Question de M. MAGRAS Michel (Saint-Barthélemy - UMP) publiée le 03/10/2013
M. Michel Magras attire l'attention de M. le ministre des outre-mer sur les conséquences du décret n° 2013-314 du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique pour la fonction publique à Saint-Barthélemy, en particulier les enseignants.
Ce texte ramène en effet de seize à six mois l'indemnité versée aux fonctionnaires affectés à Saint-Barthélemy afin notamment de compenser les frais liés à leur installation.
Or, le coût de la vie est particulièrement élevé à Saint-Barthélemy du fait de l'exiguïté du territoire et de la dépendance de l'île aux importations.
Ces nouvelles conditions indemnitaires risquent donc d'accroître davantage la pénurie d'enseignants que connaît déjà Saint-Barthélemy.
Il lui indique, par ailleurs, qu'il s'étonne que l'indemnité ait été fixée entre dix et seize mois en cas d'affectation à Saint-Martin, alors que le coût de la vie y est bien moins élevé et que ces deux collectivités sont voisines de seulement 20 km.
Il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il entend prendre pour remédier à cette situation.
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Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 18/12/2013
Réponse apportée en séance publique le 17/12/2013
M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le décret du 15 avril 2013 qui ramène de seize à six mois de traitement indiciaire l'indemnité de sujétion géographique des fonctionnaires et magistrats en poste à Saint-Barthélemy suscite l'inquiétude du corps enseignant.
Cette diminution importante aurait pu être lue à l'aune des contraintes budgétaires que nous connaissons, mais la fixation de la même indemnité entre dix et seize mois de traitement pour les fonctionnaires en poste à Saint-Martin soulève une incompréhension.
La collectivité de Saint-Martin est en effet voisine de seulement vingt kilomètres de Saint-Barthélemy, et, surtout, le coût de la vie y est nettement moins élevé.
À Saint-Barthélemy, les prix sont, au contraire, particulièrement élevés. Cela tient à de multiples raisons, parmi lesquelles la totale dépendance aux importations et l'étroitesse du territoire qui provoque une pression à la hausse sur l'ensemble des prix, y compris ceux de l'immobilier.
Dans ces conditions, la diminution de l'indemnité aura immanquablement pour effet d'alourdir mécaniquement les frais d'installation des enseignants qui seront affectés sur l'île.
De plus, la modification des conditions matérielles place les deux collectivités voisines en concurrence dès lors que, la demande d'affectation étant volontaire, les candidats risquent fort de favoriser le territoire le plus avantageux du point de vue matériel.
Le contexte économique de Saint-Barthélemy est déjà source d'une pénurie d'enseignants, ce qui a nécessité de recourir longtemps à des personnels contractuels, une situation que ces nouvelles règles indemnitaires ne feront qu'accentuer en l'absence d'un « amortisseur » financier.
Comme les enseignants ne bénéficient pas de logement de fonction, ils sont en réalité les seuls fonctionnaires d'État à être réellement impactés par la baisse de l'indemnité à Saint-Barthélemy. En effet, eu égard au niveau des prix pratiqués localement, le logement représente un poste de dépense fixe important.
Si les autres catégories de fonctionnaires d'État ne sont pas concernées, c'est parce qu'elles sont logées soit par l'État, soit par la collectivité elle-même, au titre d'une convention passée avec l'État antérieurement à l'entrée en vigueur du statut de collectivité autonome.
En outre, le décret précité fixe le même régime indemnitaire pour Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon, deux territoires qui ont en commun une faible population. Cela laisse donc penser que c'est le critère démographique qui a présidé à la révision du dispositif.
Or, à Saint-Barthélemy, du fait justement d'un faible poids démographique, le nombre de fonctionnaires qui pourraient être concernés reste limité. Dès lors, l'impact budgétaire d'un alignement de l'indemnité sur celle de Saint-Martin sera lui aussi limité. Aujourd'hui, sur 45 enseignants présents sur l'île, seuls 12 ont été bénéficiaires de l'indemnité dans ses modalités antérieures.
Enfin, cette réforme risque d'avoir pour autre effet de dissuader certaines catégories d'enseignants de postuler pour Saint-Barthélemy, ce qui, à terme, ne pourra qu'avoir des répercussions sur la diversité de l'encadrement pédagogique, pourtant nécessaire sur un territoire aussi exigu.
Je vous serais donc reconnaissant, monsieur le ministre, de m'indiquer si un réexamen intégrant davantage la réalité de la cherté de la vie peut être envisagé.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur l'instauration d'une indemnité de sujétion géographique, fixée, pour la collectivité de Saint-Barthélemy, à six mois de traitement indiciaire du fonctionnaire pour une durée minimale de quatre années de services.
L'indemnité de sujétion géographique, également applicable en Guyane, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, a succédé, le 1er octobre 2013, à l'indemnité particulière de sujétion et d'installation, l'IPSI.
L'instauration de l'indemnité de sujétion géographique est le fruit d'une longue concertation avec les différents ministères employeurs, organisée par ma collègue Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Il convient de rappeler que le dispositif précédent de l'IPSI n'avait été créé, en 2001, qu'à titre transitoire, pour répondre immédiatement aux problèmes d'attractivité de ces quatre collectivités.
Le but était d'ajuster, à partir de critères objectifs, une nouvelle indemnité aux sujétions particulières et spécifiques des collectivités concernées.
Ces sujétions sont principalement liées à la situation géographique, notamment à l'éloignement des communes par rapport aux centres administratifs dans certains territoires, comme en Guyane, mais aussi aux difficultés inhérentes à certains postes.
La réforme menée à bien cette année n'a pourtant écarté aucune collectivité précédemment bénéficiaire de l'indemnité particulière de sujétion et d'installation. Elle a toutefois permis de créer un régime différencié selon les territoires, tenant compte des difficultés réelles de recrutement pour chacun d'eux, en dégageant des critères pertinents selon les affectations, et non plus globalement par collectivité, du moins lorsque des différences de situation le justifiaient.
Ainsi, des mécanismes de modulation ont été mis en place en Guyane et à Saint-Martin, où des différenciations selon les affectations ont clairement été relevées. Les collectivités ne sauraient donc être mises en concurrence puisque la réforme répond à des difficultés spécifiques à chacune d'entre elles.
Dans cet esprit, le critère démographique n'a pas été pris en compte, ni l'impact financier par collectivité.
Ainsi, la Guyane bénéficie d'un régime très souple compte tenu de l'importance des effectifs concernés, de la superficie du territoire et de la diversité des situations selon les affectations.
De même, au cours de la concertation interministérielle, de réelles difficultés de recrutement ont été relevées dans la collectivité de Saint-Martin. C'est pourquoi un système de modulation a été mis en place dans cette collectivité, à l'instar de la Guyane, selon des modalités toutefois moins avantageuses.
En revanche, à Saint-Pierre-et-Miquelon comme à Saint-Barthélemy, le problème de l'attractivité n'a pas été mis en évidence par les différents départements ministériels.
Toutefois, malgré un contexte budgétaire contraint, il a été décidé de maintenir un régime indemnitaire dans ces deux collectivités, afin de ne pas créer de situation de rupture avec le dispositif précédent, susceptible de constituer, à terme, un frein à la mobilité. Dans ces conditions, un même régime forfaitaire de six mois de traitement a été fixé à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Saint-Barthélemy.
L'instauration de l'indemnité de sujétion géographique à Saint-Barthélemy prend ainsi en compte les difficultés propres à cette collectivité, qui sont liées à la cherté de la vie.
Monsieur le sénateur, le dispositif mis en place tend donc à répondre aux problématiques que vous soulevez. Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique et moi-même veillerons à évaluer l'impact de cette réforme sur les prochains exercices, en liaison avec les ministères employeurs.
Si un problème d'attractivité se posait - vous avez évoqué le caractère dissuasif de la mesure que nous avons prise -, je suis prêt à vous recevoir pour procéder avec vous à une évaluation de la situation et aviser.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Monsieur le ministre, je vous remercie de la qualité de votre réponse. Je souscris bien entendu à la volonté de réforme globale de cette indemnité par le Gouvernement. Vous me permettrez de craindre cependant que l'incompréhension ne persiste encore pendant un certain temps chez les personnels concernés. Toutefois, je suis satisfait que le Gouvernement s'engage, par votre voix, à faire une évaluation de la situation et, éventuellement, à réagir en conséquence.
Avec votre accord, je veillerai de mon côté à me faire le porte-parole des parties concernées. Je n'hésiterai pas à solliciter le Gouvernement pour qu'ensemble nous puissions faire en sorte que l'enseignement, en particulier celui qui est destiné aux enfants de Saint-Barthélemy, ne soit pas pénalisé.
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