Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Oise - SOC) publiée le 07/06/2013
Question posée en séance publique le 06/06/2013
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le Premier ministre, hier soir, Clément Méric, un jeune Brestois, étudiant à l'Institut d'études politiques de Paris, a été battu à mort par un groupe de skinheads. Ce matin, une famille, des parents, des amis le pleurent. Nous partageons leur émotion et leur tristesse.
M. Rémy Pointereau. Larmes de crocodile ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. C'est scandaleux ! C'est indigne !
Mme Laurence Rossignol. Mes chers collègues, il est des moments où le silence exprime le respect ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Ce matin, ce sont la République et sa jeunesse qui sont meurtries.
Depuis quelque temps, des individus, solitaires ou en meute, paradent, observant les mêmes codes vestimentaires et physiques, ceux des groupuscules d'extrême droite, néo-nazis, identitaires. Ils affichent leurs idées, les diffusent. La banalisation de leur discours, de leurs idées, de leur présence conduit à des passages à l'acte.
Il y a peu de temps, le président du groupe Front national au conseil régional de Rhône-Alpes nous accusait, après des agressions commises à Lyon, de jouer à nous faire peur. Le dramatique événement qui s'est produit hier soir en témoigne : ce n'est pas un jeu, et nous avions de bonnes raisons d'avoir peur.
Ces individus sont particulièrement actifs sur les réseaux sociaux, où ils dévoilent avec arrogance leurs idées antirépublicaines, antisémites, racistes, homophobes et misogynes. Protégés par la « toile », ils pensent pouvoir s'exprimer en toute impunité.
Monsieur le Premier ministre, avez-vous déjà des éléments d'enquête à nous communiquer ? Quels moyens entendez-vous mettre en œuvre pour repérer en amont ces individus sur internet ? Dans quelles conditions ces groupes pourraient-ils être dissous et mis hors la loi ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 07/06/2013
Réponse apportée en séance publique le 06/06/2013
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président du Sénat, tout à l'heure, vous avez trouvé les mots justes pour rendre hommage à Clément Méric et dénoncer solennellement l'agression dont ce jeune homme a été victime.
Dans de tels moments, ainsi que l'ont souligné Mmes Rossignol et Cukierman, il est important que la représentation nationale s'exprime avec force et se rassemble pour défendre sans faiblesse, sans hésitation, sans aucun doute, les valeurs républicaines.
L'agression, le crime odieux qui a été commis hier soir et dont nous avons eu tardivement connaissance a profondément troublé, indigné les Français. Je ne parle pas seulement des membres de la représentation nationale ou du Gouvernement, mais de l'ensemble de nos compatriotes, qui, dans leur immense majorité, ne se reconnaissent pas dans la haine et la violence, les rejettent et entendent que nous les combattions avec la plus grande fermeté.
Je tiens à le dire devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, l'engagement du Gouvernement est total. Nous serons sans faiblesse.
Le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, m'a informé, juste avant le début de cette séance de questions d'actualité, que les auteurs présumés de ce crime ont été arrêtés. Je fais toute confiance à la direction régionale de la police judiciaire pour mener l'enquête jusqu'à son terme, sous l'autorité du procureur de la République. Je ne doute pas que la justice fera preuve de la plus grande sévérité, en application des lois de la République.
En cet instant, je veux exprimer à mon tour ma solidarité et ma profonde affection aux parents de Clément Méric, qui ont déjà connu d'autres drames familiaux.
Je veux dire aussi notre soutien à tous les jeunes qui défendent leurs idées avec des mots, avec la vigueur qui convient, mais en refusant la violence et la haine.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Aujourd'hui, nous avons la responsabilité non seulement de veiller à ce que les idées qui ont inspiré ce crime ne prospèrent pas et ne trouvent pas leur place dans notre société, mais également de trouver les réponses juridiques et politiques adéquates pour combattre ces mouvements défendant des thèses racistes, antisémites, xénophobes ou homophobes contraires à toutes les valeurs de la République.
J'ai demandé au ministre de l'intérieur et à la garde des sceaux d'étudier tous les moyens pouvant permettre de tailler en pièces, de façon démocratique et sur la base du droit, ces mouvements d'inspiration fasciste et néonazie qui portent atteinte à la République et à la France. Certes, ces mouvements sont ultra-minoritaires, mais ils veulent parfois tenir le haut du pavé, notamment en recourant à la violence. C'est d'abord la haine qui les anime, nourrie par des idéologies qui ont fait tant de mal à la France et à l'Europe. Nous le savons, elles n'ont pas complètement disparu.
M. Roland Courteau. La preuve !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous devons les combattre sans relâche. C'est ce que fera le Gouvernement, et je ne doute pas que le Parlement sera à ses côtés. (Applaudissements.)
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