Question de M. ÉBLÉ Vincent (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 28/03/2013
M. Vincent Eblé attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la situation des patrimoines en période de guerre, notamment concernant le Mali. L'intervention y était urgente et nécessaire, le président de la République l'avait compris. Nos forces armées sont venues au secours des populations.
À présent, nous devons nous préoccuper de l'avenir de ces populations, de ces peuples: Maliens, Bambaras, Bobos, Bozos, Dogons, Khassonkés, Malinkés, Miniankas, Peuls, Sénoufos, Songhaïs, Soninkés. C'est plus d'une vingtaine d'ethnies qui vivent au Mali.
Demain, ces peuples vont devoir reconstruire la paix et celle-ci passera par la reconnaissance par chacun des identités culturelles des uns et des autres.
Le patrimoine, ou plutôt les patrimoines, sont souvent le vecteur de ces identités, le ferment des dénominateurs communs qui permettent les réconciliations. C'est dans ce contexte qu'il semble primordial de réfléchir ensemble à l'action nécessaire pour la sanctuarisation des patrimoines.
Depuis le XIIe siècle, Tombouctou est un carrefour commercial au milieu du Sahara et fut, au XVème siècle, un centre prestigieux d'études islamiques, accueillant jusqu'à 25 000 étudiants.
Les manuscrits de Tombouctou recèlent des traités de médecine, de mathématiques, d'astronomie mais aussi de la poésie, de la musique, des enluminures, de la littérature religieuse et des traités de droits et de gouvernance. Ces manuscrits sont l'un des plus importants trésors culturels de l'Afrique. Ils témoignent d'une identité complexe et d'un islam tolérant.
Au total, certains estiment à plus de 200 000 le nombre de ces manuscrits, dont seulement 30 000 étaient rassemblés à l'Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba.
Les exactions des « bandits » ont, semble-t-il, détruit plusieurs milliers de manuscrits anciens, ainsi que sept mausolées et une partie de la grande mosquée Sidi Yahia.
Le marché noir regorge, semble-t-il aussi, de manuscrits de Tombouctou qui émanent de vols, ou de ventes forcées par la détresse des populations maliennes et il est fort à craindre que certains acquéreurs aient comme seule volonté de détruire ce patrimoine gênant.
La culture est ce qui donne à un peuple la force de se reconstruire. Nous savons aussi, car nous l'avons vécu dans notre histoire, qu'il est douloureux de voir son patrimoine disparaître.
Ceux qui détruisent les biens communs ont pour objectif d'atteindre l'identité et l'héritage culturel de la population afin de semer la haine, ou de réécrire l'histoire.
Jusqu'à présent, les réactions internationales ont été à la mesure du drame. L'UNESCO a inscrit, le 28 juin 2012, Tombouctou sur la liste du patrimoine mondial en péril. L'ONU, par sa résolution 2056 du 5 juillet 2012, a rappelé que les attaques contre le patrimoine culturel ou religieux peuvent « constituer des violations des lois internationales ».
Il lui demande donc quelles actions la France a réalisées pour la protection du patrimoine au cours du conflit et quelles propositions celle-ci est en mesure d'offrir au Mali, afin d'accompagner les restaurations. Enfin il souhaiterait connaître son point de vue quant à la mise en place d'un service d'intervention d'urgence sur le patrimoine, afin d'agir, dans toute la mesure du possible, en prévention des exactions sur les patrimoines exposés lors des conflits.
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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 19/06/2013
Réponse apportée en séance publique le 18/06/2013
M. Vincent Eblé. Madame la ministre, il était urgent d'intervenir au Mali. Le Président de la République l'a compris et nos forces armées sont venues au secours des populations, ce dont je me réjouis.
À présent, nous devons nous préoccuper de l'avenir des peuples maliens. Bambaras, Bobos, Bozos, Dogons, Khassonkés, Malinkés, Minianka, Peuls, Sénoufos, Songhaï, Soninkés, Toucouleurs : ce sont plus d'une vingtaine d'ethnies qui vivent au Mali. Malgré leurs échanges au cours de l'histoire, chacune d'entre elles possède une culture spécifique. Elles composent la mosaïque ethnique de ce pays.
Demain, donc, ces peuples vont devoir reconstruire la paix, et cela passera par la reconnaissance par chacun des identités culturelles des autres.
Les patrimoines sont souvent le vecteur de ces identités, le ferment des dénominateurs communs qui permettent les réconciliations.
Dans ce contexte, il me semble primordial de réfléchir ensemble à l'action qu'il est nécessaire de mener pour assurer la sanctuarisation des patrimoines.
Depuis le XIIe siècle, Tombouctou est un carrefour commercial au milieu du Sahara ; au XVe siècle, il est devenu un centre prestigieux d'études islamiques, accueillant jusqu'à 25 000 étudiants.
Les « manuscrits de Tombouctou » recèlent des traités de médecine, de mathématiques, d'astronomie, mais aussi de la poésie, de la musique, des enluminures, de la littérature religieuse et des traités de droit et de gouvernance. Ces manuscrits sont l'un des plus importants trésors culturels de l'Afrique. Ils sont un symbole important de l'histoire africaine, ils démontrent singulièrement le rôle et l'influence des intellectuels musulmans africains entre le XIVe et le XVIIe siècles.
Au total, certains estiment à plus de 200 000 le nombre de ces manuscrits, dont seulement 30 000 étaient rassemblés à l'Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed-Baba.
Nous savons aujourd'hui que les exactions des « bandits » ont amené la destruction de plusieurs milliers de manuscrits anciens, ainsi que de sept mausolées et d'une partie de la grande mosquée Sidi Yahia.
Les réactions internationales ont été à la mesure du drame : l'UNESCO a inscrit, le 28 juin 2012, Tombouctou sur la liste du patrimoine mondial en péril ; l'ONU, par sa résolution 2056 du 5 juillet 2012, a rappelé que les attaques contre le patrimoine culturel ou religieux peuvent « constituer des violations des lois internationales ».
Nous savons que la culture est ce qui donne à un peuple la force de se reconstruire. Nous savons, car nous l'avons vécu dans notre histoire, qu'il est douloureux de voir son patrimoine disparaître. Nous savons que ceux qui détruisent les biens communs ont pour objectif de porter atteinte à l'identité et à l'héritage culturel de la population, afin de semer la haine. Enfin, nous savons que le conflit malien a commencé par une guerre culturelle, les extrémistes ayant tout d'abord nié l'existence d'une identité complexe et d'un islam tolérant.
Le 4 février, le Président de la République s'est ému du sort de ces patrimoines ; le 18 février, une réunion d'experts de l'UNESCO a évalué les dégâts commis et examiné les moyens de les réparer.
Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quelles actions la France a menées pour protéger le patrimoine au cours du conflit, quelle est la situation du patrimoine malien et quelles propositions nous sommes en mesure de faire aux Maliens en vue d'accompagner les restaurations ? Enfin, j'aimerais connaître votre point de vue quant à la mise en place d'un service d'intervention d'urgence sur le patrimoine, afin de prévenir dans la mesure du possible les exactions contre les patrimoines lors des conflits.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Vous le savez, monsieur le sénateur, je suis avec la plus grande attention les atteintes portées au patrimoine culturel du nord du Mali.
À la suite de la conférence du 18 février, organisée à l'UNESCO en partenariat avec le ministère de la culture et de la communication, un plan d'action a été proposé et validé par les autorités maliennes.
Ce plan comporte plusieurs axes : un appui institutionnel à la mise en place d'une mission d'évaluation des destructions subies dès que les conditions de sécurité seront réunies, la conservation et la valorisation du patrimoine de Tombouctou et de Gao, la formation aux métiers du patrimoine, l'aide à la politique de numérisation et à la formation des spécialistes des manuscrits - en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France -, une assistance technique pour les quatre sites inscrits au patrimoine mondial, qui se trouvent tous dans le nord du Mali, un programme de lutte contre le trafic illicite des biens culturels.
Enfin, le ministère de la culture et de la communication soutient financièrement l'UNESCO et le Conseil de l'Europe, qui jouent un rôle majeur en élaborant des programmes dédiés au développement de la culture de paix, ainsi que des outils normatifs de protection des monuments en cas de conflit armé. Je suis donc tout à fait favorable aux initiatives que vous avez évoquées.
Le ministère de la culture et de la communication soutient en outre de nombreuses organisations non gouvernementales : l'Institut de la communication, le Conseil international des monuments et des sites, l'Union internationale des architectes, la Fédération internationale des architectes paysagistes, les Architectes de l'urgence, le laboratoire CRATerre-ENSAG, les Restaurateurs sans frontières... L'objectif est de corriger les effets dévastateurs des guerres civiles et des conflits armés. Le ministère de la culture mobilise régulièrement tous ses établissements publics, à l'occasion de conflits ou de cataclysmes naturels, pour apporter une assistance technique dans le cadre de la « réconciliation patrimoniale ».
Le 6 juin, le Centre du patrimoine mondial a organisé une mission d'une journée à Tombouctou pour prendre la mesure de l'ampleur des destructions, mission à laquelle participaient deux experts français : un architecte de CRATerre-ENSAG pour l'architecture en terre et une conservatrice de la Bibliothèque nationale de France pour les manuscrits. Une réunion, tenue le 8 juin à Bamako sur l'initiative du ministère malien de la culture, a rassemblé tous les experts de la mission du 6 juin et les responsables maliens du patrimoine. En fonction des priorités dégagées lors de cette rencontre, le ministère de la culture et de la communication apportera son appui par des actions ciblées.
M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé.
M. Vincent Eblé. Je remercie Mme la ministre de sa réponse et, surtout, de son engagement personnel vigilant sur la question de la sauvegarde du patrimoine malien.
La première exigence, non encore satisfaite aujourd'hui si nous en jugeons par les informations contradictoires publiées dans la presse, c'est l'établissement d'un diagnostic qui, à défaut d'être détaillé et exhaustif, doit être du moins conduit dans de brefs délais, avec le concours de la France et par l'entremise d'une coordination d'acteurs maliens et internationaux issus des ONG. Je me réjouis que telle soit la voie dans laquelle nous sommes engagés.
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