Question de M. GILLOT Jacques (Guadeloupe - SOC-A) publiée le 19/09/2013
M. Jacques Gillot attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur l'avenir des régions ultra-périphériques (RUP) dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune (PAC). Le traité de Lisbonne, dans son article 349, reconnaît la spécificité des RUP dans l'Union européenne et justifie des mesures dérogatoires au marché unique. Depuis 2008, la Commission européenne a entamé un changement de point de vue à leur égard. Au lieu de panser les plaies par des subventions publiques, elle a souhaité orienter les fonds européens vers l'innovation et la compétitivité de ces territoires.
La rencontre, au mois de mai 2013, organisée entre des élus européens, nationaux et locaux ultramarins et le commissaire européen Dacian Ciolos sur le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), principal instrument de soutien de l'Europe à l'égard de nos régions éloignées, a permis de lever certaines incertitudes sur le devenir des RUP. Le commissaire Ciolos a précisé alors qu'il ne s'agissait pas d'une intégration du POSEI dans la PAC, mais bien d'une adaptation de cet instrument, en cohérence avec la réforme de la PAC en cours.
En outre, il a confirmé que le budget du POSEI ne serait pas touché.
Le nouveau rôle désormais attribué aux gouvernements nationaux dans la mise en œuvre du cadre agricole européen nouvellement réformé, interroge sur la capacité d'adaptation de l'agriculture ultramarine au principe de verdissement encouragé par la réforme.
De même, l'orientation écologique souhaitée par la Commission pose la question, délicate, dans les Antilles françaises, du problème phytosanitaire du chlordécone et de l'épandage aérien.
Si cet encouragement d'un tiers des aides directes vers la mise en œuvre de bonnes pratiques environnementales est louable, en plus de se heurter à la problématique des pesticides, il implique une augmentation des normes environnementales pour l'agriculteur et le pêcheur antillais, déjà confronté à des distorsions de concurrences avec ses voisins régionaux.
C'est notamment le cas avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), dispensés du même niveau d'exigences sanitaires, et pourtant partenaires commerciaux avec l'Union européenne depuis mai 2010.
Il lui demande ainsi quelles solutions sont envisageables pour résoudre ces contradictions écologiques et économiques.
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Réponse du Ministère chargé de l'agroalimentaire publiée le 20/11/2013
Réponse apportée en séance publique le 19/11/2013
M. Jacques Gillot. Monsieur le ministre, ma question porte sur l'avenir des régions ultra-périphériques, les RUP, dans le cadre de la réforme de la PAC.
L'article 349 du traité de Lisbonne reconnaît la spécificité des RUP dans l'Union européenne et justifie des mesures dérogatoires au marché unique.
Depuis 2008, la Commission européenne a amorcé un changement de paradigme à leur égard. Elle a souhaité orienter les fonds européens vers l'innovation et la compétitivité de ces territoires, même si, selon nos collègues députés européens MM. Tirolien et Omarjee, ainsi que selon M. Letchimy dans son récent rapport, le fléchage des fonds doit être amélioré.
Au mois de mai dernier, nous avons été rassurés par des propos tenus lors de la rencontre organisée entre des élus ultramarins européens, nationaux et locaux, et le commissaire européen Dacian Ciolos sur le POSEI, ou programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité, principal instrument de soutien de l'Europe pour nos régions.
Cette rencontre a permis de lever certaines incertitudes sur le devenir des RUP qui faisaient suite à la circulation de différents scénarios visant à mettre en phase le POSEI avec la politique agricole commune. Le commissaire Ciolos a alors précisé qu'il ne s'agissait pas d'une intégration du POSEI dans la PAC, mais bien d'une adaptation de cet instrument, en cohérence avec la réforme de la PAC en cours. Nous demandons que le POSEI demeure un règlement particulier pour les RUP, avec le maintien de l'article 349 du traité de Lisbonne comme fondement de cette dérogation.
En outre, le commissaire a confirmé que le budget du POSEI ne serait pas touché.
Le rôle désormais attribué aux gouvernements nationaux dans la mise en uvre du cadre agricole européen nouvellement réformé me conduit à vous interroger, monsieur le ministre, sur la capacité d'adaptation de l'agriculture ultramarine au principe de verdissement encouragé par la réforme.
Cette orientation écologique souhaitée par la Commission européenne pose la question délicate, dans les Antilles françaises, du problème phytosanitaire du chlordécone et de l'épandage aérien, pour lequel le quotidien Le Monde titrait en avril dernier : « La Guadeloupe : monstre chimique »...
Si cet encouragement de consacrer un tiers des aides directes à la mise en uvre de bonnes pratiques environnementales est louable, il se heurte à la problématique des pesticides et implique un renforcement des normes environnementales pour l'agriculteur et le pêcheur antillais, déjà confrontés à des distorsions de concurrences avec nos voisins.
C'est notamment le cas avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, qui ne sont pas soumis au même niveau d'exigences sanitaires et sont pourtant partenaires commerciaux de l'Union européenne depuis mai 2010.
Quelles solutions proposez-vous, monsieur le ministre, pour résoudre ces contradictions écologiques et économiques ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Monsieur le sénateur, je souhaite préalablement excuser Stéphane Le Foll, qui est retenu en ce moment même à l'Assemblée nationale.
Avant de répondre à votre question, monsieur le sénateur, je voudrais rappeler ici l'attachement de la France au programme POSEI qui est, à nos yeux, un outil efficace et essentiel au service de l'agriculture des DOM.
Sur la question de la prise en compte de nouvelles contraintes environnementales, l'objectif central déjà affiché dans le programme POSEI en France est la promotion d'une agriculture durable dans les outre-mer.
D'une part, dans le cadre de la révision du POSEI lancée par la Commission européenne, comme nous l'avons déjà indiqué, nous sommes favorables à l'introduction d'un paiement vert optionnel, sans remettre en cause l'éligibilité des demandeurs aux aides du POSEI.
D'autre part, le Gouvernement a également rappelé à la Commission les contraintes sanitaires importantes auxquelles les DOM doivent aujourd'hui faire face en raison notamment du manque de produits phytosanitaires autorisés et adaptés.
Les traitements aériens sont interdits sauf lorsqu'ils sont absolument impératifs en raison de l'absence d'alternative. Je vous rappelle que l'arrêté de 2011 prévoit des mesures de gestion pour protéger les lieux où se trouvent les riverains ainsi que les espaces sensibles. Dans le même temps, dans le cadre du plan Écophyto, des actions ont pour objectif de développer ces solutions alternatives au traitement aérien.
Une première étude a été engagée sur les bananeraies pour élaborer un prototype terrestre adapté aux topographies locales, qui fait actuellement l'objet de tests sur le terrain. Parallèlement, sur un autre aspect du même problème, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, ou CIRAD, mène des recherches pour sélectionner des variétés qui présenteraient des résistances génétiques aux champignons concernés.
J'évoquerai, enfin, le chlordécone. Cette molécule, vous le savez, a été utilisée jusqu'en 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. Elle est interdite depuis, mais la persistance du chlordécone est un vrai enjeu à la fois sanitaire, environnemental, agricole, économique et social pour l'ensemble des Antilles.
La pollution par le chlordécone a fait l'objet d'un premier plan interministériel 2008-2010, qui a mobilisé plus de 33 millions d'euros et permis d'obtenir de premières avancées.
Un deuxième plan d'action 2011-2013 contre cette pollution en Guadeloupe et en Martinique, dans la continuité du premier, a fixé quatre objectifs que je rappelle brièvement : approfondir les connaissances et expérimenter de nouvelles techniques, consolider le dispositif de surveillance de l'état de santé des populations, poursuivre la réduction de l'exposition des populations, enfin, gérer les milieux contaminés et assurer en permanence une bonne information de la population.
Nous travaillons aujourd'hui à un troisième plan sur le chlordécone, monsieur le sénateur, destiné à prendre la suite des deux précédents plans à partir de 2014.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions. Il convient de porter ces informations à la connaissance de la population, au sein de laquelle règne une certaine inquiétude sur ces sujets. Je me réjouis donc que l'information arrive jusqu'à nous.
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