Question de M. NÉRI Alain (Puy-de-Dôme - SOC) publiée le 31/10/2013
M. Alain Néri attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, sur le fait que la médaille militaire est attribuée en tenant compte d'un certain nombre de critères bien précis et que, aujourd'hui, un grand nombre de nos concitoyens remplissent toutes les conditions nécessaires pour obtenir la reconnaissance de la Nation à travers l'attribution de cette médaille. Cependant, au vu du nombre restreint de médailles militaires décernées chaque année, il est évident que tous ceux qui remplissent les critères d'attribution ne pourront l'obtenir. Il apparaît normal et cohérent que l'attribution de la Légion d'Honneur et de l'Ordre du Mérite, par exemple, soit limitée, puisqu'il n'y a pas de critères imposés pour être promu dans ces ordres mais l'attribution de la médaille militaire, répondant à des conditions bien précises, ne devrait pas être restreinte. Il lui demande donc si son intention est d'attribuer la médaille militaire à tous ceux qui, par leur action au service de la Nation, y ont droit.
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Réponse du Ministère chargé des anciens combattants publiée le 08/01/2014
Réponse apportée en séance publique le 07/01/2014
M. Alain Néri. Monsieur le ministre, je souhaite attirer ce matin votre attention sur une injustice flagrante et insupportable subie par un grand nombre d'anciens combattants et soldats qui, par leur comportement courageux et valeureux comme par leurs actions exceptionnelles au combat, mériteraient de se voir décerner la médaille militaire.
Ils sont nombreux à remplir toutes les conditions nécessaires et à répondre à tous les critères précis - une citation individuelle attribuée à la suite d'une action d'éclat ou une blessure de guerre - pour que la nation les honore par l'attribution de cette médaille.
Cependant, au vu du nombre restreint de médailles militaires décernées chaque année, et au regard de l'âge avancé d'un grand nombre de nos concitoyens concernés, il est évident que tous ceux qui correspondent aux critères d'attribution de la médaille militaire ne pourront obtenir celle-ci. Il est pourtant urgent de répondre à leur légitime attente.
Nous ne pouvons accepter une telle discrimination. En effet, il paraît normal et cohérent que le nombre de décorations de l'ordre national de la Légion d'honneur et de l'ordre national du Mérite, par exemple, soit limité et contingenté, puisqu'il n'y a pas de critères précis imposés pour être promu dans ces ordres prestigieux. Il s'agit là de la reconnaissance globale et générale par la nation d'une vie exemplaire ou d'actions exceptionnelles, en prenant en compte, de façon objective et subjective, d'un certain nombre de faits et d'actes.
Mais il en va différemment pour la médaille militaire dans la mesure où l'attribution de celle-ci correspond à des critères bien précis que je viens de rappeler et qui sont définis dans la circulaire n° 5200 du 30 avril 2012. Tous ceux qui remplissent ces critères doivent pouvoir en bénéficier ; l'attribution de cette médaille ne saurait donc être restreinte et contingentée.
Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour attribuer la médaille militaire à tous ceux qui, par leur action et leur engagement héroïque au service de la nation, y ont droit ? Ce serait une mesure de justice et d'équité qui honorerait la République, en rendant hommage aux plus valeureux de ses citoyens.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur Alain Néri, vous connaissez mon attachement au devoir de reconnaissance que la nation a envers le monde combattant et que je partage avec l'ensemble des sénateurs.
L'extension de l'accès à la carte du combattant, le relèvement de l'aide différentielle pour les conjoints survivants ou la meilleure prise en compte des OPEX, les opérations extérieures, font partie des mesures qui s'inscrivent dans cette dynamique et que j'ai engagées depuis maintenant un an et demi. Le Sénat est d'ailleurs à l'origine de ces mesures de reconnaissance.
Par ailleurs, le Président de la République a souhaité qu'une attention particulière soit portée aux commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale et des soixante-dix ans de la libération du territoire durant le second conflit mondial. Les actions fortes qui seront menées dans ce cadre démontrent, si besoin était, toute l'importance accordée aux hommes et aux femmes qui se sont engagés pour la défense de notre nation, en faisant porter l'accent sur la mémoire de l'engagement de nos concitoyens, qu'ils aient été militaires ou civils.
Pour ce qui concerne plus précisément la question de la médaille militaire que vous avez évoquée, je me dois de vous rappeler que la concession de cette décoration constitue non pas un droit, mais une récompense de mérites acquis à titre militaire, ainsi que vous l'avez rappelé.
Le contingent de médailles militaires est fixé, sur proposition du Grand chancelier, par décret triennal du Président de la République, grand maître des ordres. Pour la période 2012-2014, il s'élève à 3 000 croix à répartir chaque année entre l'armée d'active et les personnels n'appartenant pas à l'armée d'active, au nombre desquels figurent les réservistes, ainsi que les anciens combattants de tous les conflits.
S'agissant de la concession de la médaille militaire au profit de l'armée d'active et des réservistes, cette décoration vient récompenser la qualité des mérites militaires acquis, et tout particulièrement leur engagement opérationnel. Vous l'avez rappelé, elle est décernée sur la base de critères rigoureux permettant d'appréhender au plus près ces mérites et, le cas échéant, la qualité des services opérationnels.
Pour ce qui concerne les personnels n'appartenant pas à l'armée d'active, la concession de la médaille militaire est subordonnée à la possession d'une citation individuelle avec croix attribuée à la suite d'une action d'éclat ou d'une blessure de guerre. À titre exceptionnel, peuvent également être candidats ceux qui ont effectué au minimum vingt-neuf ans de services militaires actifs.
Ces conditions générales minimales de concession ne font pas pour autant de la médaille militaire une décoration d'attribution automatique, ce qui risquerait d'ailleurs de dévaluer cette belle décoration.
À cet égard, le conseil de la médaille veille tout particulièrement à conserver à la médaille militaire son caractère prestigieux et examine avec la plus grande vigilance, vous l'avez compris, les candidatures soumises à son avis.
Par ailleurs, l'article R. 39 du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire permet aux mutilés de guerre, dans certains cas et sur leur demande, d'obtenir également cette décoration. Ces dispositions spécifiques s'appliquent aussi à certains déportés résistants et prisonniers du Viêt-minh. Les décorations attribuées au titre de cet article ne sont pas contingentées.
Ces conditions de recevabilité permettent, chaque année, de récompenser de nombreux militaires d'active, réservistes et anciens combattants, tout en garantissant à la fois la haute valeur de cette décoration et le principe d'équité entre les différentes générations du feu. Le projet de décret en préparation pour 2014 devrait ainsi permettre de récompenser plus de 1 000 anciens combattants à titre militaire.
J'entends cependant votre demande, monsieur le sénateur ; sachez que je considère aussi comme essentiel que tous ceux qui méritent cette médaille puissent l'obtenir.
C'est pourquoi le ministre de la défense et moi-même veillerons tout particulièrement à ce que le prochain décret triennal préserve au mieux les intérêts de l'ensemble des candidats à cette décoration, dont il convient de rappeler qu'elle s'inscrit juste après la Légion d'honneur dans l'ordre protocolaire des décorations.
J'ai récemment eu l'occasion d'évoquer avec le Grand chancelier la question de la reconnaissance de la nation. Nous étudions comment nous pouvons augmenter le contingent des anciens combattants répondant aux critères d'attribution de l'ordre national du Mérite. De même, dans le cadre des soixante-dix ans de la libération du territoire, nous examinons la possibilité de faire bénéficier les anciens combattants du second conflit mondial encore vivants de la reconnaissance de la nation. Enfin, nous envisageons la possibilité de créer une nouvelle médaille.
M. le président. La parole est à M. Alain Néri.
M. Alain Néri. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse très précise. Je n'en attendais d'ailleurs pas moins de vous, connaissant votre attachement à la reconnaissance de la nation envers les anciens combattants.
Si je me suis permis d'insister sur cette question, c'est parce que les anciens combattants éprouvent un sentiment d'injustice, qui s'accroît malheureusement du fait de l'érosion démographique - j'emploie là un terme technique que je n'aime pas beaucoup -, chaque année qui passe faisant le vide dans les rangs des anciens combattants. Il est particulièrement douloureux de constater qu'une personne ayant été proposée pour la médaille militaire, la Légion d'honneur ou l'ordre national du Mérite - une décoration, en l'espèce, bien méritée - n'ait pas eu le bonheur de connaître la décision de la concession de la médaille avant son décès.
Nous avons tous le souci de conserver la très grande valeur de la médaille militaire - c'est la troisième décoration française dans l'ordre de préséance -, mais nous pourrions conférer une valeur plus grande encore à cette médaille en l'attribuant à ceux qui, en répondant à l'appel de la nation, ont fait don de leur jeunesse et ont parfois été blessés dans leur chair et dans leur âme, si j'ose dire.
Je comprends bien qu'il ne soit pas possible d'attribuer cette année la médaille militaire à tous les anciens combattants ; mais peut-être pourrait-on, à titre exceptionnel, dans le cadre du centenaire de la Première Guerre mondiale et des soixante-dix ans de la libération de la France, prévoir un contingent spécial pour les derniers rescapés de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que pour la troisième génération du feu, particulièrement marquée par les guerres : la guerre d'Algérie que ces hommes ont faite et la Seconde Guerre mondiale qui a souvent privé ces derniers de leur père, fait prisonnier ou disparu dans les combats pour la défense de la liberté de la République et le rétablissement de la démocratie.
Monsieur le ministre, je compte sur vous pour qu'il en soit ainsi cette année - je sais que vous avez engagé cette démarche auprès du Grand chancelier -, et peut-être pourrions-nous continuer sur cette voie dans les années à venir, afin de rendre hommage à ceux qui se sont engagés pour défendre la République : ils le méritent bien.
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