Question de M. LABBÉ Joël (Morbihan - ECOLO) publiée le 27/06/2013

M. Joël Labbé attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les effets négatifs qu'entraîne le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 sur le contrôle juridictionnel des autorisations ministérielles de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.
Ce décret a retiré au Conseil d'État sa compétence pour connaître en premier et dernier ressort des recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étend au-delà d'un seul tribunal administratif. Par conséquent, ce texte a retiré au Conseil d'État la compétence directe de juger du contentieux des autorisations de mise sur le marché des pesticides chimiques (CE 05/10/2011, Union Nationale de l'Apiculture Française, req. n° 350725).
Il en résulte aujourd'hui une dispersion des dossiers en direction des tribunaux administratifs correspondant aux sièges sociaux des fabricants ainsi qu'un allongement des procédures qui perdent en efficacité. Dans ce domaine très sensible de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, la réponse juridictionnelle doit être uniforme, rapide et éclairée pour garantir efficacement à la fois la préservation des impératifs sanitaires et environnementaux sur le territoire national et la sécurité juridique de l'industrie.
Eu égard au faible volume de ces contentieux et aux enjeux majeurs qui s'y attachent, il lui demande donc de réattribuer au Conseil d'État le contentieux direct des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 21/11/2013

Les tribunaux administratifs sont, depuis leur création par le décret du 30 septembre 1953, les « juges de droit commun » du contentieux administratif. Si des dérogations, prévoyant la compétence du Conseil d'État en premier et dernier ressort dans plusieurs matières, ont été aménagées à cette date, il est apparu que le maintien de certaines d'entre elles ne se justifiait plus. Le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 a ainsi notamment eu pour objet de redistribuer les compétences de premier ressort entre tribunaux administratifs et Conseil d'État. À cet égard, la compétence du Conseil d'État pour examiner les recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étendait au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif apparaissait essentiellement comme une réponse à une difficulté d'ordre technique, liée à l'identification du juge compétent au sein de la juridiction administrative, plus que juridique. En supprimant dans cette hypothèse la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d'État, le décret du 22 février 2010 a permis aux tribunaux administratifs de retrouver leur compétence « naturelle » sur le contentieux des autorisations ministérielles de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. En vertu des dispositions de l'article R. 312-10 du code de justice administrative, le tribunal administratif compétent pour connaître de ces décisions est celui dans le ressort duquel la société qui a déposé la demande d'autorisation de mise sur le marché a son siège. Le décret du 22 février 2010 a ainsi posé une règle simple d'identification du tribunal compétent, tout en permettant au Conseil d'État de se recentrer, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, sur ses missions de juge de cassation, ainsi que sur les matières dont la nature justifie qu'il statue directement en premier et dernier ressort. L'existence d'un double degré de juridiction, s'il conduit à allonger la chaîne contentieuse, constitue une garantie pour les différentes parties intéressées. Quant aux risques de divergence des jugements rendus, ils apparaissent d'autant plus limités que le volume du contentieux concerné est faible. En tout état de cause, le Conseil d'État est garant de l'unité de la jurisprudence administrative. L'article L. 113-1 du code de justice administrative permet à ce titre aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d'appel, dans certaines hypothèses, de transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'État afin qu'il émette un avis dans un délai de trois mois sur la question soulevée. Dans ces conditions, la réattribution au Conseil d'État du contentieux des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques n'apparaît pas nécessaire.

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