Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - UMP) publiée le 12/09/2013

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur le statut des élus bénéficiaires d'une pension d'invalidité. Ce dossier récurrent, pour lequel il a posé plusieurs questions écrites depuis 2011, toujours sans réponse, suscite de plus en plus de remarques des élus locaux. Les bénéficiaires d'une pension d'invalidité sont autorisés à reprendre un travail sans perdre le bénéfice de la pension, dès lors que leur salaire se situe dans la limite de celui qu'ils percevaient avant de devenir invalide, augmenté d'un coefficient fixé par décret (article L. 341-12 du code de la sécurité sociale). Or, s'ils sont élus, en qualité de maire-adjoint par exemple, ils se trouvent, au regard de la sécurité sociale, confrontés à la même situation que s'ils reprenaient un travail et perdent, dès lors, le versement de leur pension d'invalidité, avec tous les accessoires rattachés. Par conséquent, les personnes en invalidité seraient contraintes de choisir une seule des deux sources de revenus. Il lui demande donc comment on peut analyser les indemnités qui sont censées compenser les frais inhérents à l'exercice d'un mandat politique, montant déterminé par le code général des collectivités territoriales (articles L. 2123-20 à L. 2123-24) et la pension d'invalidité qui vise à la prise en charge par la solidarité nationale des contraintes liées à la situation d'invalidité. La législation actuelle peut être considérée comme source d'inégalités entre élus, selon leur situation sociale, et perçue comme une discrimination envers les personnes handicapées ne pouvant, de ce fait, s'impliquer dans la vie politique. Des exemples récents d'élus handicapés et percevant l'allocation d'adulte handicapé (AAH) et l'allocation de logement (ASL), ont vu la caisse d'allocations familiales (CAF) prendre en compte leurs indemnités d'adjoint pour reconsidérer le montant de leur ressources. Ceci a aboutit à la supression de l'AAH et à la réclamation de remboursement de trop perçu, soit parfois plusieurs milliers d'euros. Une telle situation est insupportable pour ces élus, actifs dans leur délégation, et qui se voient pénalisés du fait de leur handicap. Cela est de nature à décourager les bonnes volontés qui acceptent encore les charges municipales. Il lui demande, en conséquence, s'il ne lui paraît pas nécessaire d'exclure les indemnités des élus du calcul des revenus suspendant la pension d'invalidité.

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Réponse du Ministère chargé de la décentralisation publiée le 30/10/2013

Réponse apportée en séance publique le 29/10/2013

M. Antoine Lefèvre. Madame la ministre, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le statut de nos collègues élus locaux bénéficiaires d'une pension d'invalidité. Je me fais leur relais au Sénat en ma qualité de président de l'Union des maires de l'Aisne, département dont je suis l'élu et qui, comme vous le savez, compte 816 communes.

Ce dossier récurrent, sur lequel plusieurs questions écrites ont été déposées depuis 2011 - toujours sans réponse ! -, suscite de plus en plus de remarques de la part de nos élus.

Les bénéficiaires d'une pension d'invalidité sont autorisés à reprendre un travail sans perdre cette pension, dès lors que leur salaire se situe dans la limite de celui qu'ils percevaient avant de devenir invalides, augmenté d'un coefficient fixé par décret. Or, s'ils sont élus, par exemple en qualité de maire adjoint, la sécurité sociale considère qu'ils sont dans la même situation que s'ils reprenaient un travail et ils perdent dès lors le versement de leur pension d'invalidité, avec tous les accessoires rattachés. Par conséquent, ils seraient contraints de choisir une seule des deux sources de revenus.

Or comment analyser les indemnités qui sont censées compenser les frais inhérents à l'exercice d'un mandat politique, montant déterminé par le code général des collectivités territoriales, et la pension d'invalidité, qui vise à la prise en charge par la solidarité nationale des contraintes liées à la situation d'invalidité ?

La législation actuelle peut être considérée comme source d'inégalités entre élus selon leur situation sociale et perçue comme une discrimination envers les personnes handicapées, qui ne peuvent, de ce fait, s'impliquer dans la vie politique.

Récemment, certains élus handicapés percevant l'allocation aux adultes handicapés, l'allocation de logement sociale ou l'allocation de logement familiale, ont vu la caisse d'allocations familiales prendre en compte leurs indemnités d'adjoint pour reconsidérer le montant de leurs ressources. La CAF a d'ailleurs décidé, d'une part, de supprimer le versement de l'AAH et, d'autre part, de réclamer le remboursement du trop-perçu, qui s'élève à plusieurs milliers d'euros.

Je vous relaterai le cas d'un maire adjoint handicapé d'une commune d'un peu plus de 1 700 habitants de mon département bénéficiant de l'AAH, de l'ALS et de la majoration pour la vie autonome. Au mois de juillet 2013, la CAF lui a envoyé un courrier lui annonçant un réexamen de ses droits depuis le mois juillet 2011, soit près de deux années rétroactivement. Résultat, la CAF lui demande aujourd'hui le remboursement de plus de 3 000 euros et procède à des retenues sur ses allocations.

Cette situation est insupportable pour ces élus, actifs dans leur délégation, qui se voient pénalisés du fait de leur handicap ! En outre, cela est de nature à décourager les bonnes volontés qui acceptent encore d'assumer les charges municipales.

Je m'étonne d'autant plus de cette situation que, le 11 octobre dernier, dans le cadre de la discussion du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, l'Assemblée nationale a voté à l'article 12 un amendement du Gouvernement qui clarifie le fonctionnement du cumul emploi-retraite pour les indemnités des élus locaux. En effet, depuis le 1er janvier 2013, ceux-ci sont affiliés au régime général d'assurance vieillesse.

Marisol Touraine a expliqué que « l'application du principe de non-ouverture de nouveaux droits en cas de cumul emploi-retraite conduirait les élus locaux souhaitant liquider leurs retraites à mettre fin à leur mandat ». Je la cite toujours : « Les élus locaux déjà pensionnés du régime général d'assurance vieillesse n'ayant pas atteint l'âge légal ou ayant liquidé leur retraite sans pour autant justifier du taux plein, se trouveraient placés dans une situation de cumul emploi-retraite plafonné et pourraient voir le service de leurs pensions de retraite suspendu en cas de dépassement du plafond. Cela interviendrait alors même que le mandat d'élu local n'est pas une activité salariée. Il est donc proposé d'introduire une dérogation au fonctionnement du cumul emploi-retraite : les indemnités d'élu local, au même titre, par exemple, que les activités à caractère artistique, littéraire, scientifique ou juridictionnel, ne seront pas considérées comme des ressources au sens du cumul emploi-retraite. » Ce sont les propres termes de la ministre !

Madame la ministre, ce qui est possible pour le cumul emploi-retraite par les élus locaux doit être possible pour le cumul des allocations d'invalidité de ces mêmes élus locaux ! Il paraît nécessaire, et évident, d'exclure les indemnités des élus du calcul des revenus suspendant la pension d'invalidité.

M. Philippe Bas. Très bonne question !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, je répondrai à cette très bonne question en vous transmettant les informations que m'a communiquées la ministre des affaires sociales et de la santé. Cela étant, en tant que ministre chargée des collectivités territoriales, je suis particulièrement sensible au sujet que vous avez évoqué et je ne manquerai pas de m'y intéresser avec une attention particulière, notamment dans le cadre de la réflexion à venir sur le statut de l'élu local.

Les allocations de solidarité, comme l'allocation aux adultes handicapés ou l'allocation de logement sociale, constituent un filet de sécurité pour toutes les personnes qui disposent de faibles ressources du fait de leur handicap. Elles visent à permettre à ces dernières d'avoir des conditions de vie décentes.

L'allocation aux adultes handicapés est versée sous condition de handicap. Le critère est un taux d'incapacité permanente de 80 % ou compris entre 50 % et 80 %, avec une restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi.

Son versement dépend également des ressources du demandeur et de son conjoint, concubin ou partenaire de PACS : elles ne doivent pas dépasser 9 482 euros pour une personne seule et 18 964 euros pour une personne en couple.

Toute évolution de la situation de l'allocataire - union, séparation, naissance d'un enfant, reprise d'emploi même à temps partiel, arrivée à l'âge de la retraite - est donc susceptible de modifier le versement de l'allocation aux adultes handicapés. Il en va de même pour l'allocation de logement sociale, également versée sous condition de ressources.

Une personne en situation de handicap, si elle perçoit une rémunération en tant qu'élu local, voit ses revenus augmenter. Le montant des allocations en est d'autant diminué.

Les conséquences d'une reprise d'activité ou d'un mandat donnant lieu à une rémunération sont les mêmes pour les allocataires du revenu de solidarité active. Il n'y a donc pas d'inégalité entre les élus percevant un minimum social, qu'ils soient ou non en situation de handicap.

Ces règles n'entraînent pas non plus d'inégalité avec les élus qui exerçaient une activité professionnelle avant leur mandat, et qui continuent d'ailleurs souvent de l'exercer pendant leur mandat.

Telles sont les éléments de réponse que je pouvais vous apporter aujourd'hui, monsieur le sénateur. Je serai bien entendu très vigilante et je n'hésiterai pas à me reporter aux propos de Mme la ministre des affaires sociales que vous avez bien voulu citer, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, même si j'ai bien compris qu'il s'agissait plutôt de celle que les services de Mme la ministre de la santé lui ont préparée, et qui ne peut me donner entière satisfaction, dans la mesure où elle vient contredire selon moi les propos que Mme la ministre a tenus.

Pour autant, je retiens votre engagement, madame Escoffier, vous qui êtes tout spécialement chargée des collectivités territoriales, d'examiner de plus près cette question du cumul des indemnités de fonction avec une pension d'invalidité dans le cadre du prochain projet de loi relatif au statut de l'élu. Ce serait l'occasion, en effet, de nous pencher sur ces inégalités au moment où nous nous apprêtons, au printemps prochain, à connaître une vague de renouvellement des élus municipaux. J'espère que les candidats seront nombreux, car la mission est de plus en plus complexe. Il ne faudrait pas donner le sentiment que certains de nos concitoyens sont traités de façon discriminatoire.

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