Question de Mme CUKIERMAN Cécile (Loire - CRC) publiée le 11/04/2013
Mme Cécile Cukierman attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la possibilité d'adopter des vœux lors des réunions du conseil d'administration des établissements publics locaux d'enseignement.
L'article R. 421-23 du code de l'éducation prévoit, dans son dernier alinéa, que le conseil d'administration peut adopter tous vœux sur les questions intéressant la vie de l'établissement. Ces vœux ou motions n'ont aucune valeur décisionnelle mais sont le principal moyen d'expression des élus des parents et des personnels, tant par rapport aux problématiques propres de chaque établissement que sur les questions plus générales touchant à l'éducation.
Une jurisprudence de la cour administrative d'appel de Nancy précise d'ailleurs qu'un chef d'établissement ne peut s'opposer au vote d'un vœu en conseil d'administration, dès lors que celui-ci est en rapport avec un point figurant à l'ordre du jour. En 2011, le ministre de l'éducation nationale répondait que « si l'ordre du jour comprenant la motion est adopté en début de séance comme l'exige l'article R. 421-25 du code de l'éducation, la motion doit donner lieu à un débat puis à un vote comme les autres points inscrits à l'ordre du jour » et rappelait que « lorsque le projet de motion n'a pas pour objet de faire délibérer le conseil d'administration sur une question relevant de ses compétences mais qu'il tend simplement à l'adoption d'un vœu, cette motion, dès lors qu'elle concerne la vie de l'établissement, peut être adoptée à l'initiative du conseil d'administration ».
Or, depuis quelques années, un nombre croissant de chefs d'établissement prétend interdire ou conditionner le vote de tels vœux en conseil d'administration. On constate une volonté d'en limiter le nombre et la portée, en interdisant qu'ils soient présentés au nom du conseil d'administration, qu'ils soient intitulés motion, qu'ils portent sur d'autres points que les compétences décisionnelles du conseil d'administration, énumérées par l'article R. 421-20 du même code, qu'ils affirment des positions syndicales ou de fédération de parents en divergence avec le discours officiel. Il s'agit d'interdire l'expression des conseils d'administration en tant que tels, que ce soit sur des questions purement relatives à l'éducation nationale ou sur des questions plus larges comme la politique éducative, le soutien aux élèves menacés d'expulsion, aux collègues précaires.
Il y a là, clairement, une volonté de faire taire les voix critiques des élus en conseil d'administration et de les cantonner au rôle de simple administrateurs, sous la houlette d'un chef d'établissement transformé en chef d'entreprise qui, dans le cadre de son évaluation, tient à afficher qu'il n'y a pas de voix discordantes dans son établissement. Ceci semble la conséquence d'une gestion libérale qui fait des ravages dans la fonction publique et que l'actuel Gouvernement ne semble pas vouloir remettre en cause. De plus en plus de représentants du personnel font remonter ce genre de problème les conduisant à refuser de siéger, dans ces conditions, dans des conseils d'administration où les votes étaient parfaitement libres depuis trente ans. Dès lors qu'un membre présente une motion ou un vœu en lien avec un point figurant à l'ordre du jour, et dans le respect des lois qui encadrent la liberté d'expression, ils demandent s'il existe des dispositions autorisant un chef d'établissement à en refuser la discussion et le vote en raison de son contenu ou de sa formulation, voire de conditionner l'organisation du vote à une modification de son contenu ou de sa formulation et, par voie de conséquence, quelles sont leurs voies de recours dans ces conditions.
C'est pourquoi elle lui demande de préciser les éventuelles restrictions au débat et au vote de vœux lors des conseils d'administration des établissements publics locaux d'enseignement.
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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 24/07/2013
Réponse apportée en séance publique le 23/07/2013
Mme Cécile Cukierman. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la possibilité d'adopter des vux lors des réunions du conseil d'administration des établissements publics locaux d'enseignement.
En effet, l'article R. 421-23 du code de l'éducation prévoit, dans son dernier alinéa, que le conseil d'administration peut adopter tout vu sur les questions ayant trait à la vie de l'établissement.
Ces vux ou motions n'ont aucune valeur décisionnelle mais constituent bien souvent le principal moyen d'expression des élus des parents et des personnels en termes tant de problématiques propres à chaque établissement que de questions plus générales touchant à l'éducation ou aux politiques éducatives.
Une jurisprudence de la cour administrative d'appel de Nancy précise d'ailleurs qu'un chef d'établissement ne peut s'opposer au vote d'un vu en conseil d'administration dès lors que celui-ci est en rapport avec un point figurant à l'ordre du jour.
En 2011, le ministre de l'éducation nationale, votre prédécesseur, monsieur le ministre, répondait que « si l'ordre du jour comprenant la motion est adopté en début de séance, comme l'exige l'article R. 421-25 du code de l'éducation, la motion doit donner lieu à un débat puis à un vote, comme les autres points inscrits à l'ordre du jour ». Puis il rappelait que « lorsque le projet de motion n'a pas pour objet de faire délibérer le conseil d'administration sur une question relevant de ses compétences mais qu'il tend simplement à l'adoption d'un vu, cette motion, dès lors qu'elle concerne la vie de l'établissement, peut être adoptée à l'initiative du conseil d'administration ».
Or, malheureusement, depuis quelques années, un nombre croissant de chefs d'établissement prétend interdire ou conditionner le vote de tels vux en conseil d'administration ; j'en ai été alertée par les organisations syndicales représentatives des enseignants.
On constate une volonté d'en limiter le nombre et la portée en interdisant : qu'ils soient présentés au nom du conseil d'administration ; qu'ils soient intitulés motion ; qu'ils portent sur d'autres points que les compétences décisionnelles du conseil d'administration ; qu'ils affirment des positions syndicales ou de fédérations de parents d'élèves en divergence avec le discours officiel émanant du ministère.
Il s'agit d'interdire l'expression des conseils d'administration en tant que tels, que ce soit sur des questions purement relatives à l'éducation nationale ou sur des questions plus larges comme la politique éducative, le soutien aux élèves menacés d'expulsion ou encore le soutien à des collègues en situation de précarité.
Il y a là une volonté claire de faire taire les voix critiques des élus siégeant en conseil d'administration et de les cantonner au rôle de simples administrateurs, placés sous la houlette d'un chef d'établissement transformé en « chef d'entreprise » qui, dans le cadre de son évaluation, tient à afficher l'absence de voix discordantes au sein de son établissement.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de préciser les éventuelles restrictions au débat et au vote de vux lors des conseils d'administration des établissements publics locaux d'enseignement. Ainsi, les choses seront rétablies et les représentants de parents et d'enseignants pourront assumer leur rôle en accomplissant les tâches pour lesquelles ils ont été élus.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Madame la sénatrice, je veux d'abord réaffirmer très nettement devant vous, s'il pouvait y avoir sur ce point la moindre hésitation ou la moindre confusion, que les chefs d'établissement ne sont pas des chefs d'entreprise. Les établissements publics locaux d'enseignement, instaurés par le décret du 30 août 1985, ont bien une mission spécifique, qui est une vocation, dans le cadre du service public, d'enseignement.
J'en profite tout de même, avant d'entrer dans la question, préoccupante, de la vie démocratique de nos établissements, pour réaffirmer, compte tenu du poids et de l'importance de la mise en uvre de la loi de refondation de l'école de la République, ma confiance envers les chefs d'établissement. J'aurai l'occasion de le faire également, lors de la rentrée scolaire, car les chefs d'établissement sont confrontés à toutes les difficultés - injustices, violences, désorganisations et pressions de la société - sur le terrain. Ils ont besoin de notre soutien et du vôtre.
Le décret de 1985 prévoit qu'il y a un organe exécutif, le chef d'établissement, et un organe délibératif, le conseil d'administration, qui règle, par ses délibérations, les questions relatives à la vie de l'établissement. Comme l'avait rappelé mon prédécesseur, le conseil d'administration est une instance essentielle - nous l'avons d'ailleurs modifiée dans la loi de refondation de l'école de la République ; j'y reviendrai - dont je réaffirme qu'elle est incontournable.
Un chef d'établissement peut-il refuser le débat et le vote d'un vu en raison de son contenu et de sa formulation ? C'est la question que vous posez.
L'article R. 421-23 du code de l'éducation dispose que le conseil d'administration peut, sur son initiative, adopter tout vu sur les questions intéressant la vie de l'établissement.
Il y a eu une décision de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 5 décembre 2002 jugeant qu'il résultait de l'article R. 421-23 du code de l'éducation nationale que si, sous réserve de la possibilité des membres du conseil d'administration d'en provoquer la réunion en séance extraordinaire, l'initiative de convoquer le conseil d'administration appartient au chef d'établissement, le conseil d'administration peut, en revanche, à sa seule initiative, adopter tous les vux sur les questions intéressant la vie de l'établissement dès lors qu'ils se rapportent aux questions inscrites à l'ordre du jour, que celles-ci figurent dans le projet d'ordre du jour rédigé par le chef d'établissement - et c'est là le point important par rapport à votre question - ou y ait été porté en début de séance.
Aussi, je peux vous affirmer que, dès lors que le vu porte sur une question inscrite à l'ordre du jour adopté en début de séance, aucun chef d'établissement ne peut valablement refuser de soumettre le vote de ce vu au conseil d'administration de l'établissement public local d'enseignement.
Au-delà de cette clarification, madame la sénatrice, je voudrais vous apporter un complément d'information : la loi de refondation de l'école de la République, publiée au Journal officiel le 9 juillet dernier, a prévu que les départements et les régions verraient leur représentation passer d'un à deux membres au sein des conseils d'administration des établissements qui leur sont rattachés, afin que ces conseils d'administration soient des lieux incontournables de dialogue et de concertation.
Je peux vous dire que figure parmi mes préoccupations le fait que la vie démocratique ait lieu pleinement au sein des établissements d'éducation nationale, dans le respect, que j'ai réaffirmé, des chefs d'établissement, de leurs missions, de l'importance de leur travail.
Nous travaillerons l'année prochaine avec les lycéens sur la vie lycéenne - elle est tout à fait fondamentale - et à cette occasion je veillerai aussi à améliorer la prise en compte des préoccupations de nos lycéens dans la vie de leurs établissements.
En effet, beaucoup de sujets qui préoccupent les Français - la violence, le harcèlement, l'orientation - trouvent une meilleure réponse lorsque nous donnons la parole à ceux qui en sont privés et qui sont les premiers destinataires de nos missions d'enseignement.
Je réaffirme donc la démocratie, la possibilité, lorsque l'ordre du jour l'a, en début de séance, inscrit, d'émettre tous les vux et de les soumettre au vote. Je réaffirme également ma confiance dans les chefs d'établissement.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Tout d'abord, mes propos ne visaient pas à stigmatiser les chefs d'établissement, lesquels, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, sont souvent confrontés à des problématiques et à des contraintes venant de toutes parts. Je tiens à ce qu'il n'y ait pas de confusion sur ce point.
Je crois simplement que dans le cas de certains chefs d'établissement, peut-être parfois de leur propre initiative, il y a eu volonté délibérée de ne pas donner satisfaction à certaines inscriptions de motion. En ce qui concerne d'autres chefs d'établissement, et cela a été vrai au cours des périodes précédentes, des contraintes et des pressions hiérarchiques ont également pu conduire certains d'entre eux à ne pas permettre l'exercice d'une vie démocratique pleine et entière au sein du conseil d'administration de leur établissement.
En tout cas, je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous nous avez apportées et qui, je le crois, sont de nature à redonner tout leur sens et toute leur responsabilité aux conseils d'administration des établissements publics locaux d'enseignement.
L'interpellation dont j'ai été saisie par les organisations syndicales d'enseignants ne se veut pas polémique. Elle est tout simplement l'occasion de rappeler les droits afin que ces organisations syndicales puissent effectivement participer à ces instances, y faire vivre la démocratie. Le débat, s'il peut parfois être contradictoire avec le principal ou le proviseur, doit en tout cas avoir lieu dans le respect des uns et des autres - c'est l'objectif du plus grand nombre -, de leurs responsabilités. Il doit aussi être mené dans le respect, de la part des uns et des autres, du rôle de chacun, sans polémique quant à l'objectif qui anime, je le crois, chacune des parties prenantes, à savoir accomplir sa mission, celle d'enseignants ou celle de représentants de parents d'élèves, et mettre en uvre la politique éducative menée pour le bien-être des enfants de notre pays - il importe de le rappeler.
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