Question de Mme DINI Muguette (Rhône - UDI-UC) publiée le 24/10/2013
Mme Muguette Dini interroge Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, sur le respect des droits des étudiants handicapés à la compensation des conséquences de leur handicap lors des épreuves écrites et orales des examens et sur le recrutement des personnes handicapées dans la fonction publique.
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Transmise au Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion
Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 16/04/2014
Réponse apportée en séance publique le 15/04/2014
Mme Muguette Dini. Madame la secrétaire d'État, je vous souhaite moi aussi la bienvenue au Sénat. Je me réjouis de vous poser une question sur un sujet qui relève directement de vos compétences. Je souhaite en effet vous interpeller sur le respect des droits des étudiants handicapés à la compensation des conséquences de leur handicap lors des épreuves écrites et orales des examens et concours, ainsi que sur le recrutement des personnes handicapées dans la fonction publique.
Je tiens à évoquer le cas d'un jeune déficient visuel de vingt-cinq ans. Depuis mai 2011, son père m'alerte sur les difficultés rencontrées par son fils ; je crains qu'il ne soit malheureusement qu'un cas parmi tant d'autres. Ce jeune adulte est né avec une malformation des yeux qui provoque notamment une sévère malvoyance. Épaulé par sa famille, il a suivi une scolarité normale jusqu'à l'obtention d'une maîtrise de mathématiques fondamentales et d'un master « mathématiques et métiers de l'enseignement ».
En 2011, cet étudiant a suivi une préparation au concours du CAPES privé et une préparation aux écrits de l'agrégation externe. Il a toutefois rencontré d'énormes difficultés et souvent de vraies réticences lorsqu'il s'est agi d'obtenir les aménagements indispensables aux épreuves écrites et orales de ces concours.
Je suis intervenue auprès du ministre de l'enseignement supérieur de l'époque afin que les plans élaborés par cet étudiant lui-même conformément à l'esprit de la loi, en considération de ses besoins de compensation, soient mis en place par le président du jury. Cependant, lors des épreuves écrites, le fait que ces dispositifs aient été incorrectement appliqués a provoqué un effondrement inattendu, dû au stress, de sa vision, et il s'est trouvé dans l'impossibilité de terminer ses épreuves. Il a ainsi été privé d'une partie de ses droits à la compensation des conséquences de son handicap, qui est prévue par l'article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles.
En février dernier, il a posé sa candidature auprès des rectorats des académies de Créteil et de Versailles pour un recrutement en qualité de professeur de mathématiques bénéficiaire de l'obligation d'emploi. Aux termes des textes réglementaires relatifs au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique, sa demande est parfaitement recevable. Il se heurte cependant à une interprétation restrictive des textes par les rectorats. En dépit de toutes les lois que nous avons votées, cet étudiant handicapé n'a toujours pas trouvé de réponse à ses questions.
Madame la secrétaire d'État, je connais votre engagement sur ces sujets. Que prévoyez-vous de faire pour que tous ces freins disparaissent, pour que toutes ces discriminations cessent ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, je vous remercie très sincèrement de votre question, qui témoigne de votre investissement personnel sur les questions sociales. Je suis heureuse que mon baptême du feu se fasse au Sénat avec vous, puisque, comme vous l'avez souligné, il s'agit de la première question concernant mon domaine de compétences.
Vous le savez, le Gouvernement est déterminé à mener une politique volontariste en matière d'inclusion des personnes en situation de handicap. Le comité interministériel du handicap s'est réuni pour la première fois en septembre dernier et a fixé une feuille de route, dont deux des priorités sont l'accès à l'enseignement supérieur et l'accès à l'emploi.
Comme vous l'avez dit, des lois existent dans notre pays pour permettre l'accès des étudiants porteurs d'un handicap aux études et aux examens, puis à un emploi. Malheureusement, il y a encore des freins et, à cet égard, l'histoire que vous venez de raconter me confirme l'existence d'un plafond de verre pour certaines catégories de citoyens.
Permettez-moi de rappeler l'état du droit en la matière. Depuis 2005, les étudiants handicapés se sont vu reconnaître un droit à compensation, ainsi que vous l'avez précisé, pour être accueillis dans les établissements d'enseignement supérieur au même titre que l'ensemble des étudiants.
En 2011, une circulaire en date du 27 décembre a rendu possible l'aménagement des examens et concours de l'enseignement scolaire et de l'enseignement supérieur. Des documents ont été produits à cet effet, sur l'accueil en 2008, puis sur l'accompagnement de l'étudiant en 2012, afin de rappeler les aménagements qui peuvent être proposés, ainsi que la procédure à suivre. Chaque établissement définit ainsi les modalités de contrôle des connaissances des étudiants concernés en fonction de leurs besoins propres. Ceux-ci, ainsi que les aménagements en résultant, sont consignés dans un plan d'accompagnement de l'étudiant handicapé, lequel couvre à la fois la scolarité et la vie étudiante.
Le comité interministériel du handicap a programmé plusieurs mesures que je compte bien mettre en uvre avec mes collègues du Gouvernement : d'abord, s'attacher à l'élaboration de ce qu'on appelle le GEVASUP, c'est-à-dire le guide d'évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées adapté à l'environnement des étudiants ; ensuite, mettre en uvre l'accompagnement des établissements de l'enseignement supérieur.
Madame la sénatrice, votre témoignage fait parfaitement ressortir la nécessité de cette démarche. Il importe d'accompagner ces établissements en faisant changer les mentalités pour qu'ils puissent définir leur stratégie d'accessibilité en prenant en compte l'ensemble du parcours des étudiants, de la procédure d'admission à l'orientation professionnelle, en passant par la scolarité, les examens, la vie universitaire et les stages.
Le comité a également posé le principe d'une « charte handicap » du ministère de l'enseignement supérieur et de la conférence des présidents d'université, laquelle sera déclinée dans d'autres secteurs. C'est ce qui a été fait le 11 février dernier entre le CSA et les écoles de journalisme et d'audiovisuel, avec le soutien des chaînes de télévision et de radio. C'est aussi ce que nous ferons avec le réseau des écoles de service public.
En outre, le portail admission post-bac, qui a été mis en place par Geneviève Fioraso pour l'orientation et l'inscription des étudiants, sera rendu accessible dès 2015. Dans ce cadre, un ensemble de questions-réponses sur l'aménagement des examens et des cursus sera élaboré et diffusé.
Enfin, le comité de pilotage interministériel pour faciliter l'accès des étudiants handicapés à l'enseignement supérieur a été rétabli. Il veillera notamment à la bonne diffusion des règles relatives à l'aménagement des examens.
Par ailleurs, dans la fonction publique, l'emploi de personnes en situation de handicap est un objectif visé par le Gouvernement. Le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique a pour objet de favoriser le recrutement et le maintien dans l'emploi de travailleurs handicapés dans les trois fonctions publiques. Comme dans le secteur privé, vous le savez, les personnes en situation de handicap doivent représenter 6 % au minimum des effectifs. Force est de constater que des efforts sont encore à réaliser dans les trois fonctions publiques, puisque, malgré une légère hausse par rapport à 2011, le taux d'emploi de personnes handicapées en 2012 n'y était que de 4,39 %.
Je tiens tout de même à souligner la réussite particulière de ces politiques d'inclusion dans les ministères sociaux, puisque le taux y est de 6,71 %. Une convention vient d'ailleurs d'être signée avec un centre de rééducation professionnelle et sociale afin d'accueillir, en qualité de stagiaires, des personnels en situation de handicap.
Pour conclure, je souhaite aussi vous signaler que l'agenda social de la fonction publique prévoit l'engagement de négociations sur le handicap, lesquelles porteront notamment sur la gestion des reclassements et sur le maintien dans l'emploi. J'y serai bien sûr particulièrement attentive.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de toutes ces précisions qui permettent de se rendre compte que, malgré un peu de retard, l'inclusion physique des handicapés tend à s'améliorer.
Néanmoins, il y a quand même encore, en ce qui concerne l'aspect intellectuel, une réticence et une résistance quelque peu sournoise. Certes, la société s'est organisée pour que les facultés et les grandes écoles puissent accueillir des personnes handicapées, en fauteuil roulant, malvoyantes ou malentendantes. C'est faisable, même si ce n'est pas facile ; mais à quoi cela sert-il si, au moment de l'examen ou du concours, on ne prend pas en compte les besoins de ces étudiants ?
Le jeune étudiant dont je vous ai parlé avait un problème spécifique d'ordinateur et les choses lui ont été si peu facilitées qu'il n'a pas pu utiliser son matériel. C'est un scandale, car il avait probablement, même si je ne peux en être sûre, les capacités pour réussir ces concours. Or il n'a pas pu aller jusqu'au bout des épreuves.
Je trouve injuste que ces étudiants soient pénalisés à la fin de leurs études, alors qu'ils ont suivi tout un cursus sans avoir les mêmes moyens physiques que les autres, ce qui demande déjà de gros efforts.
Votre collègue en charge de l'enseignement supérieur et vous-même devez être extrêmement exigeantes en ce qui concerne tant les concours et examens que l'emploi, pour que tous ces jeunes puissent avoir la juste récompense du travail qu'ils ont fourni.
M. le président. Je vous remercie, madame Dini, de ce témoignage très émouvant.
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