Question de M. LE SCOUARNEC Michel (Morbihan - CRC) publiée le 25/04/2013
M. Michel Le Scouarnec attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les aires d'accueil pour les gens du voyage et la scolarisation des enfants. Tous les enfants de la République, qu'ils soient sédentaires ou nomades, doivent avoir accès à l'éducation. Depuis la loi n° 98-1165 du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire, la scolarisation - désormais une priorité pour les familles - a fortement augmenté. Celles-ci ont conscience de limportance de la scolarisation, surtout au plus jeune âge. Néanmoins, les familles itinérantes n'ont pas été touchées par ce regain d'éducation. Parallèlement, la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage dite loi « Besson » a obligé les communes de plus de 5 000 habitants à prévoir une aire d'accueil de ces familles. Cette loi, qui aurait dû permettre une plus grande facilité de l'habitat des gens du voyage, n'a été que partiellement respectée au sein des communes. En effet, en 2010, seulement 52 % des aires d'accueil et 29,4 % des aires de grand passage ont été réalisées, selon un rapport de la Cour des comptes. Dans ce cadre, l'accès à l'éducation est réduit pour les enfants non sédentaires, d'autant plus que les aires d'accueil sont quelquefois éloignées des écoles. Les communes poussent, alors, les gens du voyage à s'adresser aux communes voisines. Un cercle vicieux se met en place, le droit au logement intrinsèquement lié au droit à l'éducation est difficilement accessible. C'est pourquoi, il lui demande quelles sont les mesures envisagées pour permettre aux familles non sédentaires d'avoir la possibilité de stationner, afin de scolariser leurs enfants et favoriser, ainsi, leur accès à l'éducation.
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Réponse du Ministère chargé de l'agroalimentaire publiée le 19/06/2013
Réponse apportée en séance publique le 18/06/2013
M. Michel Le Scouarnec. La refondation de l'école a été au cur de nos récents débats. Depuis la loi de 1998 instaurant un contrôle renforcé du respect de l'obligation scolaire, nos enfants ont les moyens de s'instruire, d'apprendre, de se former et de réussir.
Néanmoins, tous les enfants ne sont pas touchés au même degré par cette avancée sociale qu'est la démocratisation de l'accès aux connaissances. Ainsi, le taux de réussite scolaire des enfants des gens du voyage est encore bien trop faible.
Si la seconde loi Besson a fait bouger les choses depuis 2000, elle n'a malheureusement pas atteint tous ses objectifs. Alors qu'elle aurait dû faciliter l'accès à l'habitat, elle n'a été que partiellement respectée à l'échelon des communes. Trop d'itinérants n'ont ni les moyens ni la possibilité de créer un foyer sain et valorisant pour leurs enfants, dans le respect de leur culture et de leurs traditions. J'en veux pour preuve le bilan établi en 2010 par la Cour des comptes, faisant apparaître que seulement 52 % des aires d'accueil et 29,4 % des aires de grand passage prévues avaient été réalisées.
Du fait de leur vie nomade, les gens du voyage sont souvent renvoyés de commune en commune sans se voir proposer de solution de logement ; leurs conditions de vie sont donc extrêmement précaires. Dans le Morbihan, de surcroît, l'application de la loi littoral, en introduisant la notion de « rupture d'urbanisme », a retardé la création de certaines aires d'accueil. Leur réalisation est subordonnée aux plans locaux d'urbanisme des communes, qui éprouvent d'ores et déjà des difficultés financières et foncières pour répondre à leurs obligations. Ainsi, pour la ville d'Auray, dont j'ai été le maire durant dix-sept ans, cela s'est traduit par quinze ans de démarches et de retards accumulés.
Pouvoir disposer d'un lieu où éduquer ses enfants est un droit primordial. Il faut faire cesser une forme de discrimination à cet égard, en réalisant et en sécurisant les aires d'accueil, afin que les itinérants puissent réellement offrir un avenir meilleur et digne à leurs enfants.
Dans le seul Morbihan, nous accueillons environ 2 500 itinérants, dont 40 % sont des mineurs. Nous devons non pas manifester à leur égard une volonté d'intégration fictive, mais leur donner les moyens de cohabiter en harmonie avec les populations locales.
Cela passe, avant tout, par une facilitation des relations entre la famille et l'école. Vous le savez, monsieur le ministre délégué, les gens du voyage se méfient quelquefois de l'institution scolaire, vue comme un agent intégrateur par une population qui veut sauvegarder son identité propre.
Par ailleurs, que dire de la suppression de postes au sein du Réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, le RASED, dont la spécificité permettait d'offrir à ces enfants davantage de chances de réussite ?
En réalité, la préfecture du Morbihan ne dispose pas de moyens suffisants pour effectuer des recherches approfondies sur les conditions de vie de ces enfants, ni pour établir un état des lieux précis et actualisé de leur scolarisation. Pourtant, le droit à la formation ne peut se concevoir indépendamment du droit à la santé ainsi que de celui à un logement décent.
Dans certains bassins de vie, lorsque les aires d'accueil prévues par la loi existent, des progrès significatifs ont été constatés, surtout en primaire. La scolarisation au collège, en revanche, demeure très problématique. Nombre d'enfants sont ainsi inscrits au CNED, le Centre national d'enseignement à distance, ce qui ne les place pas dans les meilleures conditions pour apprendre.
Eu égard à cette situation délicate et hétérogène, je vous demande, monsieur le ministre délégué, de bien vouloir préciser quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour améliorer la scolarisation de ces jeunes, notamment en termes de poursuite de la création des aires d'accueil des gens du voyage et d'adaptation des règlements départementaux au calendrier scolaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Je vous prie, monsieur le sénateur, de bien vouloir excuser l'absence du ministre de l'intérieur, qui m'a chargé de répondre à votre question, portant sur les aires d'accueil destinées aux gens du voyage et, surtout, sur la scolarisation des enfants.
L'obligation de scolarisation des enfants de familles itinérantes dans l'école de la commune sur le territoire de laquelle ils sont temporairement accueillis est un principe républicain inscrit dans la loi.
Il appartient aux personnes responsables des enfants en âge d'être scolarisés d'effectuer les démarches nécessaires à leur inscription scolaire auprès du maire de la commune sur le territoire de laquelle ils résident. Le critère du lieu de résidence est donc celui qui est habituellement utilisé pour déterminer la compétence du maire en matière d'inscription scolaire, même si ce critère n'est pas applicable stricto sensu dans le cas des enfants de familles itinérantes.
Je tiens à rappeler qu'aucune discrimination ne doit être faite, lors de la procédure d'inscription, à l'égard des enfants de familles non sédentaires. Dans l'hypothèse où un maire refuserait de satisfaire à l'obligation de scolarisation d'un enfant d'une famille itinérante, il appartient au préfet de se substituer à lui pour prononcer l'inscription de l'enfant.
La circulaire du 2 octobre 2012 relative à la scolarisation et à la scolarité des enfants issus des familles itinérantes et des voyageurs apporte de nombreuses précisions sur ce sujet. La circulaire du 3 août 2006 relative à la mise en uvre des prescriptions du schéma départemental d'accueil des gens du voyage prévoit, quant à elle, la possibilité pour une famille de prolonger le séjour sur une aire d'accueil afin d'achever l'année scolaire.
Ces dispositions supposent bien évidemment l'existence d'une aire d'accueil. Or, vous l'avez dit, la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage est demeurée trop souvent inappliquée.
Pour remédier à cette situation, un travail, aujourd'hui largement avancé, est en cours entre les parlementaires, le ministère de l'intérieur, le ministère des affaires sociales et le ministère du logement. Il doit trouver un aboutissement rapide et, nous l'espérons, consensuel.
En conclusion, je tiens à réaffirmer devant vous que l'éducation reste, plus que jamais, une priorité de l'action du Gouvernement. La scolarisation de tous les enfants de la République doit être assurée. À nos yeux, il s'agit là d'un principe non négociable.
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse et de l'intérêt manifesté par le Gouvernement pour ce dossier.
La situation des Roms est des plus préoccupantes. Le Gouvernement pourrait-il présenter un bilan de celle-ci et tracer des perspectives ?
Ceux qui sont accueillis sur des aires d'accueil doivent théoriquement, selon les règlements départementaux, se déplacer tous les quatre mois. Ne serait-il pas nécessaire de faire évoluer ces textes ? Il serait bon de faire un état des lieux en matière de réalisation des aires d'accueil, de conditions de vie et de scolarisation des enfants des gens du voyage.
Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, l'école doit être en mesure d'accueillir tous les enfants de France. L'école pour tous ne sera une réalité que lorsque tous les enfants de la République bénéficieront du même accès au savoir. L'égalité étant indivisible, l'effort de solidarité devra être accentué tant qu'un seul enfant ne bénéficiera pas d'un droit réel, et non pas seulement théorique, à l'instruction.
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