Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - UMP) publiée le 26/04/2013
Question posée en séance publique le 25/04/2013
M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Je veux revenir sur les images publiées hier par le site Atlantico, révélant le désormais célèbre « mur des cons ». (M. Jean-Louis Carrère s'esclaffe.)
M. Alain Gournac. Ça vous fait rire ?
M. Antoine Lefèvre. Il s'agit d'un trombinoscope de responsables politiques, de droite, principalement, de syndicalistes policiers, de hauts magistrats, de journalistes.
Retrouver sur ce collage des hommes politiques, de droite comme de gauche, y compris votre collègue de l'intérieur M. Manuel Valls, en dit long, d'ailleurs, sur les rapports entre police et magistrats !
M. Alain Gournac. C'est insupportable !
M. Antoine Lefèvre. Mais, et c'est encore plus consternant, figurent sur ce mur des parents de victimes de récidivistes (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.), l'une violée et tuée par Guy Georges, l'autre tuée de trente-quatre coups de couteau dans un RER. Ces parents, meurtris dans leur chair, ont commis la faute suprême : militer contre la récidive ! Voilà ce qui leur vaut de figurer sur ce « mur de la honte » !
Vous avez répondu hier à mon collègue député Luc Chatel qu'aucune entrave ne serait faite aux procédures que les personnes visées engageraient. C'est encore heureux !
La présidente du syndicat auteur de ce mur scandaleux, parle de défouloir, de blague de potaches. Mais, dans cette affaire, nous ne sommes pas en présence de lycéens ou d'étudiants à l'humeur espiègle, fussent-ils de futurs magistrats ! Nous sommes dans les locaux d'un syndicat professionnel de juges, des juges dont on attend une impartialité exemplaire. (M. André Reichardt acquiesce.)
Une catégorie professionnelle comme celle de la magistrature, censée être la plus neutre de la République, ne peut se permettre de s'enfermer dans une idéologie politique. Car c'est bien de cela que nous parlons ici : elle doit juger de façon équitable.
La dérive de ce syndicat pose problème !
Notre propos n'est pas de stigmatiser la justice en général, mais le comportement de certains, qui semblent oublier l'essence même de leur indépendance, dont ils sont si jaloux, et que vous ne cessez de nous rappeler, madame la garde des sceaux.
Cela ne peut que susciter des interrogations quant à leur impartialité ! N'ouvrent-ils pas ainsi la porte à une légitime suspicion ? La confiance que place en eux la société en est ébranlée !
Cela augure bien mal des propositions du Président de la République de donner plus d'indépendance encore au Conseil de la magistrature.
M. David Assouline. Vous êtes contre, de toute façon !
M. Antoine Lefèvre. Ce que vous avez qualifié d'action malheureuse, madame la garde des sceaux, est en fait une faute grave !
Vous avez déclaré : « Le ministère public peut prendre l'initiative d'une action publique ». Alors, madame la garde des sceaux, je vous dis : faites-le ! Et faites-le de façon très claire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. M. André Gattolin applaudit également.)
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 26/04/2013
Réponse apportée en séance publique le 25/04/2013
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Lefèvre, vous devriez me citer complètement, car, vous le savez, j'ai dit à votre collègue de l'opposition à l'Assemblée nationale que je trouvais cet acte inadmissible. (M. François Trucy opine.) Je peux ajouter qu'il est insupportable, qu'il est même à la fois stupide et malsain (Très bien ! sur les travées de l'UMP.), et qu'il est temps que le Syndicat de la magistrature se rende compte que la période stupide et malsaine est passée (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.), qu'il n'a donc pas besoin de risquer l'image de neutralité de la magistrature !
J'ai, comme vous, sans doute, le souci de distinguer le corps de la magistrature, ces magistrats qui exercent au quotidien la noble mission de juger avec dignité, de ceux qui se sont abaissés à se livrer à cet acte.
Cela dit, vous savez bien que, en tant que garde des sceaux, je ne saurais méconnaître la loi. Or celle-ci dispose que l'on ne peut considérer comme faute disciplinaire un acte commis dans un local syndical et révélé par des images volées. (Et alors ? sur les travées de l'UMP.)
J'ai saisi le Conseil supérieur de la magistrature pour lui demander d'apprécier s'il y a eu manquement à la déontologie.
MM. Jean-Jacques Hyest et Antoine Lefèvre. Très bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce syndicat a fait prendre des risques à l'ensemble du corps de la magistrature, et tout particulièrement aux membres de ce syndicat, si l'on en juge par les menaces de récusation concernant des procédures en cours. Cela est effectivement dommageable pour l'ensemble du corps. J'espère cependant que nous sortirons de cette situation parce que ce qui compte, c'est que notre magistrature retrouve sa noblesse, que nous puissions la débarrasser du soupçon qui pèse sur son impartialité (Très bien ! sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) et que les relations soient éclaircies entre le corps de la magistrature et l'exécutif ! (Applaudissements prolongés sur toutes les travées.)
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