Question de Mme BONNEFOY Nicole (Charente - SOC) publiée le 04/07/2013
Mme Nicole Bonnefoy attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt au sujet des inquiétudes suscitées par les variétés tolérantes aux herbicides (VTH) obtenues par mutagenèse et par l'annonce du recours aux semis de colza VTH pour la campagne en cours.
Au début des années 2000, les VTH obtenues par mutagenèse ont fait leur apparition dans les grandes cultures française avec la mise sur le marché du maïs DUO. Aujourd'hui, certaines d'entre-elles prennent une place parfois prépondérante. Ainsi, les tournesols VTH apparus en 2010 représentent 25 % des semis pour la campagne 2013. Ce taux est parfois bien supérieur dans certaines régions comme en Rhône-Alpes où il atteint 50 %.
Elle rappelle que, selon la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement, si les organismes issus de la mutagenèse sont des organismes génétiquement modifiés (OGM), ils sont, cependant, exclus de son champ d'application. En conséquence, ils n'ont pas à faire l'objet d'évaluations spécifiques et ne sont pas contraints de respecter les mêmes exigences en matière de gestion des risques, d'étiquetage, de surveillance et d'information au public.
Or, de nombreuses études ont mis en exergue la nécessité de faire preuve d'une vigilance absolue face au risque de dissémination du caractère de tolérance aux herbicides (TH) à d'autres espèces. Un tel phénomène serait catastrophique car il obligerait les agriculteurs à augmenter toujours davantage les doses de désherbants et à recourir à des cocktails.
C'est pourquoi, les ministères de l'agriculture et de l'écologie ont commandé, en 2009, une étude au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) afin de s'interroger sur les perspectives de développement des VTH. Les résultats de cette expertise scientifique collective, parus en novembre 2011, sont inquiétants car ils confirment le risque élevé de transfert du caractère TH aux adventices appartenant aux espèces inter-fertiles.
Malgré ces avertissements, la situation reste inchangée. Ainsi, il apparaît que des semis de colza VTH sont annoncés pour la campagne en cours. Or, si le risque de dissémination existe pour le maïs et le tournesol, il apparaît encore plus important pour le colza. En effet, appartenant à la famille des brassicacés, cette plante a la particularité de pouvoir se croiser avec tous les végétaux de sa famille. De ce fait, le risque de dissémination s'en trouve particulièrement accru.
Elle souhaiterait donc, d'une part, connaître sa position sur la possibilité de soumettre les VTH obtenues par mutagenèse au même régime d'évaluation que celui des OGM et, d'autre part, savoir si le ministère a bien pris en compte l'expertise scientifique menée en 2009 lorsqu'il a autorisé le recours aux semis de colza VTH pour la campagne en cours.
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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 05/09/2013
La directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l'environnement établit la définition de l'OGM à travers une liste de techniques considérées comme entraînant une modification génétique. Certaines de ces techniques, telles que la mutagénèse et la fusion cellulaire, ont été exclues du champ de la directive du fait qu'elles étaient déjà utilisées depuis longtemps pour diverses applications. Seule une modification de la législation européenne permettrait d'intégrer la mutagénèse provoquée par des agents physiques ou chimiques dans le champ de la législation relative aux OGM. Une telle modification n'est toutefois pas prévue à ce jour. La mise en culture des variétés obtenues par mutagénèse tolérantes à une famille d'herbicide doit s'accompagner de précautions quant aux modalités de l'emploi de l'herbicide associé permettant de garantir que cet emploi est conforme aux objectifs des politiques publiques, notamment définies dans le cadre du plan Ecophyto. En effet, comme l'explicite très clairement l'expertise scientifique collective INRA/CNRS co-commanditée par les ministères en charge de l'agriculture et de l'écologie, restituée en novembre 2011, l'utilisation des variétés tolérantes aux herbicides (VTH) peut conduire à la diminution de l'utilisation des herbicides dès lors que leur recours s'inscrit dans un raisonnement global de la stratégie de désherbage dans le temps et dans l'espace. Le recours à cette solution de lutte contre les adventices ne doit pas être systématique et doit être mis à disposition des agriculteurs en complément des moyens de lutte existants, tout en privilégiant les solutions agronomiques. Un usage inapproprié de cette technologie peut favoriser l'apparition de flores adventices résistantes qui compliqueront voire rendront impossible toute culture de certaines espèces. Pour éviter l'apparition des résistances tout en offrant aux agriculteurs un éventail de solutions techniques le plus large possible, le ministère en charge de l'agriculture, avec l'appui du ministère en charge de l'écologie, de l'Institut national de la recherche agronomique, et de la profession, a élaboré un plan d'accompagnement de la diffusion et de l'utilisation des VTH qui constitue un levier efficace de la diffusion de stratégies durables de désherbage à l'échelle des rotations. Cette stratégie, qui vise à responsabiliser la profession sur ces questions, permet de disposer pour la première fois, dans une logique de mutualisation des moyens et des compétences, d'outils de raisonnement fiables et harmonisés des stratégies de désherbage, de conseil aux agriculteurs et de suivi de l'apparition des résistances. La mise en uvre de cette démarche permettra aux pouvoirs publics de disposer de références fiables sur l'impact de l'utilisation des VTH dans les contextes agro-pédo-climatiques français. Un tel suivi est requis pour promouvoir, de façon constructive et didactique, le déploiement de stratégies raisonnées et durables de lutte contre les adventices. Il est également destiné à suivre l'efficacité du dispositif et permettre de prendre toute mesure nécessaire en cas de non conformité aux objectifs. Ainsi, cette initiative pilotée par le ministère en charge de l'agriculture permet une implication très novatrice de la profession agricole qui va permettre de capitaliser sur les avancées techniques, au bénéfice des agriculteurs et des consommateurs. Cette initiative doit par ailleurs s'appuyer sur une logique de transparence et de diffusion de l'information notamment quant à l'existence de la caractéristique TH (tolérance aux herbicides) d'une variété pour que les agriculteurs puissent mettre en uvre les mesures appropriées en toute connaissance de cause. Une telle information pourrait être apportée par le Catalogue officiel français via l'évaluation officielle de ce caractère et l'inscription de la variété dès lors qu'elle répond aux normes en vigueur.
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