Question de M. FAUCONNIER Alain (Aveyron - SOC) publiée le 17/10/2013
M. Alain Fauconnier attire l'attention de M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la mise en concurrence des concessions hydroélectriques qui, dans la région Midi-Pyrénées en général, et le département de l'Aveyron en particulier, revêtent une importance certaine en matière d'économie, d'emploi et d'aménagement du territoire.
C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer la position du Gouvernement sur ce sujet.
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Réponse du Ministère chargé de la décentralisation publiée le 08/01/2014
Réponse apportée en séance publique le 07/01/2014
M. Alain Fauconnier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur le renouvellement des concessions hydrauliques, nombreuses dans la région Midi-Pyrénées, en général, et dans le département de l'Aveyron, en particulier.
L'énergie hydraulique non polluante, propice à l'aménagement du territoire, est essentielle dans ces secteurs géographiques, fait qui explique l'inquiétude non seulement des maires des communes concernées, mais aussi des principaux acteurs économiques départementaux et régionaux face à la prochaine mise en concurrence de ces concessions.
Chacun le sait, ce renouvellement est souhaité par l'Union européenne. Une fois de plus, la France semble se distinguer de nombreux autres pays européens sur ce sujet, puisque l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie se sont affranchies de cette exigence que l'on prétend nous imposer au risque de brader un élément important du patrimoine de notre nation.
C'est sans doute la raison pour laquelle l'ancienne ministre, Mme Delphine Batho, avait publiquement émis des doutes sur l'opportunité de ce renouvellement.
Deux points pourraient justifier un report : la longueur de la procédure de mise en concurrence - sept à huit ans - au regard des lourds investissements que doit réaliser l'opérateur historique pour atteindre les objectifs du mix énergétique, d'autant que le délai de cette procédure priverait pendant longtemps l'État et les collectivités territoriales de taxes dont elles ont le plus grand besoin ; et le risque d'implanter en France des concessionnaires étrangers, ce qui reviendrait à délocaliser virtuellement l'énergie et, surtout, le multi-usage de l'eau.
Cela étant, chacun se pose de nombreuses questions sur ce renouvellement, en particulier depuis la mise en ligne du rapport d'information Battistel qui élabore quatre stratégies, avec la volonté de balayer « la fatalité juridique » des arguments « posés comme l'ultime et unique vérité pour s'épargner l'effort de l'élaboration de solutions alternatives ayant un sens politique ».
Madame la ministre, j'en viens à mes questions.
Si le Gouvernement ne reporte pas ce renouvellement, quelles propositions du rapport précité entend-il reprendre à son compte ? Le renouvellement des concessions sera-t-il soumis à la concurrence sur le marché international ? Quelles garanties les différentes collectivités - communes, départements et régions - obtiendront-elles des nouveaux opérateurs ? Quelle garantie l'État, les régions et les départements obtiendront-ils pour continuer à bénéficier de l'énergie réservée ? Les comités de bassin seront-ils enfin consultés, eux qui sont au cur de l'énergie hydroélectrique et du multi-usage de l'eau ?
Madame la ministre, la représentation nationale et les élus des territoires concernés, que vous connaissez très bien, vous remercient des éclaircissements que vous voudrez bien leur apporter.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Les domaines qui sont successivement abordés ce matin me sont de plus en plus faciles à traiter : monsieur le sénateur, j'aurais pu reprendre chaque mot de votre question à mon compte. D'ailleurs, régulièrement j'évoque ce sujet, que nous connaissons bien en Midi-Pyrénées, avec mon collègue Philippe Martin.
L'hydroélectricité est une énergie renouvelable, décentralisée, ancrée dans les territoires comme l'Aveyron ; elle génère des emplois non délocalisables. Nous en mesurons tout l'intérêt. C'est aussi un patrimoine national que le Gouvernement se doit de préserver et de bien gérer, et ce dans le strict respect du droit.
Il nous revient désormais d'assurer le renouvellement des concessions qui sont échues - nous sommes bien placés pour le savoir - ou qui arriveront à échéance au cours des prochaines années. C'est une obligation qui nous est imposée par la loi.
Alors que le précédent gouvernement avait conçu un scénario unique de mise en concurrence avec appel d'offres, concession par concession, dont nous connaissons les difficultés de mise en uvre puisque cela fait plus de deux ans que nous nous y essayons, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a voulu explorer des scénarios alternatifs et adopter une approche globale de la question.
Dans ce dossier, Philippe Martin s'est attaché à prendre en compte l'expertise des parlementaires, comme vous l'avez très bien dit, monsieur le sénateur, notamment le rapport présenté au mois de septembre dernier par votre collègue députée Marie-Noëlle Battistel.
Par ailleurs, la situation actuelle, qui nous conduit, pour des raisons de sécurité juridique, à privilégier la solution de la mise en concurrence avec appel d'offres, provient d'un héritage que nous devons prendre en compte : ainsi, EDF est devenue, en 2004, une société anonyme.
Il reste que nous avons besoin d'une politique de l'hydroélectricité en France. C'est la raison pour laquelle mon collègue Philippe Martin entend bien intégrer dans le projet de loi de transition énergétique, qui sera présenté très prochainement, des mesures ayant pour objet de fixer des règles précises qui sont autant de points de vigilance : assurer un accès à une énergie compétitive pour nos industries électro-intensives ; accorder une place nouvelle et importante aux collectivités territoriales ; prendre en compte les conséquences des changements à venir sur les personnels concernés ; assurer la continuité écologique et la performance environnementale dans la gestion des barrages ; préserver les différents usages de l'eau et de sa gestion, notamment en cas de fortes pluies et d'inondations - vous l'avez dit dans votre question.
Tout ce travail est en cours, monsieur le sénateur. Le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie entend bien que nous puissions travailler ensemble avant de prendre des décisions essentielles tant pour les territoires, notamment pour nos territoires de montagne, que pour notre système électrique, l'avenir de l'opérateur historique et la valorisation du potentiel d'hydroélectricité de la France. Soyez-en sûr, nous serons nombreux à y veiller.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.
M. Alain Fauconnier. Je ne doutais absolument pas, madame la ministre, de votre détermination sur ce sujet, que vous suivez depuis très longtemps.
Abondant dans votre sens, je souhaite simplement insister, au-delà du seul aspect énergétique, sur le multi-usage de l'eau et la complexité des différents bassins. Qu'il s'agisse de la Durance, du Rhône ou de la Truyère, la situation est complètement différente.
Voilà cinquante ou cent ans, au moment où l'on construisait les barrages, l'usage de l'eau était unique. Aujourd'hui, il faut prendre en compte les crues, les problèmes liés au tourisme et au sport, l'énergie, la valorisation agricole et les irrigations.
Dans ces conditions, les décisions qui seront prises par ce gouvernement, dont l'approche est différente, je l'entends, de celle du gouvernement précédent, détermineront pour quarante ou cinquante ans notre usage de l'eau, affectant les deux générations à venir.
Pour ma part, madame la ministre, je suis tout à fait ravi de votre réponse, d'autant que je sais à quel point vous resterez vigilante en la matière.
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