Question de M. GATTOLIN André (Hauts-de-Seine - ECOLO) publiée le 31/05/2013
Question posée en séance publique le 30/05/2013
Concerne le thème : Le budget européen
M. André Gattolin. Monsieur le ministre, depuis 2008, le budget annuel de l'Union européenne et, surtout, les cadres financiers pluriannuels dont il découle relèvent du domaine de la codécision entre le Parlement européen et le Conseil. C'est l'une des grandes avancées du traité de Lisbonne.
Le problème tient au fait que nous nous retrouvons face à une anomalie démocratique : les cadres financiers pluriannuels sont toujours déterminés pour une période de sept ans, distincte de la durée des mandats au Parlement, soit cinq ans.
Ainsi, le cadre financier pluriannuel, dont les institutions européennes devraient accoucher, avec les difficultés que l'on connaît, dans les semaines qui viennent, fixera un cap extrêmement contraignant à l'assemblée européenne qui sera renouvelée, elle, en mai 2014.
À cette aberration de nature politique s'en ajoute une autre, de nature économique. En effet, on peut se demander s'il n'est pas absurde, vu l'évolution très rapide de nos sociétés et de nos économies, de prétendre bâtir une planification à horizon aussi lointain.
Je souhaite soulever un autre problème, celui de la fongibilité qui semble s'être établie au sein des grands chapitres du budget européen. Je pense notamment à la politique agricole commune, où on envisage la fongibilité des crédits entre la partie consacrée aux subventions agricoles, qui sont récurrentes et versées automatiquement, chaque année, et la partie budgétaire, dédiée au développement rural et au verdissement de la PAC. Il est évident que la seconde partie mettra beaucoup de temps à produire des effets. Compte tenu de l'étroitesse du budget voté, il y a donc de fortes chances que les subventions agricoles prennent le dessus, et que l'on ne soit pas en mesure de financer les changements structurels que la politique agricole commune mériterait.
Ainsi, monsieur le ministre, ma question est double. Premièrement, ne pensez-vous pas qu'il serait temps de faire passer la durée du programme pluriannuel de sept à cinq ans, et de faire élaborer ce dernier au cours des deux premières années d'une nouvelle mandature du Parlement européen ?
Deuxièmement, n'est-il pas urgent de se doter de garde-fous au sein des grands chapitres budgétaires de l'Union, entre les dépenses récurrentes, prévisibles et constantes tout au long du programme, et les politiques de transformation du modèle économique et social européen, qui renvoient à une montée en charge plus progressive ?
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Réponse du Ministère chargé des affaires européennes publiée le 31/05/2013
Réponse apportée en séance publique le 30/05/2013
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, Simon Sutour a rappelé tout à l'heure avec insistance que le traité de Lisbonne accordait, ce dont nous nous réjouissons, des pouvoirs plus importants au Parlement européen, notamment pour l'approbation du cadre financier pluriannuel. Il nous revient, bien évidemment, de garantir la légitimité démocratique des grands choix budgétaires de l'Union, et je me réjouis donc que ce traité ait conforté la place du Parlement européen dans le cadre institutionnel européen.
Nous devons néanmoins conjuguer ces garanties démocratiques avec la nécessité d'une programmation pluriannuelle de l'Union européenne dans la durée, afin de définir le sens de ses grandes actions. Ce cadre financier fixe de grandes orientations pour sept ans, vous l'avez rappelé. Cette durée, longue, est aussi la condition d'une prévisibilité optimale des engagements, donc d'investissements cohérents à moyen et à long terme.
Ce cadre est l'un des facteurs qui expliquent le succès des grandes politiques européennes telles que la politique de cohésion, la PAC, que vous avez citée, ou encore la politique de la recherche.
Le nouveau Parlement européen aura toutefois son mot à dire sur les orientations de la politique budgétaire de l'Union européenne : d'une part, les budgets annuels doivent être approuvés en codécision chaque automne et, d'autre part, selon les dispositions de la clause de révision à mi-parcours de 2007, que la France accepte, le Parlement européen aura la possibilité, s'il le désire, de revoir le contenu du budget, en lien avec le Conseil et la Commission.
Concernant la fongibilité, vous savez que la possibilité de réaffecter des sommes programmées dans une rubrique vers une autre existe, mais encadrée et limitée par les plafonds du cadre financier. L'un des principaux atouts de cette règle est qu'il garantit le respect, sur une période longue, des grandes orientations politiques que fixe le cadre. Cela n'est en rien contradictoire avec une bonne utilisation de l'argent disponible, grâce à la flexibilité applicable aux marges sous plafond entre années et entre rubriques. La France accepte cela, ce n'est pas le cas de tous les pays. En outre, permettez-moi de rappeler que la mise en uvre de cette flexibilité dans le cadre du budget annuel se fera avec l'accord du Parlement européen, qui sera codécideur.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour la réplique.
M. André Gattolin. Merci, monsieur le ministre, pour toutes ces précisions. Je me permets tout de même d'insister : à mon sens, il serait plus conséquent de définir une programmation à cinq ans, qui serait ainsi en cohérence avec les mandats politiques. Les pays de l'Union européenne ont tous aujourd'hui abandonné la planification, pour certains il y a quelques années, pour d'autres dès les années quatre-vingt, précisément en raison de la difficulté de bâtir des plans quinquennaux ! Établir des plans septennaux apparaît donc particulièrement compliqué.
Enfin, concernant la question de la fongibilité, je vous remercie de votre vigilance. Travaillant actuellement sur le dossier du programme de soutien à la surveillance de l'espace, je sais que la Commission européenne suggère déjà de retirer 45 millions d'euros au programme Galileo, pourtant éminemment stratégique, afin d'essayer de financer l'ensemble de la politique de soutien à la surveillance de l'espace. La volonté de la Commission de mettre en uvre la fongibilité, souvent à l'encontre de la volonté des États et des politiques, est inquiétante et présente des risques. Nous devons effectivement être très vigilants.
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