Question de M. LEGENDRE Jacques (Nord - UMP) publiée le 18/10/2013
Question posée en séance publique le 17/10/2013
M. Jacques Legendre. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Au printemps 2013, le régime du général François Bozizé, président de la République centrafricaine, s'est effondré sous les coups d'une rébellion dite « Séléka ».
Bangui, la capitale, a été pillée, ainsi que les principales villes de province. Les morts, les viols ont été nombreux.
La communauté internationale n'a guère réagi à cette situation, se limitant à offrir son soutien à un Premier ministre sans réelle autorité sur les forces de la Séléka.
Quant à la France, qui maintient des soldats à l'aéroport de Bangui, elle n'a pas voulu s'impliquer a priori dans ce conflit interne on peut le comprendre et elle s'est limitée à assurer la sécurité de ses ressortissants.
Peut-on pour autant se contenter de cette situation attentiste ? Je ne le crois pas. L'État centrafricain a implosé. Il ne contrôle plus son territoire vers lequel convergent des pillards venus du Tchad, du Soudan, en particulier du Darfour. Des heurts à caractère religieux se produisent dans un pays jusqu'à présent tolérant.
La disette menace, car, dans la brousse où la sécurité n'est plus assurée, les paysans n'osent plus ensemencer leurs champs.
Ne nous y trompons pas ! Si la communauté internationale continue à se désintéresser de ce drame, un territoire de 600 000 kilomètres carrés, peuplé de 4,5 millions d'habitants, frontalier de pays fragiles la République démocratique du Congo, le Soudan du Sud , peut devenir, à son tour, le sanctuaire de tous les trafics et de tous les fanatismes.
Je connais bien la République centrafricaine pour y avoir enseigné, jadis, en tant que coopérant. Si le peuple centrafricain a toujours beaucoup, voire trop attendu de la France, il est francophile et nous avons un devoir d'aide à son égard. Ce pays fut, je le rappelle, l'un des premiers à rallier la France libre.
Aujourd'hui, ce peuple nous demande de l'aider à rétablir son État, à retrouver la paix, à choisir librement, par des élections loyales, ses dirigeants et son destin.
Bien évidemment, cette mission ne peut pas être celle de la France seule. Il faut un mandat de l'ONU, il faut agir avec l'Union africaine, mais il y a urgence.
Monsieur le ministre, quel concours la France entend-elle apporter au retour de la paix en République centrafricaine ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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Réponse du Ministère des affaires étrangères publiée le 18/10/2013
Réponse apportée en séance publique le 17/10/2013
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Cher monsieur Legendre, il ne vous a certainement pas échappé que, lors de l'Assemblée générale des Nations unies, le Président de la République a centré l'essentiel du court propos qu'il a tenu devant l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement sur la République centrafricaine.
Il ne vous a pas échappé non plus que je me suis rendu dimanche dernier à Bangui, en tant que ministre des affaires étrangères du gouvernement français, accompagné de la commissaire européenne à la coopération internationale, l'aide humanitaire et la réaction aux crises, pour évoquer les sujets que vous avez mentionnés.
Les trois initiales de la République centrafricaine sont RCA. Le problème est que ce A signifie aujourd'hui « abandon ».
La République centrafricaine est un pays de 4,8 millions d'habitants, dont 10 % sont déplacés, et qui connaît une mortalité infantile de plus de 10 %. Dans la capitale, Bangui, la sécurité est plus ou moins assurée grâce à la présence de troupes françaises, mais le reste du pays est ravagé par des bandes armées.
Alors que personne ne s'y intéressait, la France a décidé, parce que c'est sa mission, de sonner l'alarme sur la situation de ce territoire qui, comme son nom l'indique, se trouve au centre de l'Afrique.
Il est nécessaire, à cet égard, de mener une réflexion de bon sens : on ne peut pas prétendre porter attention à l'Afrique, continent d'avenir, sans porter attention et appui au centre de l'Afrique, c'est-à-dire à la République centrafricaine.
On peut schématiser ce sujet en distinguant trois grandes préoccupations.
La première préoccupation concerne la sécurité.
Dans les provinces, la situation est effrayante ; vous l'avez décrite en quelques mots, monsieur le sénateur. Pour la première fois dans l'histoire de la Centrafrique, des conflits d'ordre religieux ont éclaté entre les chrétiens, qui sont majoritaires, et les musulmans. J'ai rencontré, dimanche dernier, les chefs des trois principales religions, catholique, protestante et musulmane. Ils désapprouvent totalement ces conflits internes, qu'ils constatent, condamnent et déplorent.
Se greffe sur cette situation la coalition Séléka, qui a été dissoute par M. Michel Djotodia, chef de l'État de la transition, qui n'est pas reconnu par la communauté internationale. Les membres de cette coalition, qui ne touchent plus leur solde depuis quatre mois, à l'instar des fonctionnaires qui ne perçoivent pas leur salaire, pour une part, vont revenir à la vie civile, pour l'autre part, doivent être intégrés dans l'armée. Vous voyez les problèmes que cela peut poser...
Les quatre pays limitrophes de la République centrafricaine - le Tchad, le Congo, le Cameroun, le Gabon - ont envoyé des troupes qui comptent aujourd'hui 2 100 hommes, dont l'effectif s'élèvera à bientôt 3 500 soldats, réunies au sein de la Mission internationale de soutien en Centrafrique sous conduite africaine, la MISCA. La France, dont le contingent sur place est de 410 hommes, envisage de renforcer celui-ci en cas de nécessité.
Vous n'avez pas eu le temps de rappeler, monsieur Legendre, que notre pays a obtenu du Conseil de sécurité des Nations unies une résolution, adoptée à l'unanimité, qui fait obligation au Secrétaire général des Nations unies de présenter un rapport dans un délai de trente jours. Une deuxième résolution, qui suivra, donnera mandat à la MISCA ainsi qu'à la France pour intervenir plus largement. Enfin, une troisième résolution sera prise au printemps prochain, en vue d'une éventuelle opération de maintien de la paix.
La sécurité, qui est notre objectif majeur, est donc assurée, à la fois, par les quatre pays agissant au nom de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale, la CEEAC, en liaison avec l'Union africaine, et par la France.
La deuxième préoccupation est humanitaire.
De ce point de vue, la situation, que je vous ai décrite, est abominable. L'Europe, la France, la communauté internationale et la conférence des donateurs doivent, par leur action, permettre des avancées.
La troisième préoccupation est d'ordre politique.
Des élections doivent avoir lieu, au plus tard au mois de février 2015. Or il n'y a plus d'état civil dans ce pays ! Par ailleurs, un référendum doit être organisé avant cette date en vue de l'adoption de la Constitution. Il faut donc que se mette en place un régime démocratique, alors même que les deux principaux responsables politiques, M. Djotodia et son Premier ministre, n'ont pas le droit de se présenter à ces élections et ne le feront pas, comme ils l'ont confirmé devant les représentants des Nations unies.
En bref, tout reste à faire.
Nous allons en discuter avec M. Jacob Zuma, président de l'Afrique du Sud, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l'Union africaine, et les responsables des quatre pays limitrophes de la République centrafricaine, que je tiens étroitement au courant.
La France fera son devoir.
Telle est notre position : sans nous substituer aux Africains - j'y insiste -, nous voulons attirer l'attention de la communauté internationale sur ce conflit qui peut se révéler gravissime, agir en mobilisant à la fois l'Europe, la communauté internationale et l'ensemble de l'Afrique, et apporter à nos amis africains le soutien qu'ils méritent.
Je vous le dis, monsieur le sénateur, comme je l'ai dit aux Centrafricains : la France ne laissera pas tomber la République centrafricaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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