Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UDI-UC) publiée le 11/07/2013
M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la mise en place de la réforme des rythmes scolaires.
Si le principe de cette réforme n'est pas remis en cause sur le fond car elle peut permettre une meilleure adaptation du temps scolaire au temps de l'enfant, sa mise en place pose de graves problèmes : absence de concertation, précipitation, manque de moyens et absence de réalisme.
Manque de concertation, d'abord, puisqu'elle a été décidée de manière unilatérale dans un réflexe jacobin qui conduit l'État, sans aucune concertation préalable avec les acteurs concernés (communes, enseignants, parents d'élèves...), à appliquer le principe qui ne devrait plus avoir cours : « je décide, vous payez ».
Précipitation, car pour la rentrée 2013, les communes devaient s'engager à appliquer la réforme sans avoir aucune précision sur les modalités d'application. Dans ce contexte, il n'est d'ailleurs pas étonnant que seule une vingtaine de communes du département de l'Eure sur 675 se soient engagées dans cette voie. Au niveau national, à peine 20 % des élèves sont concernés à la rentrée 2013 alors que le Gouvernement en espérait plus de 50 %.
Pour autant, la rentrée 2014 ne s'annonce pas plus aisée.
D'un point de vue pratique, le recrutement de personnels compétents pour les activités périscolaires pour seulement trois quarts d'heure par jour risque de poser de grandes difficultés dans les territoires ruraux et de limiter la valeur ajoutée de ce temps périscolaire.
Aux difficultés de recrutement s'ajoutera également celle du financement, car si un fonds en faveur des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à compétence scolaire a été mis en place pour soutenir le développement d'une offre d'activités périscolaires, la plupart des communes ne seront plus éligibles en 2014.
Or le coût annuel de cette réforme a été évalué par l'Association des maires de France à 600 millions d'euros. Les incertitudes pesant sur la capacité du Gouvernement à tenir sa promesse d'un assouplissement des taux d'encadrement devraient augmenter encore le coût de cette réforme pour les communes et leurs groupements dans un contexte budgétaire déjà très tendu.
Face aux difficultés rencontrées par un très grand nombre d'élus, il lui demande si le Gouvernement envisage d'assouplir le dispositif - et de quelle manière - et quels moyens financiers et humains il entend proposer aux communes et aux EPCI pour permettre la mise en place de cette réforme, alors que les aides aux collectivités locales vont diminuer.
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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 20/11/2013
Réponse apportée en séance publique le 19/11/2013
M. Hervé Maurey. Ma question s'adresse effectivement à M. le ministre de l'éducation nationale, que je remercie de sa présence.
Je voudrais revenir sur la réforme des rythmes scolaires, au terme d'une semaine marquée par les grèves et les manifestations contre sa mise en place et alors que plusieurs sondages révèlent que plus de la moitié des Français la rejettent.
Dans le département de l'Eure, nous étions près de 600 élus devant la préfecture pour exprimer nos inquiétudes quant à cette réforme, alors que nous n'avions envoyé qu'un simple mail pour informer les élus de cette initiative. C'est dire à quel point la mobilisation a été forte ! Ce rassemblement faisait écho à la motion adoptée, sur ma proposition, à l'unanimité moins neuf abstentions, par les maires de l'Eure, réunis en assemblée générale le 5 octobre dernier.
Malgré ce rejet des élus, des enseignants et des parents d'élèves, qui porte essentiellement sur les conditions de mise en uvre de cette réforme imposée sans aucune concertation, vous semblez, monsieur le ministre, ne pas vouloir entendre la réalité du terrain. Je vais donc tenter de vous la rappeler à nouveau ce matin.
Dans cette affaire, monsieur le ministre, vous vous êtes comporté en parfait jacobin, puisque, sans aucune concertation préalable avec les acteurs concernés - communes, enseignants, parents d'élèves -, vous avez appliqué un principe bien connu qui ne devrait pourtant plus avoir cours : « je décide, vous payez ».
Ce principe, s'il est ancien, est devenu insupportable dès lors que, dans le même temps, les communes voient, pour la première fois de leur histoire, diminuer leur dotation.
Comment financer, avec des ressources moindres, la mise en place des nouveaux rythmes scolaires, qui coûtera de l'ordre de 200 euros par enfant, ce qui est énorme pour une commune ?
Certes, sous la pression des mécontentements, vous avez accepté de prolonger en 2014 l'aide de 50 euros par enfant prévue pour 2013, alors même que vous aviez refusé cette prolongation lorsque je vous l'avais demandée ici même en juin dernier, lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.
Pour autant, le compte n'y est pas ! Au-delà de la question financière, des questions matérielles se posent pour les communes, notamment pour les plus petites d'entre elles. Comment organiser les activités périscolaires quand on ne dispose que des salles de classe ? Comment recruter des personnels compétents pour animer des activités périscolaires seulement trois quarts d'heure par jour, surtout si l'on veut mettre en place autre chose que de la garderie, pour ne pas dire du gardiennage ? Comment, par ailleurs, ne pas évoquer la problématique des maternelles, alors que les conséquences de cette réforme se font particulièrement sentir chez les tout-petits ? Tout cela montre à quel point cette réforme n'a pas été réfléchie.
Par ailleurs - nous le vivons très clairement dans le département de l'Eure -, les services déconcentrés de votre ministère, sans doute par excès de zèle, font peser sur les communes, en matière de calendrier, une pression d'autant plus intolérable qu'elle est en totale contradiction avec les engagements que vous aviez pris devant la Haute Assemblée, le 3 octobre dernier. Vous aviez alors indiqué avoir « donné instruction aux DASEN de ne pas fixer de délai limite pour les communes qui doivent remettre leurs projets de territoire ».
Au point où nous en sommes, monsieur le ministre, je crois qu'il faut retirer cette réforme. Laissez à votre successeur, puisque vous souhaitez vous retirer au Parlement européen, le soin de remettre à plat ce chantier. Il le fera, je l'espère et j'en suis même certain, en montrant un plus grand souci de la concertation que vous.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, je vous remercie tout d'abord d'avoir rappelé que vous soutenez cette réforme, parce qu'elle est dans l'intérêt des élèves.
Comme tous ceux, je le crois, qui ont participé aux diverses concertations ayant été organisées depuis trois ans, par mon prédécesseur puis par moi, vous avez compris que, pour apprendre aux enfants à lire, à écrire et à compter, il vaut mieux disposer de cinq demi-journées le matin : leur vigilance est alors maximale.
Il faut rompre avec une mauvaise exception française : nous sommes le seul pays avancé au monde qui ne propose que quatre matinées de classe à ses enfants ; cette situation est d'ailleurs assez récente, puisqu'elle date de 2008.
Vous m'adressez un premier reproche, celui d'agir en jacobin. En réalité, les enseignants me font le reproche inverse... En effet, pour la première fois dans l'histoire de notre République, j'ai permis aux élus locaux, au travers des projets éducatifs de territoire, de travailler avec les services de l'éducation nationale pour définir l'organisation des temps scolaires et des temps éducatifs.
Cette décision est intervenue à la suite de plusieurs semaines de discussions avec l'ensemble des organisations représentatives des élus, qui ont précisément demandé que la réforme ne soit pas appliquée uniformément sur tout le territoire, en ce qui concerne l'organisation non pas du temps scolaire, qui relève de l'éducation nationale, mais du temps périscolaire.
C'est la raison pour laquelle on peut choisir, aujourd'hui, d'organiser ce temps périscolaire pendant une pause méridienne plus ou moins longue, pouvant durer trois quarts d'heure, comme vous l'avez dit, ou une heure et demie, comme l'ont décidé beaucoup de communes. Les élus doivent s'associer aux parents et aux conseils d'école pour définir la meilleure organisation du temps périéducatif.
Reprocher une absence de concertation n'est donc pas juste. D'ailleurs, quand les collectivités locales, par la voix de leurs représentants, nous ont demandé d'aller plus loin pour faciliter la mise en uvre du temps périscolaire, qui relève de leur responsabilité, en assouplissant, par exemple, les taux d'encadrement ou en finançant, pour la première fois, des activités périscolaires par un fonds d'État ou par des dotations spécifiques pérennes des caisses d'allocations familiales, nous l'avons fait.
Je conçois, bien entendu, que cette réforme, importante, oblige à changer un certain nombre d'habitudes. Elle donne la priorité à nos enfants. L'organisation du temps scolaire obligatoire, dont la durée n'a pas varié, mais qui est désormais mieux réparti sur cinq matinées, incombe à l'éducation nationale. Concernant le temps périscolaire, cette réforme crée certes une obligation pour les élus, mais celle-ci reste morale : il n'y a pas de contrainte. Pour permettre au plus grand nombre d'enfants de bénéficier de ces activités, nous avons mis en place des moyens matériels, en concertation permanente avec les associations d'élus.
Je souhaite que les esprits s'apaisent et que les réalités du dossier soient connues de tous, afin que nous puissions, ensemble, servir l'intérêt des enfants. Je ne doute pas que la très grande majorité des élus, avec le temps, l'aide de l'État et celle des services de l'éducation nationale, voudront servir cette grande cause, qui est celle de notre jeunesse.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Je souhaite tout d'abord remercier M. le ministre de sa réponse, et surtout d'une courtoisie qui n'est pas toujours de règle de la part des membres du Gouvernement... Je tiens à lui en donner acte.
Vous avez affirmé que je soutenais votre réforme : vous n'avez pas dû bien me comprendre, monsieur le ministre, ou alors je me suis mal exprimé, car telle n'est pas du tout ma position.
Sur le fond, je n'ai pas d'avis sur cette réforme. En effet, je ne m'estime pas compétent pour apprécier si elle est bonne ou non pour les enfants, même si les premiers retours qui me parviennent du terrain ne sont pas forcément positifs.
Ce que je conteste, c'est la méthode employée. À plusieurs reprises, nous avons été un certain nombre à demander que la mise en uvre de cette réforme pendant l'année scolaire 2013-2014 serve d'expérimentation et que l'on en tire toutes les conséquences pour adapter ensuite le dispositif. On pourrait imaginer une mise en place généralisée à la rentrée de 2015, et non pas dès 2014 : nous aurions tous à y gagner. Vous ne voulez pas l'entendre, et je le regrette. Vous refusez d'écouter les élus et les familles. J'ai réuni tous les parents d'élèves de ma commune la semaine dernière : je peux vous assurer qu'ils ne sont pas enthousiasmés par votre réforme !
Je comprends que vous préfériez vous rendre au congrès de l'Association des maires de France jeudi, quand il n'y aura plus grand-monde pour vous houspiller ! Je vous le dis, la colère des élus est grande. En adoptant la politique de l'autruche, en se voilant la face, le Gouvernement va au-devant de nombreux ennuis. Il aurait intérêt à être davantage à l'écoute des élus et des citoyens.
Monsieur le ministre, il y a quelque temps, vous avez déclaré, en substance, que les élus devaient respecter les règles de droit. Vous avez raison mais, de leur côté, les membres du Gouvernement doivent respecter les élus !
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