Question de M. FICHET Jean-Luc (Finistère - SOC) publiée le 10/10/2013

M. Jean-Luc Fichet appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur l'avenir de la gestion de l'entretien des ouvrages d'art, tels que les ponts, présents sur les voies communales mais actuellement entretenus par l'État.

La règle de la domanialité, ou règle dite de la voie portée, stipule que les ouvrages d'art, quel que soit le maître d'ouvrage qui les a construits, appartiennent à la voie qui les porte. Pourtant, concrètement, l'État a toujours supporté l'entretien de certains ouvrages, tels les ponts qui surplombent des voies rapides, au regard de l'expertise nécessaire et du coût des travaux.

Plusieurs communes et départements auraient reçu une information officielle les informant de leurs obligations d'entretien et de mises aux normes de ces ouvrages.

Si cette information est exacte, il lui demande si un dispositif particulier est prévu en direction des plus petites des collectivités territoriales pour les accompagner dans cette nouvelle gestion qu'il est difficile de laisser à leur seule charge, à l'image de la proposition de loi adoptée en mars 2012 par le Sénat et qui visait à répartir les responsabilités et les charges financières sur ces ouvrages d'art.

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Réponse du Ministère chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 18/12/2013

Réponse apportée en séance publique le 17/12/2013

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, de nombreuses communes ont vu leur développement économique et démographique s'engager avec la création d'infrastructures routières et ferroviaires. Cette politique des grands travaux, mise en œuvre après la Seconde Guerre mondiale, avait pour finalité de désenclaver les territoires. Des routes, des ponts, des tunnels - ce que l'on désigne globalement sous le nom « ouvrages d'art » - ont alors été construits.

L'État a longtemps assumé l'entretien de ces ouvrages, tels les ponts qui surplombent des voies rapides, au regard de l'expertise nécessaire et du coût des travaux. Aujourd'hui, l'émergence de la problématique en cause est liée à un double mouvement : d'une part, le transfert de la gestion des routes nationales aux collectivités territoriales, en particulier aux départements et, de l'autre, l'évolution des statuts de la SNCF ou de Voies navigables de France, dont le fonctionnement s'apparente de plus en plus à celui de sociétés privées.

Faute de règles juridiques précises et incontestables, les principes régissant cette question ont été définis via une jurisprudence ancienne et constante du Conseil d'État, selon laquelle les ouvrages d'art de rétablissement de voies interrompues par la construction d'une nouvelle infrastructure de transports sont incorporés à l'infrastructure dont ils relient les deux parties. Ce principe est valable alors même que l'ouvrage d'art a été construit par une autre personne morale que celle qui assure l'entretien de la voie portée.

De nombreuses collectivités territoriales ignorent les obligations qui leur incombent : or la collectivité est responsable de la surveillance, de l'entretien, de la rénovation et du renouvellement éventuel de l'ouvrage d'art !

Plusieurs communes et départements ont récemment reçu une information officielle leur détaillant leurs obligations d'entretien et de mise aux normes de ces ouvrages. À cet égard, une polémique a éclaté l'été dernier. Dans mon département, les communes de Saint-Ivy et de Rédéné m'ont alerté sur ce sujet.

Madame la ministre, il faut le rappeler, les projets de réalisation d'une infrastructure de transports coupant une voirie déjà existante comme les projets de rétablissement, sont, la plupart du temps, imposés par l'État à la collectivité territoriale. Celle-ci ne dispose d'aucun pouvoir de décision mais elle doit en payer la facture !

Le Sénat s'est penché sur cette grave question. Au mois de mars 2012, il a adopté une proposition de loi, présentée par notre collègue Mme Evelyne Didier, visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies. Ce texte était destiné à définir un cadre protecteur pour les collectivités territoriales. Il bénéficiait du soutien de l'Association des maires de France et de l'Association des départements de France. Las, l'Assemblée nationale ne s'est pas saisie à son tour de cette question essentielle.

Pourtant, le poids financier qui résulte de l'application des principes jurisprudentiels en la matière est si important que les collectivités ne peuvent faire face de manière satisfaisante à leurs obligations, même si elles s'exposent à voir leur responsabilité pénale engagée.

Faute de moyens financiers mobilisables, certaines collectivités sont contraintes de réduire le service rendu par leur voie, voire d'en interdire l'utilisation pour des raisons de sécurité. À ce titre, le Gouvernement a-t-il prévu un dispositif particulier permettant d'accompagner les plus petites collectivités territoriales dans cette nouvelle gestion, qu'il est difficile de laisser à leur seule charge ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie avant tout d'excuser l'absence de Frédéric Cuvillier, qui est actuellement à Bruxelles, dans le cadre du conseil des ministres européens de la pêche.

Comme mon collègue vous l'a indiqué en réponse à la question écrite que vous avez consacrée à ce sujet, « en matière d'ouvrages de franchissement, la solution dégagée par la jurisprudence, de portée constante, impose au propriétaire de la voie portée d'entretenir l'ouvrage, sauf convention contraire. Ce principe s'applique à toutes les catégories d'infrastructures de transport - routes, chemins de fer, canaux - quel que soit le schéma de superposition entre deux voies et quels que soient les maîtres d'ouvrage de l'infrastructure nouvelle : l'État et ses concessionnaires, les établissements publics et leurs concessionnaires, ou les collectivités territoriales. »

C'est dans ce cadre que la direction interdépartementale des routes de l'Ouest a sollicité par courrier les communes et départements pour lesquels elle assure encore aujourd'hui la surveillance et l'entretien de certains ouvrages supportant les voies de ces territoires. Il s'agit de la mise en application des dispositions législatives actuelles.

À la suite de ce courrier, les élus des communes de Rédéné et de Saint-Yvi, dans le Finistère, qui comptent chacune moins de 3 000 habitants, ont interpellé le ministre des transports. À Rédéné, les ponts de Sainte-Marguerite et Kerdudal permettent le franchissement de la nationale 165 et des voies ferrées, avec des ouvrages longs de soixante-dix mètres. Il en va de même pour la commune de Saint-Yvi, où trois ouvrages permettent de franchir cette même route.

Par ailleurs, au mois de mars 2012, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières relatives aux ouvrages d'art de rétablissement de voies.

Sensible aux difficultés des petites communes, Frédéric Cuvillier a demandé à ses services d'examiner les évolutions législatives et réglementaires envisageables, sur la base de cette proposition de loi et dans le respect du principe jurisprudentiel exigeant que la propriété de l'ouvrage revienne au propriétaire de la voie qu'il porte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Merci, madame la ministre, de votre réponse. Je le sais, M. Cuvillier est pleinement conscient que les petites collectivités doivent tout d'un coup supporter une charge financière qu'elles n'avaient absolument pas anticipée, et qui est très lourde ! De fait, les ouvrages d'art mobilisent nombre d'experts et d'entreprises spécialisées, et le coût de chaque opération se révèle faramineux.

Je le répète, ces communes n'ont la capacité ni de conduire les travaux ni d'en assurer le financement. C'est pourquoi il importe qu'une nouvelle législation émerge prochainement, afin de les sécuriser et de répartir la charge entre les collectivités et l'État. Enfin, ce dernier doit éventuellement être en mesure d'assurer l'assistance technique. En effet, l'assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire, qui ressort de l'échelon départemental, ne joue plus son rôle d'accompagnement des petites communes. Cela étant, celles-ci doivent être soulagées de cette charge, qui, je le répète, est très lourde !

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