Question de M. DEMERLIAT Jean-Pierre (Haute-Vienne - SOC) publiée le 20/06/2013

M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement sur l'attribution des recettes générées par le système de ventes aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre aux entreprises.

L'application de la directive 2003/87/CE relative au système européen d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre mentionne qu'un pourcentage minimal de 50 % des recettes générées par le système de vente doit être utilisé pour faire face aux changements climatiques.

La filière forêt bois séquestre 80 millions de tonnes de CO2 et représente 50 % des énergies renouvelables de notre pays. Elle constitue aujourd'hui pratiquement le seul « puits » de carbone dont dispose la France et est, à ce titre, l'un des principaux moteurs de la transition écologique. C'est la raison pour laquelle le président de la République a annoncé une série de mesures pour dynamiser la gestion forestière et développer l'utilisation du matériau bois. En janvier 2013, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a acté le principe selon lequel l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) dispose de la gestion d'une partie des recettes issues des quotas carbone.

L'action sociale et l'action environnementale peuvent et doivent être complémentaires. À ce jour, aucun dispositif n'établit clairement que ces fonds bénéficieront effectivement à la lutte contre le changement climatique grâce à l'utilisation des produits du bois. Il est donc primordial qu'une partie d'entre eux soit clairement fléchée et réinvestie dans la forêt et l'utilisation de ces produits, pour que le rôle environnemental et économique éminent de la filière forêt bois soit enfin reconnu et encouragé.

Il souhaiterait donc savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour garantir la traçabilité des « fonds carbone » gérés par l'ANAH et la réaffectation d'une partie d'entre eux à la filière bois.

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Réponse du Ministère de l'égalité des territoires et du logement publiée le 21/11/2013

La directive n° 2003/87/CE du 13 octobre 2003 établit un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la communauté européenne. L'article 10.3 dispose qu'un pourcentage minimal de 50 % des recettes induites par le système de vente aux enchères des quotas, ou l'équivalent en valeur financière, doit être utilisé, dans l'Union européenne et dans les pays tiers, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et plus largement pour faire face aux conséquences du changement climatique. La directive prévoit également que les États membres informent la Commission européenne et le public de l'utilisation dans ce sens de ces recettes tirées des enchères. La loi de finances pour 2013 n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 stipule dans son article 43 que « le produit de la vente d'actifs carbone tels que définis par le protocole de Kyoto » et « le produit de la mise aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre telle que prévue [... par] la directive 2003/87/CE du Parlement européen » sont affectés à l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Cette affectation est limitée, selon le même article, à 590 millions d'euros par an. Si l'Agence a vocation à lutter contre l'habitat indigne dans le parc privé du logement, à traiter les copropriétés dégradées et à adapter les logements à la perte d'autonomie et au handicap, elle a également pour mission d'intervenir fortement dans la lutte contre la précarité énergétique. La transition écologique passera nécessairement par une mutation de l'habitat, le secteur du bâtiment étant en France le plus énergivore avec une consommation de 43 % de l'énergie totale et une émission de 23 % des gaz à effet de serre produits. Tandis que l'on estime à 4 millions le nombre de ménages souffrant de précarité énergétique et que la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement pour l'environnement, dite Grenelle II, a inscrit dans la loi une définition de celle-ci, l'État a initié le programme national « habiter mieux » dans le cadre des investissements d'avenir. Géré par l'Anah, il a vocation à accompagner financièrement 300 000 ménages dans la rénovation thermique de leur logement en ayant pour objectif un gain énergétique de 25 % minimum par logement réhabilité. Aussi, les fonds issus des recettes du système de vente des quotas de gaz à effet de serre qui sont alloués à l'Anah répondent aux exigences de la directive européenne de 2003 en matière de lutte contre le changement climatique. L'article 10.3 de la directive 2003/87/CE évoque à l'alinéa h que pour faire face aux conséquences du changement climatique cette action peut prendre la forme de « mesures destinées à améliorer l'efficacité énergétique et l'isolation », notamment en fournissant « une aide financière ». Le versement des fonds issus des quotas carbone à l'Anah ne représente donc pas une disposition exclusivement sociale, à travers l'accompagnement des ménages, mais aussi une action environnementale qui se place en faveur de la transition écologique par la réduction de la consommation énergétique des logements. Conformément aux dispositions prévues par cette même directive, un compte rendu sera adressé annuellement à la Commission européenne par le biais du ministère de l'égalité des territoires et du logement, sur l'emploi de ces fonds versés à l'Anah. Sachant que sur les quelques 10 millions de m3 de bois utilisés dans la construction, plus de la moitié est utilisée pour la rénovation contre un quart seulement pour les constructions neuves, ce matériau trouve place dans les démarches de réhabilitation thermique portées par l'Anah qui favorisent l'efficacité énergétique des logements privés. La loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement fixait des objectifs de performance énergétique des constructions en introduisant notamment un taux minimum de bois dans les constructions nouvelles. Le décret n° 2010-273 du 15 mars 2010 relatif à l'utilisation du bois dans certaines constructions précisait à l'article 2 l'application de cette disposition en établissant le volume obligatoire de bois par construction neuve, relativement à sa surface hors œuvre nette (SHON). L'article L. 224-1 du code de l'environnement précisait en effet dans le titre II : « air et atmosphère » du livre II que « pour répondre aux objectifs du présent titre, un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles certaines constructions nouvelles doivent comporter une quantité minimale de matériaux en bois ». Cette obligation a été jugée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 24 mai dernier, après que celui-ci a été saisi le 18 mars 2013 par le Conseil d'État (décision n° 361866) d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le syndicat français de l'industrie cimentière et la Fédération de l'industrie du béton. Le ministère de l'égalité des territoires et du logement, malgré ce revers législatif, se mobilise en outre très fortement d'un point de vue opérationnel pour le développement du bois dans la construction. Plus largement, les mesures de valorisation et de déploiement de la filière bois-construction, portées notamment par le ministère de l'égalité des territoires et du logement, sont multiples. Elles sont tout à la fois opérationnelles et règlementaires ou législatives. Dès 2009, il a initié une réflexion sur le développement de l'utilisation du bois dans la construction en mettant notamment en place un groupe de travail interministériel associant les ministère de l'agriculture, de l'industrie, de l'écologie et du logement ainsi que des organisations professionnelles représentantes des secteurs du bois et de la construction, le Comité de développement des industries de l'ameublement et du bois (Codifab) et France bois forêt (FBF). L'enjeu de la création de ce groupe de travail était d'engager une réflexion sur l'aval de la filière pour pouvoir stimuler le développement d'une offre à base de solution bois dans la construction : il fallait d'abord identifier les freins techniques, normatifs et réglementaires à l'utilisation du bois permettant d'envisager ensuite le développement de cette filière. En effet, les scieries peinent à réaliser les investissements nécessaires à leur modernisation et à leur développement, dans un contexte où le marché du bois est largement mondialisé. Aussi, le développement de l'utilisation du bois dans la construction passe notamment par des actions sur l'aval de la filière. Dans cette logique, un programme d'études et d'essais techniques a aussi été lancé en 2009 pour améliorer la caractérisation des performances des produits bois (tenue au feu, réaction sismique des ossatures bois, transferts hygrothermiques dans les parois etc.) afin de lever les obstacles techniques à l'usage du bois. Ce programme a depuis été amendé pour répondre aux évolutions des besoins de la filière et intègre par exemple depuis 2013 à ses études la question du confort thermique d'été. À ce jour, ce programme ambitieux fait l'objet d'un financement de plus de 2,4 millions d'euros qui sont répartis de manière quasiment égale entre la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) et les professionnels du bois. Il doit aboutir à des outils prédictifs qui prendront place dans les différents référentiels normatifs. Il s'agit notamment de réviser les documents techniques unifiés (DTU), de finaliser un catalogue de solutions constructives bois-construction et d'éditer un guide pour la réhabilitation des maisons individuelles. Des actions réglementaires sont également mises en œuvre à l'image de la publication du décret n° 2009-1247 du 16 octobre 2009 relatif à la surface hors œuvre des constructions qui ne soumet plus la mise en œuvre d'un bardage bois au régime du permis de construire mais à celui de la déclaration préalable. Le label « bâtiment bio-sourcé », instauré par le décret n° 2012-518 et par l'arrêté d'application du 19 décembre 2012, valorise le recours au bois dans la construction, portant sur tous les matériaux d'origine végétale et animale (chanvre, paille, laine, plumes...). Le plan d'investissement pour le logement (PIL), lancé par le président de la République en mars 2013, accompagne la professionnalisation de la filière de la rénovation énergétique du bâti qui peut prendre la forme du recours au matériau bois. Les services de la DGALN travaillent également à la mise en place d'un programme-cadre de formation initiale et continue pour le bois de construction. Cette professionnalisation du secteur a pour ambition de structurer une filière économique mais également de donner de la cohérence aux initiatives locales en matière d'utilisation du bois. C'est pourquoi la DGALN mobilise aussi, par le biais d'une circulaire du 31 décembre 2012, les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) afin de territorialiser la démarche « filières vertes », qui consiste à structurer localement la production et l'utilisation des matériaux de construction biosourcés, la filière bois étant porteuse d'une économie locale et créatrice d'emplois. Un appel à projet interne aux DREAL a concrétisé l'enjeu de la déclinaison régionale des actions bois-construction en identifiant des initiatives portées à l'échelle locale. La DREAL centre a répondu à cet appel à projet par une réflexion sur la manière de favoriser l'utilisation du bois par les marchés publics tout en respectant le droit à la concurrence. La DREAL Limousin a exposé l'élaboration d'une plateforme de formation sur le site d'Egletons, en Corrèze (19). La DREAL Aquitaine a enfin présenté le projet BAHOBAB de constructions à ossature bois de grande hauteur. Dans le cadre du Programme d'investissement d'avenir 2 (PIA 2), des appels à projets seront lancés pour financer l'innovation au service de la transition écologique du bâtiment. La filière bois fait partie des filières à haut potentiel. Par ailleurs, depuis mai 2013, le ministère de l'égalité des territoires et du logement s'est associé au ministère du redressement productif et celui de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, pour élaborer un Plan national du bois. Il s'inspire notamment du rapport que le député de l'Yonne Jean-Yves Caullet a rédigé sur ce sujet sur demande du Premier ministre, « Bois et forêts de France : nouveaux défis », et remis le 3 juin 2013. Il s'agit d'un plan d'action qui vise à structurer et à déployer l'ensemble de la filière forêt-bois, de l'amont à l'aval. Il comprend des mesures opérationnelles de financement telles que la création d'un fonds stratégique, annoncé par le président de la République lors de la conférence environnementale 2013, mais aussi de développement de la recherche et de la formation. Le plan vise par ailleurs à structurer la filière professionnelle en valorisant les métiers du bois et en mettant en place un observatoire des emplois et des compétences. De plus, des mesures de communication visent à valoriser les solutions constructives bois et plus largement à soutenir la demande, à travers la création d'un portail bois à destination des consommateurs par exemple. Enfin, le plan dessine une nouvelle gouvernance du secteur par la création d'un Comité stratégique de filière et de plans stratégiques régionaux. Dans le souci d'accompagner les filières professionnelles dans la transition énergétique et écologique et ainsi que cela a été évoqué à la conférence environnementale des 20 et 21 septembre 2013 à la table ronde « emploi, formation et transition écologique », le secteur du bois fera l'objet du suivi du Conseil national de l'industrie (CNI) et de la filière « services de la transition énergétique » de la Commission nationale des services (CNS). Dans ce cadre, le futur contrat de filière bois sera doté d'un volet « emplois et compétences ». Il sera élaboré par un groupe de travail spécifique au sein du Comité stratégique de filière et s'appuiera sur le plan national du bois qui comporte un axe relatif aux enjeux de formation. Enfin, un volet sera spécifiquement dédié à la filière du bois dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt porté par le ministre Stéphane Le Foll.

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