Question de M. FICHET Jean-Luc (Finistère - SOC) publiée le 04/04/2013

M. Jean-Luc Fichet interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur l'avenir de la filière de matériaux écologiques de ouate de cellulose.
L'innovation est le maître mot de la politique industrielle française : du nouveau modèle français, annoncé par le Premier ministre, aux objectifs de la Banque publique d'investissement.
Or, la réalité de la vie des entreprises montre que, parfois, de nombreuses embûches sont mises sur la route de cette innovation. C'est le cas de la filière de la ouate de cellulose, secteur clé de l'économie verte dans notre pays et capitale pour réussir le plan bâtiment Grenelle et le plan de rénovation énergétique des bâtiments, annoncé le 21 mars 2013 par le président de la République.
En effet, les entreprises de cette filière, majoritairement des petites et moyennes entreprises (PME), subissent des pressions de la part des entreprises concurrentes de l'isolation. Déjà fragilisés par les coûts prohibitifs de certification des produits et par des changements de règles incessants, elles s'inquiètent du communiqué de l'Agence qualité construction (AQC) qui mettrait en cause les qualités de l'isolant qu'est la ouate cellulose, notamment sur la sinistralité incendie, sans concertation avec les représentants de cette filière verte.
Aussi, souhaite-t-il l'interroger sur les actions qui pourraient être engagées par le Gouvernement pour que soit mis en place un système de certification neutre et impartial des matériaux d'isolation. Il lui demande également si, dans le cadre du plan de rénovation énergétique des bâtiments, il est prévu une aide particulière pour le développement, dans notre pays, des entreprises de fabrication d'éco-matériaux.

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Transmise au Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie


Réponse du Ministère chargé du développement publiée le 19/06/2013

Réponse apportée en séance publique le 18/06/2013

M. Jean-Luc Fichet. L'économie française a de nombreux atouts, tenant en grande partie à l'activité des petites et moyennes entreprises qui maillent nos territoires. Ce sont ces entrepreneurs qui créent des emplois et font le dynamisme de notre pays. Quand une entreprise innovante alerte les élus parce qu'elle craint pour sa pérennité, c'est d'abord à la sauvegarde des emplois locaux que ceux-ci pensent.

C'est ainsi que la société Cellaouate, dont le siège est installé à Morlaix, m'a fait part de ses grandes inquiétudes quant à l'avenir de la filière de matériaux écologiques à base de ouate de cellulose. Elle est l'une des huit usines françaises qui fabriquent ce produit.

L'innovation est le maître mot de la politique industrielle française, depuis le « nouveau modèle français » annoncé par le Premier ministre jusqu'aux objectifs fixés à la Banque publique d'investissement. Or la réalité de la vie des entreprises montre que la route de l'innovation est parfois semée de nombreuses embûches. C'est le cas pour la filière de la ouate de cellulose, secteur clef de l'économie verte dans notre pays et facteur capital de la réussite du plan bâtiment Grenelle et du plan de rénovation énergétique des bâtiments annoncé le 21 mars dernier par le Président de la République. Le marché français de la ouate de cellulose représente un volume annuel de 45 000 tonnes, dont 15 000 tonnes importées. Il faut savoir que si cet isolant est nouveau en France, il est utilisé depuis soixante-dix ans aux États-Unis et quarante ans en Allemagne. Cette filière représente aujourd'hui de 3 % à 4 % du marché des isolants.

En 2011, la commission chargée de formuler les avis techniques, la CCFAT, a suspendu les avis techniques pour les ouates de cellulose contenant des sels de bore, alors même qu'elle les autorise pour les laines de verre « biosolubles », qui contiennent également de l'acide borique. Par ailleurs, la législation européenne concernant les substances chimiques restreint l'usage de ce produit si sa concentration est supérieure à 5,5 %, ce qui n'est pas le cas pour la ouate de cellulose.

Entré en vigueur le 30 juin 2012, cet avis technique pousse les professionnels à remplacer les sels de bore par des sels d'ammonium. Cette nouvelle formule a été validée par la CCFAT, mais, dès le mois d'octobre 2012, des émanations d'ammoniaque se produisent sur certains chantiers, conduisant à l'arrêt de la fabrication. Des entreprises du bâtiment et, bien évidemment, des consommateurs se trouvent alors particulièrement lésés.

Le 5 novembre 2012, la CCFAT a ré-autorisé les sels de bore ! Le 17 mai dernier, la France aurait notifié à la Commission européenne un projet d'arrêté relatif aux isolants à base de ouate de cellulose qui interdit toute adjonction de sels d'ammonium. Or, selon les professionnels, les ouates de cellulose comportant à la fois des sels de bore et un pourcentage minime de sels d'ammonium sont stables. Ce type de formulation est utilisé dans d'autres pays européens sans que des retours négatifs aient été enregistrés.

En tout état de cause, les entreprises concernées, majoritairement des PME, regrettent que ces décisions soient prises sans concertation et ont dénoncé une distorsion de concurrence devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Je suis pour ma part attentif aux arguments relatifs à la protection des consommateurs, laquelle doit primer sur toute autre considération. Cependant, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir si le Gouvernement a engagé des actions visant à la mise en place d'un système impartial de certification des matériaux d'isolation. En outre, est-il prévu d'instituer, dans le cadre du plan de rénovation énergétique des bâtiments, une aide particulière pour favoriser le développement dans notre pays des entreprises de fabrication d'éco-matériaux ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Delphine Batho.

Vous avez raison de souligner que la priorité du Gouvernement est de créer des emplois verts, notamment grâce au développement de filières vertes pour les matériaux de construction. Cette volonté se traduit en particulier par un plan de développement stratégique de ces filières, associant toutes les parties prenantes et ayant pour triple objectif de structurer, de soutenir, d'accompagner : structurer, sous l'impulsion de l'association Constructions et bioressources ; soutenir, avec le financement de programmes de recherche, le plan bois, le lancement du label « bâtiment biosourcé » ; accompagner, pour amener ces filières à répondre aux attentes du marché.

Notre ambition est bien évidemment que ces filières se développent et s'implantent durablement sur l'ensemble du territoire.

Notre devoir est également de protéger nos concitoyens, pour qui le logement représente l'investissement d'une vie.

Les problématiques apparues récemment pour les isolants à base de ouate de cellulose, en lien avec leur traitement chimique de protection, illustrent bien l'importance de l'enjeu.

Au mois d'août 2011, la directive européenne Biocides interdisait l'utilisation des sels de bore en tant qu'agent antifongique. La CCFAT, conformément à sa mission, a retenu alors comme objectif de ne plus délivrer à terme d'avis techniques pour les produits à base de ouate de cellulose avec sels de bore, autorisant l'utilisation de sels d'ammonium comme substituants.

Cependant, des plaintes sont ensuite remontées au ministère de l'écologie, du fait de dégagements de vapeurs d'ammoniac consécutifs à la pose dans les logements de produits d'isolation thermique. Le syndicat professionnel ECIMA évoque quelque 150 cas de chantiers ayant donné lieu à de tels signalements par les habitants ou par les ouvriers. Une trentaine de signalements sanitaires étant intervenus entre novembre 2011 et décembre 2012, les services du ministère de l'écologie ont commandé au mois de novembre 2012 des tests d'émission en laboratoire sur des échantillons fournis par les fabricants. Les résultats, publiés au mois d'avril 2013, montrent que tous les échantillons présentent des dégagements d'ammoniac dans des proportions variables et ne sont pas stables. Au vu de ces problèmes sanitaires, les autorités ont récemment préconisé l'interdiction de ces produits.

Parallèlement, le règlement REACH modifié, applicable au 30 juin 2012, a autorisé la présence de sels de bore dans des produits destinés au grand public jusqu'à une concentration de 5,5 %, taux qui rend possible l'ignifugation des ouates de cellulose. De nouveaux fabricants sont ainsi revenus à l'utilisation de sels de bore, avec un avis technique à ce jour encore valable.

Dans cette situation, les services de l'État se sont attachés à créer les conditions du dialogue, au sein d'un groupe de suivi qui se réunit régulièrement, et à inciter les différentes parties, dont les entreprises de la filière, à définir des solutions de substitution.

Delphine Batho souhaite encourager ces démarches de substitution des substances dangereuses, en laissant bien évidemment le temps aux acteurs économiques de trouver des solutions pérennes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse assez complète, qui montre la complexité de la situation pour les huit entreprises concernées en France, dont celle de Morlaix, qui me tient particulièrement à cœur. Si rien n'est fait, leur pérennité sera menacée à court ou moyen terme. Quant aux consommateurs, qu'il faut absolument protéger, ils sont aujourd'hui dans le doute.

Les entreprises doivent trouver des produits de substitution, mais cela peut prendre du temps. J'ai bien entendu que les avis techniques autorisaient l'emploi de sels de bore, mais il importe que cette question soit réglée le plus rapidement possible.

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