Question de M. RIES Roland (Bas-Rhin - SOC) publiée le 21/06/2013
Question posée en séance publique le 20/06/2013
M. Roland Ries. Madame la ministre de la culture, il y a quelques mois, ma collègue Catherine Tasca vous avait interrogée sur la position du Gouvernement quant à l'exclusion du secteur audiovisuel des domaines de discussion entre la Commission européenne et les États-Unis en vue d'un futur accord de libre-échange transatlantique. Vous lui aviez alors répondu, avec force, que le Gouvernement était déterminé à défendre l'exception culturelle.
Cet engagement n'avait rien d'une posture : parce que la France a su parler d'une seule voix, et d'une voix forte, notre pays a finalement obtenu gain de cause. Nos voisins européens se sont, en effet, progressivement ralliés à notre position visant à exclure l'audiovisuel du champ des négociations et à rappeler ainsi un principe intangible : l'exception culturelle européenne ne se négocie pas ! En effet, la culture ne saurait être une marchandise comme les autres.
Pourtant, l'un des plus hauts responsables européens, le président de la Commission européenne, a contesté ce principe d'exception culturelle. M. Barroso a fait ressurgir la polémique en parlant de « ce programme anti-mondialisation [
] totalement réactionnaire ».
Madame la ministre, ces propos sont inacceptables à un double titre.
Tout d'abord, ce n'est pas seulement la position de la France qui est attaquée, mais également celle des autres États-membres que nous avions convaincus et du Parlement européen lui-même, car les députés de Strasbourg, seuls représentants élus par le peuple européen, ont approuvé le principe de la défense de l'exception culturelle le 23 mai dernier.
Ensuite, M. Barroso outrepasse à l'évidence son mandat. Il faut rappeler que le président de la Commission européenne est censé faire respecter les traités, y compris pour ce qui le concerne lui-même. Manifestement, il ne comprend pas pourquoi nous défendons avec passion l'exception culturelle. Madame le ministre, il faut dès lors le lui rappeler et réaffirmer que la France et l'Europe ne s'opposent pas à ce que les cultures de tous les pays et, en premier lieu, la culture américaine, puissent souffler librement. Nous nous inquiétons simplement d'une tendance à la marchandisation généralisée, comme si toutes les productions, y compris celles de l'esprit, devaient se soumettre aux lois du marché.
On sait par exemple que, dans le domaine du cinéma, la Commission souhaite réviser les règles de la territorialisation des dépenses, notamment celles qui sont relatives à l'origine des biens et des services. Cette réforme remettrait complètement en cause les politiques publiques d'aide aux secteurs cinématographique et audiovisuel.
En conclusion, madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que le mandat de négociation sera bien respecté par la Commission européenne ? Quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour s'en assurer ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 21/06/2013
Réponse apportée en séance publique le 20/06/2013
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur Roland Ries, vous l'avez dit, la France a obtenu une grande victoire : un mandat très clair a été confié la semaine dernière à la Commission européenne pour exclure de l'accord de libre-échange avec les États-Unis les produits culturels et audiovisuels.
Ce mandat, quoi qu'en disent certains - fût-ce le président de la Commission européenne lui-même ! -, est définitif et la Commission ne pourra pas le remettre en cause. Évidemment, elle peut demander de nouvelles directives aux États-membres, mais ceux-ci devront alors se prononcer de nouveau à l'unanimité et la France, comme elle l'a fait par la voix de Nicole Bricq vendredi dernier, s'opposera à toute remise en cause de l'exception culturelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
C'est une victoire, non seulement pour la France, mais aussi pour la diversité culturelle en Europe ! Comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, nous n'étions pas seuls : le vote du Parlement européen en faveur de l'exception culturelle, à une écrasante majorité, a été déterminant, de même que la position du Parlement français. En effet, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, la semaine dernière, une résolution relative au respect de l'exception culturelle.
Nous bénéficions aussi du soutien de nombreux artistes, de cinéastes, de professionnels de la musique et des ministres de la culture d'une quinzaine de pays européens. Nous avons donc remporté une belle victoire en faveur de la diversité culturelle.
Nous continuerons ce combat contre la volonté de la Commission européenne de « détricoter » ce qui fonctionne. Le secteur de la communication et du cinéma offre l'exemple d'une évolution qui nous inquiète : aujourd'hui, les États, comme les régions, doivent pouvoir continuer à investir dans le cinéma. Pour cela, nous devons conserver des règles de territorialisation des aides, évidemment compatibles avec le marché intérieur, mais ne remettant pas en cause la possibilité, pour les États ou les collectivités locales, d'investir dans le cinéma.
Il s'agit d'un enjeu majeur. C'est pourquoi, avec l'Allemagne, la Belgique et l'Autriche, la France a demandé à la Commission européenne de revenir sur la date butoir du 28 juin pour rendre son texte sur la communication et le cinéma. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC.)
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