Question de M. GROSDIDIER François (Moselle - UMP) publiée le 04/07/2013
M. François Grosdidier attire l'attention de M. le Premier ministre sur les effets négatifs qu'entraîne le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives, sur le contrôle juridictionnel des autorisations ministérielles de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.
Ce texte, en abrogeant le 5° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, a retiré au Conseil d'État sa compétence pour connaître, en premier et dernier ressort, des recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étend au-delà d'un seul tribunal administratif et ce même texte a été regardé, de ce fait, par la haute juridiction, comme lui retirant la connaissance directe du contentieux des autorisations de mise sur le marché des pesticides agricoles (CE 05/10/2011, Union nationale de l'apiculture française, req. n° 350725).
Il en résulte, aujourd'hui, une dispersion des dossiers en direction des tribunaux administratifs correspondant aux sièges sociaux des fabricants ainsi qu'un allongement des procédures qui perdent en efficacité, en rapidité et en autorité.
Dans ce domaine, très sensible, de la mise sur le marché des pesticides agricoles, la réponse juridictionnelle doit être uniforme, rapide et éclairée pour garantir efficacement la préservation des impératifs sanitaires et environnementaux sur le territoire national et, dans le même temps, la sécurité juridique de l'industrie.
Il lui demande donc si le Gouvernement pourrait réattribuer au Conseil d'État le contentieux direct des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, eu égard au faible volume de ce contentieux et aux enjeux majeurs qui s'y attachent, comme cela a déjà été fait pour le contentieux des décisions de la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) en matière d'urbanisme commercial, par un décret n° 2011-921 du 1er août 2011 modifiant le code de justice administrative (JO du 3 août, p. 13237), face à un constat du même ordre.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 21/11/2013
Les tribunaux administratifs sont, depuis leur création par le décret du 30 septembre 1953, les « juges de droit commun » du contentieux administratif. Si des dérogations, prévoyant la compétence du Conseil d'État en premier et dernier ressort dans plusieurs matières, ont été aménagées à cette date, il est apparu que le maintien de certaines d'entre elles ne se justifiait plus. Le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 a ainsi notamment eu pour objet de redistribuer les compétences de premier ressort entre tribunaux administratifs et Conseil d'État. À cet égard, la compétence du Conseil d'État pour examiner les recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étendait au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif apparaissait essentiellement comme une réponse à une difficulté d'ordre technique, liée à l'identification du juge compétent au sein de la juridiction administrative, plus que juridique. En supprimant dans cette hypothèse la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d'État, le décret du 22 février 2010 a permis aux tribunaux administratifs de retrouver leur compétence « naturelle » sur le contentieux des autorisations ministérielles de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. En vertu des dispositions de l'article R. 312-10 du code de justice administrative, le tribunal administratif compétent pour connaître de ces décisions est celui dans le ressort duquel la société qui a déposé la demande d'autorisation de mise sur le marché a son siège. Le décret du 22 février 2010 a ainsi posé une règle simple d'identification du tribunal compétent, tout en permettant au Conseil d'État de se recentrer, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, sur ses missions de juge de cassation, ainsi que sur les matières dont la nature justifie qu'il statue directement en premier et dernier ressort. L'existence d'un double degré de juridiction, s'il conduit à allonger la chaîne contentieuse, constitue une garantie pour les différentes parties intéressées. Quant aux risques de divergence des jugements rendus, ils apparaissent d'autant plus limités que le volume du contentieux concerné est faible. En tout état de cause, le Conseil d'État est garant de l'unité de la jurisprudence administrative. L'article L. 113-1 du code de justice administrative permet à ce titre aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d'appel, dans certaines hypothèses, de transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'État afin qu'il émette un avis dans un délai de trois mois sur la question soulevée. Dans ces conditions, la réattribution au Conseil d'État du contentieux des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques n'apparaît pas nécessaire.
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