Question de M. BAILLY Gérard (Jura - UMP) publiée le 03/10/2013

M. Gérard Bailly appelle l'attention de M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les difficultés que rencontrent les propriétaires forestiers pour l'exploitation de leurs forêts lorsqu'elles se trouvent dans des territoires ou zones classés pour la protection des amphibiens, reptiles, insectes, mammifères ou oiseaux... Sans doute, ce sont dans les départements qui ont de grands espaces que s'appliquent de fortes réglementations, telles que la mise en place d'arrêtés préfectoraux de protection de biotope ou de réserves naturelles, sans que les propriétaires concernés reçoivent beaucoup d'information des services de l'État. Ces mesures peuvent revêtir un caractère confiscatoire et imposent une sur-administration avec des demandes d'autorisation pour tout et n'importe quoi, parfois même au détriment de la sécurité publique. À la suite de la mise en place de réglementations strictes pour des activités traditionnelles économiques et de loisirs, les propriétaires auront, de plus, l'obligation de réaliser de coûteuses études d'incidence dans le cadre de Natura 2000, à leur charge ou à la charge des acteurs locaux, pour permettre les activités agricoles, forestières ou les manifestations sportives.
S'il ne conteste pas l'importance de la biodiversité et du développement durable il se demande toutefois si on pourra encore longtemps faire comme si on oubliait que ces espaces sont le fruit du travail de l'homme et que c'est ce qui a permis leur diversité et leur richesse. Vouloir mettre sous cloche ces territoires aura des effets très négatifs du point de vue tant humain qu'en termes de biodiversité.
Un arrêté préfectoral de protection de biotope du 5 juillet 2013 a été publié dans le département du Jura, concernant soixante-neuf sites sur quatre-vingt-dix-neuf territoires communaux pour une superficie totale de 1 643 hectares. On connaît l'importance de l'hiver dans le massif du Jura où souvent, dès novembre, les forêts ne sont plus accessibles ; or, l'arrêté interdit les activités sylvicoles et exploitations forestières du 15 février au 15 juin et si le grand tétras est présent sur ce même territoire, le calendrier d'interdiction s'étale du 15 décembre au 15 juillet ; de plus, l'été n'est pas la période la plus propice à l'exploitation forestière... d'ailleurs, l'Office national des forêts (ONF) interdit la pratique de l'affouage à compter du 15 avril au 1er mai, suivant l'altitude.
Toutes ces contraintes compliquent de façon significative l'exploitation forestière de ces territoires. Alors que seuls des contrats de non-gestion forestière sont proposés actuellement, absurdité totale pour tous les sylviculteurs car opposés à l'objectif de dynamisation de la gestion forestière et de toute la filière bois utile à la transition énergétique, il lui demande comment les propriétaires dépossédés partiellement de leurs biens vont pouvoir obtenir exonérations ou compensations pour toutes ces servitudes.

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 20/11/2013

Réponse apportée en séance publique le 19/11/2013

M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, je veux appeler votre attention sur les difficultés que rencontrent les propriétaires forestiers et les communes pour l'exploitation de leurs forêts lorsque celles-ci se trouvent dans des territoires ou dans des zones classées pour la protection des amphibiens, des reptiles, des insectes, des mammifères ou des oiseaux.

Sans doute est-ce dans les départements disposant de grands espaces que s'appliquent des réglementations sévères - arrêtés de biotope, mise en place de réserves naturelles... - sans que les propriétaires concernés reçoivent, en amont, beaucoup d'informations des services de l'État. En tout cas, pour ces propriétaires, ces réglementations s'apparentent à des mesures confiscatoires, leur imposant une suradministration, avec des demandes d'autorisation pour tout et n'importe quoi, parfois même au détriment de la sécurité publique : je pense aux réglementations strictes concernant certaines activités économiques et de loisirs traditionnelles.

De plus, les propriétaires auront l'obligation de réaliser de coûteuses études d'incidence dans le cadre de Natura 2000, à leur charge, bien sûr, ou à celle des acteurs locaux, pour permettre les activités forestières, agricoles ou les manifestations sportives.

S'il ne s'agit pas de contester l'importance de la biodiversité et du développement durable, dont nous venons de parler, pourra-t-on encore longtemps faire comme si l'on oubliait que ces espaces sont le fruit du travail des hommes et ont permis la diversité et la richesse de ces territoires ? Vouloir les mettre sous cloche aura des effets très négatifs, tant du point de vue humain qu'en termes de biodiversité.

Le 5 juillet 2013, un arrêté de biotope a été publié dans le département du Jura concernant 69 sites sur 99 territoires communaux, pour une superficie totale de 1 643 hectares, qui vient s'ajouter à d'autres territoires déjà concernés.

On connaît l'importance de l'hiver dans le massif du Jura, où, souvent, les forêts ne sont plus accessibles dès le mois de novembre. D'ailleurs, le massif est déjà blanc aujourd'hui, et on annonce beaucoup de neige pour après-demain... Or l'arrêté interdit les activités sylvicoles et les exploitations forestières sur ces parcelles du 15 février au 15 juin, et même, si le grand tétras est présent sur ces territoires, du 15 décembre au 1er juillet, sachant que les mois d'été ne sont pas les plus propices à l'exploitation forestière ! D'ailleurs, l'Office national des forêts interdit dans ces forêts à compter du 15 avril ou du 1er mai, suivant l'altitude, la pratique de l'affouage, qui permet aux habitants d'aller couper du bois.

Vous le voyez, de lourdes contraintes pèsent sur les propriétaires, lesquelles compliquent de façon significative l'exploitation forestière de ces territoires.

Cela dit, je veux également évoquer les difficultés qui peuvent se poser, en termes de police de l'eau, pour les propriétaires qui, pour sortir leur bois, doivent traverser un petit ruisseau situé sur leurs parcelles.

Monsieur le ministre, comment les propriétaires dépossédés partiellement de leurs biens vont-ils pouvoir obtenir exonérations ou compensations pour toutes ces servitudes ?

Au demeurant, je souligne que seuls des contrats de non-gestion forestière sont actuellement proposés, ce qui est une absurdité totale pour tous les sylviculteurs : cette situation est contraire à l'objectif de dynamisation de notre filière forestière et, bien sûr et surtout, de la filière bois énergie, que le Gouvernement soutient par ailleurs, au travers du projet de loi de finances pour 2014 comme de la future loi agricole, ce qui est positif.

Monsieur le ministre, ne vous semble-t-il pas qu'il y a là beaucoup de contradictions ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le sénateur, le Président de la République l'a rappelé lors de la deuxième conférence environnementale : la France dispose de la « plus merveilleuse forêt » - celle du Jura ne fait pas exception en la matière ! -, et la promotion de la filière bois est notre priorité.

D'ailleurs, je me félicite que les acteurs de cette filière, dont les forestiers, soient désormais présents au sein du Conseil national de la transition écologique ; la participation à cette instance leur permet de s'exprimer.

Pour pérenniser ce trésor de la biodiversité française qu'est notre forêt, différents dispositifs et types de protections adaptés aux situations locales existent.

Les arrêtés de protection de biotope, notamment, sont pris pour répondre aux besoins de protection spécifique d'espèces protégées du fait de leur rareté et de leur vulnérabilité.

Ces dispositifs font bien sûr l'objet de consultations et de concertations.

Vous avez mentionné l'arrêté de protection de biotope du 5 juillet 2013, pris par le préfet du Jura : en réalité, cet arrêté n'est pas nouveau puisqu'il correspond à une actualisation d'un arrêté datant du 2 juin 1982.

Ses effets sont d'ailleurs limités dans l'espace et dans le temps : il concerne une faible partie des falaises calcaires du département, avec un ciblage sur les corniches, les pentes et bas de pentes. Ces falaises sont des sites à enjeux majeurs pour le cycle de vie des espèces menacées que sont le faucon pèlerin et le grand-duc.

La concertation préalable sur ce texte n'a pas donné lieu à beaucoup de réactions : un seul retour de forestier a été enregistré. La concertation avec les organismes sportifs, dont ceux de vol libre a, elle, conduit à un partage de l'espace, afin de concilier ces activités avec la protection des espèces précitées.

Les échanges avec les forestiers, avec l'Office national des forêts, le Centre régional de la propriété forestière, la chambre d'agriculture et le syndicat des propriétaires forestiers ont, quant à eux, permis d'adapter le règlement à la réalité des pratiques.

Les incertitudes qui auraient pu peser notamment sur les travaux de desserte et l'implantation d'abris pour les forestiers ont ainsi été levées. Ces discussions ont aussi permis de préciser la cartographie.

Pour répondre précisément à vos interrogations, monsieur le sénateur, l'arrêté n'interdit pas l'exploitation forestière, mais réglemente pendant quatre mois l'utilisation de moteurs thermiques. Il s'agit d'éviter le dérangement des espèces menacées, en particulier en période de reproduction.

Les forestiers, avec lesquels la concertation a été conduite, semblent avoir bien compris les enjeux et n'ont pas jugé ces protections incompatibles avec l'exploitation forestière dans ces situations tout à fait particulières de pentes et de falaises.

Cela dit, monsieur le sénateur, je reste bien entendu attentif à toute difficulté que pourraient rencontrer les forestiers dans l'exercice de leur profession.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, vous semblez détenir vos informations de l'administration du Jura, qui considère qu'il n'y a pas de problème...

Mais quand vous me dites qu'un seul forestier s'est manifesté lors de la concertation préalable, je me permets de vous renvoyer aux articles parus dans la presse sur ce sujet. (M. Gérard Bailly brandit un exemplaire du journal Le Progrès.) « Jura : le coup de gueule des forestiers privés » : ce titre montre bien que les forestiers ne sont pas très contents ! D'ailleurs, il n'y a pas une assemblée générale des forestiers où ce problème n'est pas évoqué...

Ma question portait surtout sur les parcelles, en quelque sorte gelées, que leurs propriétaires ne peuvent plus exploiter convenablement.

Au reste, pendant ces quatre mois où l'utilisation de moteurs thermiques est réglementée, comment exploiter le bois de ces forêts, si ce n'est avec une tronçonneuse ? Les forestiers peuvent toujours inviter la population à venir couper le bois avec une serpe, une hache ou encore un passe-partout, comme je le faisais quand j'étais gamin (Sourires.), mais il n'y aura pas beaucoup de candidats pour le faire !

Monsieur le ministre, puisque le Premier ministre a annoncé, hier, une réforme de la fiscalité, je demande que ces parcelles, qui apportent beaucoup à la biodiversité et à notre environnement, bénéficient d'une fiscalité particulière.

S'il n'y a pas de compensation, le monde rural ne voudra plus de toutes ces contraintes qui pèsent sur lui, et c'est logique ! Pensez à Natura 2000.

Il faut trouver des solutions, en termes de fiscalité, pour ces parcelles qui subissent des contraintes particulières.

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