Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRC) publiée le 15/11/2013
Question posée en séance publique le 14/11/2013
M. Pierre Laurent. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
La situation du pays est alarmante. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
M. Rémy Pointereau. Absolument !
M. Philippe Dallier. Nous sommes d'accord !
M. Pierre Laurent. Laissez-moi parler, il y en aura pour vous aussi ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
La colère gronde, notamment parmi ceux qui ont souhaité le changement en 2012. La contestation se conjugue à la colère contre l'austérité, les licenciements
M. Alain Gournac. Le chômage !
M. Pierre Laurent.
et, désormais, l'injustice fiscale. C'est sur ce dernier point que je souhaite vous interroger.
Nous voyons bien comment la droite, le MEDEF et l'extrême droite tentent d'instrumentaliser le mécontentement populaire pour servir leur vieux rêve de poujadisme fiscal et dénoncer l'impôt et les cotisations sociales, qui sont le fondement de la solidarité.
Le problème, pour nous, ce n'est pas l'impôt, c'est l'injustice fiscale. Or la lecture des recettes inscrites au projet de loi de finances pour 2014 est éloquente : d'un côté, 139,4 milliards d'euros de TVA et 13,2 milliards d'euros de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ; de l'autre, seulement 36,2 milliards d'euros d'impôt sur les sociétés en 2014, contre 49,7 milliards d'euros en 2013.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Pierre Laurent. L'explication de cette baisse, c'est le fameux crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, dont toutes les entreprises bénéficient, même celles qui, en ce moment, licencient à tour de bras !
Dans ces conditions, l'augmentation de la TVA au 1er janvier prochain, en alourdissant le coût des transports en commun, des vêtements, du bois de chauffage et de beaucoup d'autres biens et services de première nécessité, constituera une nouvelle ponction dramatique sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens, pourtant déjà si malmené.
Un sénateur du groupe UMP. C'est l'union de la gauche !
M. Pierre Laurent. Pourquoi une telle augmentation ? En grande partie pour compenser les 20 milliards d'euros offerts au patronat sans aucune contrepartie.
Cette mesure risque d'être celle de trop. Vous devriez, monsieur le Premier ministre, remettre au plus vite en chantier une grande réforme de justice fiscale, reconstruire un impôt sur le revenu réellement progressif, qui cesse d'épargner les plus hauts revenus, repenser la taxation du capital et lutter contre l'évasion fiscale, reconsidérer toutes les exonérations fiscales et sociales à l'aune d'un seul critère : leur efficacité en matière d'emploi.
Vous le savez, nous appellerons à la mobilisation en faveur de la justice fiscale et de la taxation du capital. Le 1er décembre prochain, nous marcherons avec le Front de gauche vers Bercy. Mais sans attendre, monsieur le Premier ministre, je vous demande un geste fort : annulez la hausse de la TVA prévue au 1er janvier prochain. Ce serait un premier pas vers la remise en cause d'un CICE inefficace et injuste ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 15/11/2013
Réponse apportée en séance publique le 14/11/2013
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, je connais votre discours... (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.) J'aimerais que, de temps en temps, vous preniez un peu de recul, afin de considérer dans quelle situation nous avons trouvé le pays, en 2012 ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. C'est une vieille chanson !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. On ne peut bâtir une argumentation convaincante et cohérente sans prendre cette réalité en compte.
Oui, nous avons demandé un effort aux Français depuis 2012, comme nous l'avions toujours annoncé, y compris pendant la campagne présidentielle. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. Ce n'est pas vrai !
M. Jackie Pierre. Très discrètement !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Si nous n'avions pas demandé un tel effort pour redresser les comptes publics au début du quinquennat, où en serions-nous aujourd'hui ? Je vous pose la question : auriez-vous accepté que le déficit budgétaire de la France atteigne 6 % du PIB ? Par qui serait-il financé, sinon par les classes populaires et les classes moyennes ? Si nous n'avions pas agi immédiatement, en 2012 et en 2013, nous serions actuellement entre les mains des marchés financiers ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
J'aurais aimé, monsieur le sénateur Pierre Laurent, que vous reconnaissiez cette réalité, qui impose effectivement un effort de redressement, car il est important que notre pays retrouve sa pleine et entière souveraineté et ne dépende pas des marchés financiers. Aujourd'hui, parce qu'un tel effort a été réalisé, que Standard & Poor's abaisse la note de notre pays n'a pas d'influence sur les marchés financiers : la signature de la France est bonne, elle est sérieuse. Voilà pourquoi nous empruntons aujourd'hui aux taux les plus bas, ce qui profite aussi aux entreprises et aux ménages.
Par ailleurs, nous ne vous avons pas attendu pour renforcer la justice fiscale. Il me semble même que vous avez voté certaines mesures allant dans ce sens au début du quinquennat.
M. Pierre Laurent. Il en faudrait beaucoup d'autres !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Permettez-moi d'en rappeler quelques-unes : la mise en place d'une nouvelle tranche de l'impôt sur le revenu à 45 %, pour que les revenus les plus élevés contribuent à l'effort commun, le rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune, pour lutter contre la rente, l'alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. On nous reproche assez de trop imposer le capital ! C'est mon gouvernement qui a pris ces mesures, que vous avez votées !
Mme Éliane Assassi. Voulez-vous que je vous rappelle celles que vous aviez votées avant que la gauche n'arrive au pouvoir ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous avons également mis en place un certain nombre de dispositions relatives aux niches fiscales qui ont été combattues par la droite. Ce chantier, nous l'avons ouvert !
Vous avez évoqué la TVA. Pour 2014, c'est ce gouvernement qui a proposé que le taux le plus bas, de 5,5 %, s'applique aux travaux de rénovation thermique. Cette mesure, qui vient s'inscrire dans la promotion de la rénovation thermique, secteur créateur d'emplois, se conjuguera au crédit d'impôt accordé aux ménages qui investiront dans leur logement et à l'éco-prêt à taux zéro.
M. Alain Gournac. C'est le miracle !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. D'un côté, une facture de chauffage qui diminue ; de l'autre, une aide à l'investissement source de créations d'emplois, en particulier dans l'artisanat et les petites entreprises.
M. Pierre Laurent. Avec cet argent, ils licencient, ils n'investissent pas !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Voilà ce que nous avons entrepris !
Votre politique, celle pour laquelle vous allez manifester dans quelques jours, est simple : du déficit, encore du déficit, toujours plus de déficit ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Je vous interroge à mon tour : qui paie pour le déficit, sinon les classes populaires et les classes moyennes ?
Concrètement, le déficit de la France correspond au paiement, chaque année, de 50 milliards d'euros d'intérêts au titre des emprunts que la droite a contractés et dont elle nous a laissé la facture ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) C'est plus que le budget de l'éducation nationale !
Mme Éliane Assassi. Et l'évasion fiscale ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Si nous sollicitons des Français un effort pour le redressement des comptes publics, assorti de mesures de justice fiscale, c'est afin de redonner à la France des marges de manuvre pour investir dans l'éducation, dans l'innovation, dans la préparation de l'avenir.
Si vous voulez sincèrement le redressement de la France, alors je vous invite à choisir, à ne pas mêler systématiquement vos voix à celles de la droite, qui court derrière l'extrême droite au lieu de se battre pour le relèvement du pays ! (Protestations sur les travées de l'UMP.) Je vous invite à nous rejoindre, pour l'avenir de la France, pour la cohésion sociale et la solidarité nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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