étape du chantier de construction d'un compte financier unique, dont la Cour préconise l'ouverture. Toutefois, dans la mesure où cette évolution exige une adaptation de très grande ampleur des systèmes d'information de l'État et des entités locales concernées, elle ne pourrait être réalisée que progressivement et suppose une concertation préalable approfondie avec les associations représentatives des élus locaux. Afin de faciliter l'agrégation des comptes locaux, au plan local comme au plan national, il paraît souhaitable que les flux croisés intervenus au sein d'une entité publique locale, entre budget principal et budgets annexes, ainsi que ceux réalisés entre les collectivités territoriales et les établissements publics locaux, notamment entre les communes et leurs groupements, soient obligatoirement retracés dans un état particulier annexé au budget et au compte administratif des entités concernées. Enfin, sur le dernier point, le Gouvernement partage les préoccupations de la Cour portant notamment sur l'encadrement du recours à l'emprunt et sur l'amélioration de l'information des élus, des citoyens et des tiers. Ainsi, en application de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont désormais plus autorisés à souscrire que les emprunts présentant les caractéristiques suivantes : pour tous les emprunts en devises étrangères, un contrat d'échange de devises contre euros doit être conclu pour le montant total et la durée totale de l'emprunt concerné ; pour tous les emprunts à taux variable, les indices et les écarts d'indices autorisés pour les clauses d'indexation du taux d'intérêt sont déterminés par un décret en Conseil d'État. La formule d'indexation des taux variables doit répondre à des critères de simplicité ou de prévisibilité des charges financières des entités concernées, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. En outre, les contrats financiers adossés à un emprunt (swap) ne sont autorisés que dans le but d'assurer la couverture du risque pris par l'entité concernée. Les mesures réglementaires d'application de la loi bancaire seront publiées au début de l'année 2014. En outre, afin d'améliorer l'information relative à la dette publique locale, les annexes budgétaires qui s'y rapportent seront modifiées à compter de l'exercice 2014. Il s'agit notamment de moduler l'importance des informations demandées en fonction de la complexité des produits financiers concernés et de renforcer l'information relative aux remboursements anticipés et aux opérations de couverture. Enfin, la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles prévoit un examen de la stratégie de gestion de la dette dans le cadre du débat d'orientation budgétaire pour les entités locales qui comptent 3 500 habitants et plus. La recommandation de la Cour à ce sujet est donc désormais satisfaite.
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