Question de Mme ARCHIMBAUD Aline (Seine-Saint-Denis - ECOLO) publiée le 05/04/2013
Question posée en séance publique le 04/04/2013
Concerne le thème : L'industrie pharmaceutique
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, selon la revue Prescrire, les grandes firmes pharmaceutiques dépensent environ deux fois plus pour la promotion commerciale et le marketing que pour la recherche.
Le modèle d'affaires dominant de ce secteur est en effet fondé, actuellement, sur la promotion massive de médicaments qui ne présentent souvent pas d'innovations ni d'avancées thérapeutiques significatives. Par exemple, en 2009, sur cent neuf nouveaux médicaments ou indications, sans compter les copies, trois seulement apportaient une avancée thérapeutique, mais mineure, alors que soixante-seize d'entre eux n'apportaient rien de nouveau à la pharmacopée existante et que dix-neuf étaient même considérés comme présentant d'éventuels risques.
Dans ce contexte, la recherche clinique est organisée comme une campagne promotionnelle ; les données de cette recherche sont utilisées, en priorité, pour stimuler et soutenir les ventes.
Trois stratégies notamment sont très utilisées : premièrement, multiplier la publication d'études favorables à un médicament, en utilisant la plume d'auteurs fantômes ; deuxièmement, ne pas publier les résultats compromettants pour la vente des produits, au nom du secret commercial certaines firmes s'arrogent ce droit, sachant qu'elles ne sont pas légalement contraintes de rendre publiques les données obtenues lors des essais cliniques ; troisièmement, intimider les chercheurs indépendants ou les lanceurs d'alerte gênants, cette pratique étant plus répandue qu'on ne le croit.
Madame la ministre, ne pensez-vous pas que, dans un État de droit, les citoyens ont besoin de pouvoir avoir confiance dans les résultats de la recherche clinique ? Une recherche plus indépendante, libérée des contraintes commerciales est nécessaire afin de faire progresser la médecine. Un financement public de la recherche dans ce secteur ne serait-il pas nécessaire ?
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Réponse du Ministère des affaires sociales et de la santé publiée le 05/04/2013
Réponse apportée en séance publique le 04/04/2013
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Archimbaud, la France peut, à juste titre, s'enorgueillir de la qualité de sa recherche clinique. Je tiens à saluer le travail remarquable de nos chercheurs, qu'ils travaillent dans des laboratoires publics ou privés. La France occupe le deuxième ou le troisième rang, selon les années, pour le nombre d'essais cliniques réalisés. Ce beau résultat est dû en partie à des efforts d'engagement public tout à fait significatifs.
Une grande partie de la recherche se développe aujourd'hui dans des laboratoires privés. On ne peut pas faire comme si cette réalité n'existait pas : les trois quarts de la recherche clinique sur les médicaments se font dans les laboratoires des industriels, un quart seulement relevant de la recherche académique. Il est donc important de garantir la qualité de la recherche, quel que soit le lieu où elle se développe, et non pas d'adopter une vision opposant recherche publique et recherche privée, car cette dualité est au contraire l'une des réalités de la recherche française, et l'un de ses atouts.
Une des raisons pour lesquelles la France a su développer des programmes reconnus est la mise en place par le gouvernement de Pierre Bérégovoy, il y a vingt ans, du programme hospitalier de recherche clinique, qui a permis de mener à bien 5 000 projets de recherche, pour lesquels ont été investis 870 millions d'euros. Cet outil va encore être amélioré, car il a d'ores et déjà permis à certaines recherches de déboucher sur des améliorations thérapeutiques significatives, notamment en génétique : les « bébés-bulles » n'ont plus besoin de vivre dans des bulles, grâce à des recherches financées dans le cadre de ce programme.
Nous devons donc travailler à la transparence et à l'indépendance de la recherche, où qu'elle se développe.
Madame la sénatrice, la France peut être fière de sa recherche clinique, car elle est l'un de ses atouts au niveau européen.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour la réplique.
Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse précise. Croyez bien que mon propos n'est pas d'opposer recherche publique et recherche privée.
Je persiste à penser que, sur certains points jugés prioritaires ou sensibles en matière de santé publique, il peut être intéressant que le Gouvernement, défenseur de l'intérêt général, stimule la recherche sur un médicament précis - d'ailleurs, nous l'avons vu lors des débats budgétaires de l'année dernière.
Il s'agit donc non pas d'opposer les deux types de recherche, mais de rappeler qu'une recherche financée par les pouvoirs publics peut être utile, notamment pour arbitrer certains contentieux. (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)
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