Question de Mme SCHILLINGER Patricia (Haut-Rhin - SOC) publiée le 03/10/2013
Mme Patricia Schillinger attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur les procédures d'attribution de marchés publics. La commande publique en France est encadrée par les contraintes européennes, fondées sur le moins-disant financier, qui ne valorise aucunement la production française et très peu le développement durable. Par ailleurs, ce sont les très petites entreprises (TPE) qui se retrouvent dans une situation pénalisante par rapport aux grands groupes, alors que la création d'emploi relève aujourd'hui des TPE. Les contrats publics représentent chaque année des centaines de milliards d'euros injectés dans l'économie, qu'il s'agisse de commandes de l'État ou des collectivités locales. Le « rapport Gallois » rendu public en novembre 2012 préconise l'élaboration d'un équivalent du « small business act » pour venir en aide à la croissance des petites et moyennes entreprises françaises. En effet, les États-Unis disposent du « Buy American Act », qui oblige les entreprises candidates aux appels d'offres à être installées sur le sol américain. Depuis une trentaine d'années, il est possible d'observer les conséquences directes des effets de la mondialisation : le déclin industriel et la dégradation du tissu économique. Face à ces mutations, il est possible, sans violer les directives européennes, d'intégrer dans les procédures d'attribution de marchés publics d'autres critères que l'offre économiquement la plus avantageuse tels que l'écologie ou les critères sociaux, afin de respecter les engagements de sécurité sanitaire et de développement durable souhaités par nos concitoyens. Aujourd'hui, il est nécessaire d'introduire dans le marché publics des clauses de production locale, de progrès social et environnemental. Par conséquent, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage, très prochainement, d'introduire dans les appels d'offres publics des critères de production locale et de développement durable afin de s'orienter vers le « Made in France ».
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Transmise au Ministère de l'économie, du redressement productif et du numérique
Réponse du Ministère de l'économie, du redressement productif et du numérique publiée le 21/08/2014
L'introduction de critères d'attribution liés au développement durable et de mesures favorables à la production locale dans les procédures de la commande publique ne suppose pas la modification des textes existants. L'article 5 du code des marchés publics et ses équivalents dans les décrets d'application de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 modifiée relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics imposent déjà, dans tous les marchés, la prise en considération des objectifs de développement durable dans la détermination de la nature et de l'étendue des besoins à satisfaire. L'article 53 du code des marchés publics et ses équivalents dans les décrets d'application de l'ordonnance du 6 juin 2005 prévoient déjà que, sauf dans des cas exceptionnels justifiés par l'objet du marché, l'acheteur public doit se fonder sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché pour attribuer ses marchés. L'article 53 du code des marchés public cite déjà, à titre d'exemple, les critères de « performances en matière de protection de l'environnement », de « performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté », de « délais de livraison » et ajoute que « d'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ». Cet article a été modifié pour inciter les acheteurs à favoriser le développement des circuits courts dans l'achat de produits agricoles, notamment pour l'approvisionnement des services de restauration collective, en prenant en compte « les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture ». Le Gouvernement fait uvre de pédagogie pour inciter les acheteurs publics à utiliser les critères liés au développement durable. Le guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics indique que « l'offre économiquement la plus avantageuse n'est pas assimilable au prix le plus bas, ce qui, bien entendu, ne doit pas conduire l'acheteur à minorer l'importance du critère prix dans l'analyse des offres. L'acheteur doit, en effet, être en mesure d'apprécier la performance globale du marché et porter une attention particulière à la qualité des prestations fournies, ainsi qu'au respect, tant par les fournisseurs que par les utilisateurs, des modalités d'exécution du marché ». Il consacre de longs développements sur la manière d'intégrer les préoccupations de développement durable dans l'achat public. À côté du Vade-mecum des marchés publics, qui rappelle ces principes et fixe des recommandations méthodologiques, les acheteurs publics disposent du guide de l'achat public éco-responsable, publié par les groupes d'étude des marchés et de guides sectoriels pratiques, notamment ceux élaborés par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Soucieux d'introduire davantage d'équilibre dans les échanges internationaux, le Gouvernement a obtenu que les directives européennes « marchés publics », en cours de négociation, rendent possible l'utilisation, dans toutes les hypothèses, d'un critère d'attribution relatif au processus de production, de commercialisation, de fourniture ou relatif à un stade quelconque du cycle de vie des travaux, services ou fournitures. Elles prévoient également la possibilité d'utiliser le critère du coût du cycle de vie. La mise en uvre de tels critères est moins favorable aux entreprises dont la compétitivité se fonde uniquement sur le prix. Les autorités françaises ont, enfin, soutenu les dispositions de ces futures directives qui imposent le rejet des offres anormalement basses lorsqu'elles sont contraires aux normes internationales, européennes ou nationales sociales, du travail ou de l'environnement opposables aux candidats à l'attribution du marché public. Le droit de la commande publique ne permet toutefois pas de retenir de clause ou de critère directement lié à l'origine ou à l'implantation géographique des candidats, services ou produits, sauf à ce que cela soit justifié par l'objet du marché ou par ses conditions d'exécution. Le principe d'égalité de traitement appliqué à la commande publique a valeur constitutionnelle (Conseil constitutionnel, n° 2003-473 DC). Son respect s'impose dans la passation de tout marché public quel que soit son montant (CE, avis, 29 juillet 2002, n° 246921, Société MAJ Blanchisseries de Pantin). Le recours à un critère d'évaluation des offres fondé sur l'implantation d'une entreprise pour maintenir l'emploi local a ainsi été censuré (CE, 29 juillet 1994, n° 131562, commune de Ventenac-en-Minervois). En droit de l'Union européenne, le principe de non-discrimination, qui s'applique aux contrats qui présentent un intérêt transfrontalier certain, interdit également de recourir à des critères d'évaluation liés à la présence d'installations de production sur le territoire national (CJUE, 27 octobre 2005, Aff. C-158/03, Commission c/ Espagne). Il n'est pas souhaitable d'imposer aux acheteurs publics des critères d'attribution obligatoires. En effet, le choix des critères d'attribution et leur pondération doit dépendre de l'appréciation des acheteurs eux-mêmes. Ceux-ci doivent demeurer libres de déterminer leur propre politique d'achats, adaptée à leurs besoins, à leurs caractéristiques propres, à leur environnement et à leurs contraintes. En privant les acheteurs publics de la possibilité de prendre en considération la nature et les spécificités de leurs besoins, et notamment de choisir le critère le plus apte à assurer la libre concurrence et à garantir ainsi que la meilleure offre sera retenue, une mesure leur imposant l'utilisation d'un critère d'attribution déterminé pourrait être jugé contraire aux directives « marchés publics » (CJCE, 7 octobre 2004, Aff. C-247/02, Sintesi SpA). Ce principe est rappelé par les directives « marchés publics » en cours de négociation. Par ailleurs, le Gouvernement soutient fermement la proposition de règlement européen sur l'accès aux marchés publics des États tiers, présentée en mars 2012 et visant à introduire davantage de réciprocité dans les échanges internationaux. Cet instrument, que les autorités françaises s'attachent à améliorer, devrait en effet permettre aux acheteurs publics de rejeter, sous certaines conditions, les produits et services provenant d'États tiers à l'Union européenne non couverts par des engagements internationaux.
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