Question de M. FICHET Jean-Luc (Finistère - SOC) publiée le 04/07/2013

M. Jean-Luc Fichet appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes sur les polémiques suscitées par les implications de la réglementation européenne en matière d'allergies cutanées liées aux produits cosmétiques et aux huiles essentielles.
Adopté en 2006, le programme « Reach » prévoit que chaque substance chimique existante ou nouvelle, produite ou importée doit être enregistrée auprès de l'Agence européenne des produits chimiques et les producteurs ou importateurs de produits chimiques doivent fournir les données toxicologiques relatives à leurs produits. La date limite pour l'enregistrement sous « Reach », pour les producteurs de substances chimiques dont font partie les producteurs d'huiles essentielles qui servent à l'élaboration des parfums, vient de passer au 31 mai 2013 pour les productions au-delà de 100 tonnes par an. La prochaine échéance est fixée au 31 mai 2018 pour les productions à partir d'une tonne par an. Seuls les professionnels qui produisent au-dessus d'une tonne par an sont concernés.
En juin 2012, le professeur Ian White a remis à la direction générale pour la santé et la protection des consommateurs (DG SANCO) de la Commission européenne son rapport sur les fragrances allergènes dans les produits cosmétiques. Il met à jour la liste des allergènes présents dans les produits cosmétiques et invite à l'interdiction de deux constituants présents dans les lichens: le chloroatranol et l'atranol. Il établit, par ailleurs, une liste de douze substances préoccupantes et suggère une limitation des seuils de concentration.
À la suite de ce rapport, la Commission européenne réfléchit, actuellement, au niveau de substances autorisées dans les parfums et les produits cosmétiques. Aussi, l'interroge-t-il sur les démarches entreprises par le ministère pour que cette réglementation protège les consommateurs tout en ne remettant pas en cause les filières des plantes à parfum comme la lavande, source de nombreux emplois et d'un savoir-faire ancestral.

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Réponse du Ministère chargé des affaires européennes publiée le 16/10/2013

Réponse apportée en séance publique le 15/10/2013

M. Jean-Luc Fichet. En guise d'introduction, permettez-moi un aparté sur la situation de l'agro-alimentaire dans mon département, dont les salariés sont encore une fois touchés par un désastre industriel : la fermeture des abattoirs Gad à Lampaul-Guimiliau.

Je sais que le Gouvernement travaille sur un plan agricole et agro-alimentaire breton et que tout sera fait pour que personne ne reste sur le bord de la route. Mais l'avenir de ces emplois se joue aussi au niveau européen. Il est nécessaire de mettre en place, à tout le moins, un salaire minimum européen, dans la mesure où les abattoirs allemands mènent une concurrence inique aux abattoirs français, en proposant à leurs employés des salaires inférieurs à 400 euros.

J'en viens à ma question. Nous avons tout récemment débattu du projet de loi porté par Benoît Hamon sur la consommation, dont j'étais le rapporteur. C'est sur ce sujet que je souhaite vous interroger aujourd'hui.

En juin 2012, le professeur Ian White a remis à la direction générale de la santé et des consommateurs de la Commission européenne son rapport sur les fragrances allergènes dans les produits cosmétiques. Il met à jour la liste des allergènes présents dans les produits cosmétiques et invite à l'interdiction de deux constituants présents dans les lichens, le chloroatranol et l'atranol. Il établit par ailleurs une liste de douze substances préoccupantes et suggère une limitation des seuils de concentration.

À la suite de ce rapport, la Commission européenne réfléchit actuellement au niveau de substances autorisées dans les parfums et les produits cosmétiques.

Les conséquences emportées par modification de la législation risquent d'être lourdes pour la production de plantes françaises. Les transformateurs qui fabriquent les huiles essentielles de plantes s'interrogent aujourd'hui sur l'avenir de leur filière. Ils s'inquiètent de ce projet de réglementation européenne qui intègre leur production dans le programme REACH, pour Registration, Evaluation and Autorisation of Chemicals, c'est-à-dire « enregistrement, évaluation et autorisation de produits chimiques ».

Ce programme, adopté en 2006 par la Commission européenne, prévoit que chaque substance chimique existante ou nouvelle produite ou importée doit être enregistrée auprès de l'Agence européenne des produits chimiques et que les producteurs ou importateurs de produits chimiques fournissent les données toxicologiques relatives à leurs produits. Après débat, il a été décidé que seuls les professionnels produisant plus d'une tonne par an seraient concernés par le programme.

La date limite pour l'enregistrement des producteurs de substances chimiques, dont font partie les producteurs d'huiles essentielles servant à l'élaboration des parfums, est passée au 31 mai 2013 pour les productions supérieures à cent tonnes par an. La prochaine échéance est fixée au 31 mai 2018 pour les productions à partir d'une tonne par an.

Par ailleurs, plutôt qu'une réduction de la concentration des douze substances chimiques, préconisée par Ian White en 2012, il semble que la Commission européenne s'achemine vers un renforcement de l'étiquetage, afin de mieux protéger le consommateur.

Cependant, monsieur le ministre, il convient d'envoyer des signaux clairs à ce secteur économique et agricole, qui représente l'avenir de notre production nationale, à l'heure où l'on parle beaucoup d'acheter français.

Où mettre le curseur entre l'information et la protection nécessaires des consommateurs et le respect du produit ? La limite est parfois ténue, d'autant plus lorsque l'on parle de produits naturels utilisés par les hommes depuis des siècles.

Pour les fabricants de parfums, et plus largement de produits cosmétiques, les inquiétudes se sont cristallisées autour de la question des allergènes potentiellement présents dans leurs recettes. Comment l'Union européenne gère-t-elle le risque d'allergie par contact cutané ? Quels sont les substances autorisées, les substances interdites et les seuils de concentration admis ?

Monsieur le ministre, j'aimerais connaître le sentiment de la France sur cette future législation européenne, afin de m'assurer qu'elle protège effectivement les consommateurs, sans remettre en cause les filières des plantes à parfum, source de nombreux emplois et d'un savoir-faire ancestral.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Fichet, je veux vous assurer que le Gouvernement suit avec attention la réflexion de la Commission européenne sur le niveau de substances autorisées dans les produits cosmétiques et les parfums.

Pour mémoire, le règlement sur les produits cosmétiques, adopté, est le principal cadre réglementaire qui régit, sans autorisation préalable, la commercialisation des produits cosmétiques sur le marché communautaire.

Cependant, l'innocuité du produit cosmétique placé sur le marché européen doit être garantie par le fabricant ou l'importateur - c'est la moindre des choses -, par égard aux utilisateurs. Par ailleurs, ce règlement comprend déjà des listes de substances prohibées ou soumises à d'autres restrictions, telles que des seuils de concentration.

La mobilisation du Gouvernement s'est d'ores et déjà traduite par la participation active de représentants français aux réunions organisées à Bruxelles sur ce sujet dans les enceintes compétentes, tout particulièrement au sein du comité permanent pour les produits cosmétiques.

Par ailleurs, la réflexion est en cours en vue de définir de manière exhaustive la position française sur ce sujet d'importance. Elle implique différents ministères, dont les ministères de l'agriculture et de l'écologie, qui ont d'ores et déjà engagé une concertation étroite, fondée sur des analyses précises, ainsi que le ministère chargé de la santé ; compte tenu de mes fonctions, il m'appartient de faire la synthèse des différentes approches dans les négociations européennes. Nous suivons cette question avec beaucoup d'attention.

En tout état de cause, la réflexion engagée à l'échelle de l'Union européenne doit nécessairement tenir compte de l'enjeu majeur qu'est la protection des consommateurs ; c'est une question de santé publique. Bien entendu, il faut évidemment prendre en compte la dimension économique. C'est dans cet esprit que la réflexion menée par le Gouvernement se poursuit.

Monsieur le sénateur, je ne manquerai pas de vous transmettre par écrit les conclusions du Gouvernement sur le sujet. Certains de vos collègues m'ont d'ailleurs déjà interrogé ; je pense par exemple au sénateur Claude Haut, qui est issu d'un département producteur, notamment, de lavande.

Je voudrais revenir également sur votre propos liminaire. Nous partageons votre inquiétude quant au devenir de certaines filières agro-alimentaires, en particulier dans votre département. Je ferai part de votre interpellation à mes collègues Guillaume Garot et Stéphane Le Foll.

Le Gouvernement porte depuis plusieurs mois sur la scène européenne un certain nombre d'avancées que nous souhaitons faire partager aux vingt-huit pays de l'Union européenne sur deux sujets, avancées qui, si nous parvenons à un accord, nous fourniront des armes pour mieux lutter contre le dumping social et la mise en place du travail low cost.

D'abord, la directive sur le détachement des travailleurs fait l'objet d'une réunion aujourd'hui même en conseil « Emploi, politique sociale, santé et consommateurs », ou EPSCO. Nous espérons déboucher sur un accord avant la fin de la législature européenne actuelle, au mois de mai 2014, afin de permettre un meilleur contrôle des conditions dans lesquelles les travailleurs détachés opèrent sur le sol national et de faire en sorte que la sous-traitance ne donne pas lieu à des distorsions de concurrence.

Ensuite, dans un papier signé par François Hollande et Angela Merkel, daté du 30 mai dernier, nous avons soumis à la discussion des vingt-huit pays l'obligation à terme de mettre en place un salaire minimum dans tous les pays de l'Union européenne. En effet, au-delà de la directive relative au détachement des travailleurs, cette proposition du salaire minimum, si elle trouvait une concrétisation, nous procurerait une arme utile pour lutter contre les distorsions de concurrence. Votre département en fait aujourd'hui les frais, d'une part, parce que nous ne parvenons pas à mettre les contrôles en place et, d'autre part, parce qu'il n'existe pas de salaire minimum dans certains pays.

Je partage donc, comme le Gouvernement tout entier, votre volonté d'aboutir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir bien cerné la question des huiles essentielles.

J'ai le souci de préserver le consommateur - une législation en la matière est évidemment nécessaire - mais également celui de rassurer l'ensemble des producteurs, souvent jeunes, qui prennent des initiatives dans leurs installations agricoles et s'orientent vers la production de plantes et la création d'huiles essentielles. Ils se trouvent aujourd'hui dans l'expectative et se demandent s'ils ont raison de poursuivre. Je ne manquerai pas de leur transmettre votre réponse.

Je vous remercie également de vos propos sur le grave problème de l'entreprise Gad ; les 950 salariés au chômage sont victimes du dumping social. Ils ne comprennent pas que l'on ne parvienne pas à instaurer un salaire minimum pour tout le monde et à faire en sorte que cette concurrence absolument déloyale soit enrayée. Il s'agit bien là d'une question européenne.

Je sais que Stéphane Le Foll et Guillaume Garot se sont saisis de cette question. Je vous remercie de vous en préoccuper également et de nous soutenir. Nous espérons aboutir très vite à des dispositions permettant à l'agro-alimentaire breton, et français en général, de ne plus subir cette concurrence déloyale et catastrophique.

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