Question de M. PLACÉ Jean-Vincent (Essonne - ECOLO) publiée le 29/08/2013
M. Jean-Vincent Placé attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, sur l' « IP tracking ».
L' « IP tracking » a été mis en lumière par les consommateurs qui subissent des augmentations de prix disproportionnées dans un laps de temps très court, lors des réservations de billets de trains ou d'avions.
Certains sites de vente en ligne sont accusés d'élever leurs tarifs en repérant l'adresse « IP » d'un internaute s'intéressant à une offre, afin d'inciter le client à acheter plus rapidement et à un tarif plus élevé. Ces pratiques, scandaleuses, portent atteinte aux données personnelles de l'internaute et peuvent être qualifiées de concurrence déloyale.
À l'heure où la fracture numérique est encore un réel problème en France, tous les français(es) lorsqu'ils sont conscients du phénomène - n'ont pas les moyens de détourner ces techniques frauduleuses en utilisant un second terminal.
La Commission nationale informatique et libertés (CNIL) semble s'intéresser au problème, à la suite de la saisine par une députée européenne. Il serait inconcevable que des sociétés françaises et, plus particulièrement, des établissements publics à caractère industriel et commercial pratiquent l' « IP tracking ».
Il lui demande ce qu'elle compte mettre en œuvre pour enquêter sur ce sujet et encadrer l' « IP tracking ».
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Transmise au Ministère chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation
Réponse du Ministère chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation publiée le 09/01/2014
Le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication conduit les professionnels à collecter des données afin d'améliorer leurs connaissances sur leurs clients. Si ces pratiques ne sont pas complètement nouvelles, leur développement s'est accru récemment et conduit à une individualisation croissante des propositions commerciales faites par certains professionnels aux consommateurs. La presse anglo-saxonne puis la presse française ont lancé le débat sur ces pratiques supposées. Il convient toutefois de distinguer les pratiques commerciales et de ce fait, la législation applicable. La pratique consistant à adapter les prix des biens ou des prestations de service sur internet aux consommateurs n'est pas à proprement parler nouvelle. Ainsi, ce que la presse américaine nomme « behavioural pricing », à savoir la pratique des prix personnalisés, regroupe des réalités assez différentes. Les professionnels visent en effet à adapter, depuis longtemps, les prix à des segments particuliers de clientèle via des cartes de fidélité, des tarifs adaptés aux clients anciens ou à certaines catégories de clients... De même, le « yield management », consistant à gérer les capacités disponibles d'une société fournissant généralement des services tout en maximisant le chiffre d'affaires, est un outil largement utilisé, notamment par les compagnies aériennes et les chaînes hôtelières, afin d'optimiser l'occupation des avions ou des hôtels en fonction de l'offre et de la demande. Plus récemment, la pratique de l'IP tracking, qui consisterait pour les professionnels à suivre l'activité des internautes en traçant leur adresse IP, afin d'adapter leurs pratiques commerciales aux informations collectées, a lancé de nombreux débats. Ainsi, certaines entreprises seraient en mesure d'adapter leurs propositions commerciales aux consommateurs en fonction de leur âge, leur sexe, le lieu de leur domicile, leurs passions ou leurs contraintes personnelles ou professionnelles. En termes juridiques, les enjeux apparaissent de trois ordres : la collecte des données personnelles des consommateurs, la difficulté de maintenir une information loyale sur les prix pratiqués et le risque de pratiques discriminantes à l'égard de certains consommateurs. En matière de collecte des données personnelles, la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) est d'ores et déjà saisie et mobilisée sur le sujet de l'IP tracking. S'agissant des pratiques commerciales visant à faire varier les prix en fonction de divers critères, telles le « yield management », celles-ci sont déjà répandues dans le secteur des services et en particulier s'agissant des voyages, et ne présentent pas nécessairement de liens avec un éventuel traçage de l'adresse IP des internautes. En tout état de cause, le « yield management » n'est pas, en lui-même, contraire à la réglementation en vigueur sur l'information sur les prix (article L. 113-3 du code de la consommation) et sur les pratiques commerciales déloyales (article L. 120-1 du même code) et trompeuses (articles L. 121-1 et suivants du même code). En effet, les consommateurs sont informés au préalable du prix et se voient facturer le prix annoncé. Toutefois, la pratique appelée « behavioural pricing », si tant est qu'elle existe, irait bien au-delà du « yield management » et suscite de véritables questions sur la loyauté de l'information sur les prix fournis aux consommateurs dans ces conditions. Les conditions de fluctuations de ces prix et les critères présidant à une telle fluctuation sont susceptibles de caractériser l'existence de pratiques commerciales déloyales et trompeuses vis-à-vis des consommateurs. En effet, de telles pratiques tarifaires conduisent à ce que des consommateurs dans une situation identique vis-à-vis du professionnel se voient facturer des biens ou des prestations à des prix différents, sans connaître les mécanismes conduisant à ces pratiques de prix différenciés. Ces agissements pourraient donc constituer des pratiques commerciales trompeuses, par omission d'une information substantielle concernant le prix proposé (article L. 121-1 II). Ensuite, les consommateurs ne sont pas nécessairement conscients et informés que leurs comportements d'internautes, notamment, peuvent provoquer une telle variabilité des prix, a fortiori lorsqu'ils ne sont pas informés des collectes d'informations qui sont réalisées par les opérateurs. Ces pratiques pourraient ainsi remplir les deux conditions fixées par l'article L. 120-1 du code de la consommation définissant les pratiques commerciales déloyales : la pratique pourrait être ainsi « contraire aux exigences de la diligence professionnelle », entendue vis-à-vis des attentes légitimes du consommateur, et « susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé à l'égard d'un bien ou d'un service ». La presse s'est largement intéressée à ce phénomène et les enquêteurs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) s'assurent, au cours de leur contrôle, de la loyauté de l'information communiquée aux consommateurs. Les constatations réalisées à ce jour montrent que l'intérêt économique des entreprises à mettre en uvre des pratiques d'individualisation des propositions commerciales en fonction de données collectées sur les internautes est avéré (les bannières personnalisées ont un meilleur taux de conversion). Le processus de segmentation est techniquement abouti. À ce jour, il n'a pas été démontré que la technique est utilisée pour proposer des prix personnalisés. En tout état de cause, elle ne semble pas reposer sur la pratique de l'IP tracking telle qu'elle est dénoncée par la presse. L'adresse IP n'est qu'un des éléments collectés et ce n'est pas le plus pertinent, les entreprises se fondant notamment sur des informations stockées dans le navigateur telles les cookies ou témoins de connexion. Bien entendu, la CNIL et la DGCCRF vont maintenir collectivement leur vigilance en continuant à réaliser des enquêtes communes sur ces pratiques supposées.
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