Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - UMP) publiée le 21/03/2013

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les difficultés qui surgissent parfois à l'occasion d'un renouvellement de passeport. Ainsi, des personnes nées françaises, à l'étranger, de parents français, titulaires de documents d'identité depuis des années, voient leur nationalité et, par là, leur appartenance à la Nation remise en question à l'occasion d'une demande pour d'autres documents comme un passeport, un permis de conduire. Leur nationalité est contestée du fait des suspicions qui pèseraient sur celle des parents, naturalisés ou Français nés à l'étranger (dans un ancien territoire ayant accédé à l'indépendance), y compris pour ceux déjà décédés. Le système informatique mis en place ne propose que les termes « Français par naturalisation » pour ceux de nos concitoyens, pourtant nés de parents et grands-parents français, sur le territoire français (comme l'Algérie, territoire français jusqu'en 1962). Il revient alors à ces Français de naissance de prouver leur nationalité, malgré la possession d'une première carte, ce qui est injuste et inutilement blessant. Or, une circulaire du 1er mars 2010 dit que la possession d'une carte nationale d'identité plastifiée permet d'obtenir un passeport, sans avoir à justifier de son état civil ou de sa nationalité française. Plusieurs milliers de personnes étant dans ce cas, une modification du logiciel informatique s'impose.
Aussi lui demande-t-il quelles mesures il compte prendre pour lutter contre ces tracasseries injustes faites aux citoyens français.

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Réponse du Ministère chargé de la décentralisation publiée le 05/06/2013

Réponse apportée en séance publique le 04/06/2013

M. Antoine Lefèvre. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et je remercie Mme la ministre Anne-Marie Escoffier de le représenter ce matin.

En cette période pré-estivale, le nombre de nos concitoyens désireux de renouveler leur passeport va croissant. Pourtant, ce qui semble être un acte administratif plutôt banal se révèle pour certains un vrai parcours du combattant, assorti de vexations variées.

Il en va ainsi, madame la ministre, de nos compatriotes nés français, à l'étranger, de parents français, titulaires de documents d'identité depuis des années, et qui voient leur nationalité, et donc leur appartenance à la Nation, remise en question, à l'occasion d'une demande de renouvellement de passeport ou de permis de conduire. Leur nationalité est contestée du fait des suspicions qui pèseraient sur celle de leurs parents, naturalisés ou Français nés à l'étranger, dans un ancien territoire ayant accédé à l'indépendance.

Le système informatique mis en place par le ministère de l'intérieur ne propose que les termes « Français par naturalisation », pour ceux de nos concitoyens pourtant nés de parents et grands-parents français, sur un territoire français, comme l'Algérie, territoire français jusqu'en 1962, par exemple.

Ces administrés reçoivent la qualification de « Français naturalisés », alors même qu'ils tiennent leur nationalité de leurs parents et de leurs grands-parents français. Il revient alors à ces Français de naissance de prouver leur nationalité, malgré la possession d'une première carte d'identité, ce qui est injuste et inutilement blessant. En effet, selon une circulaire du 1er mars 2010, la possession d'une carte nationale d'identité plastifiée permet d'obtenir un passeport, sans avoir à justifier de son état civil ou de sa nationalité française ! Or plusieurs centaines de milliers de nos compatriotes sont nés de parents français, à l'étranger, et en particulier sur le territoire algérien avant 1962.

À une époque où l'on combat, à juste titre, les discriminations touchant les minorités, une modification du logiciel informatique établi par des technocrates à la mémoire courte ou oublieux de notre histoire doit à tout le moins s'imposer. Je suis persuadé, madame la ministre, que vous aurez à cœur qu'un logiciel administratif accepte d'enregistrer correctement les Français nés de parents et grands-parents français, dans d'anciens départements français.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur Lefèvre, M. le ministre de l'intérieur, aujourd'hui en déplacement en Corse, m'a chargée de répondre à votre question. Vous l'interrogez sur un sujet que son administration connaît bien et qu'il suit avec une vigilance particulière. Il m'a donc demandé de vous communiquer sa réponse et de la compléter, le cas échéant, avec l'aide de ses services.

Le problème que vous soulevez s'est posé avec une particulière acuité ces dernières années. À cet égard, une importante mesure de simplification a été introduite dès 2010. Le décret du 18 mai 2010 permet ainsi de privilégier un contrôle de la demande de passeport ou de carte nationale d'identité à partir des informations dont dispose déjà l'administration. Ces informations proviennent notamment des précédents titres dont cette dernière a conservé la trace. Cette procédure doit être appliquée à tous de la même manière, quel que soit le mode d'acquisition de la nationalité.

Cependant, cette pratique ne peut être générale. Lors d'une première demande ou lorsque les titres présentés sont trop anciens - ce sont les cas les plus fréquents -, l'usager reste tenu de justifier de son identité, de son état civil, de son domicile, de sa nationalité et de sa capacité juridique. Bien souvent, nos concitoyens ne comprennent pas cette nécessité, puisqu'ils ont déjà fourni une première fois les documents nécessaires. La preuve de la nationalité française, dans un tel cas, peut être apportée par la production d'un extrait d'acte de naissance ou d'un certificat de nationalité française.

Le ministre de l'intérieur est tout à fait conscient des difficultés que peuvent rencontrer nos concitoyens nés à l'étranger ou nés de parents étrangers pour obtenir un certificat de nationalité, car il est très souvent sollicité sur des cas de cette nature. Les services sont alors invités à mettre en œuvre la possession d'état de Français de plus de dix ans. Celle-ci s'apprécie à partir d'un faisceau d'indices. À titre d'exemple, l'appartenance à la fonction publique, l'exercice d'un mandat électif réservé aux seuls nationaux ou l'accomplissement des obligations militaires permettent d'apprécier la possession d'état de Français. Encore faut-il pouvoir produire les documents correspondants.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, vous avez souligné, à la fin de votre intervention, les difficultés dues à la mise en œuvre d'une application informatique. Celle-ci a été conçue pour que les agents instructeurs saisissent le mode d'acquisition de la nationalité - naissance, acquisition, réintégration - au terme de l'instruction de la demande ; ils ne doivent pas le faire avant.

Le ministre de l'intérieur tient enfin à vous assurer, par ma voix, qu'il est tout autant attentif à ne pas pénaliser les citoyens de bonne foi qu'à garantir la sécurité et la fiabilité des titres délivrés par ses services, qui sont résolument engagés dans la lutte contre la fraude.

Permettez-moi d'ajouter, au titre de la connaissance que j'ai de ce dossier, qu'il fut un temps où les faux étaient produits à partir de « vrais faux » dans des quantités telles que le ministre de l'intérieur a dû faire adopter des mesures particulièrement sévères qui, aujourd'hui, sont protectrices et garantissent nos concitoyens contre la fraude.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse. J'ai bien noté que vous vous engagiez, avec M. le ministre de l'intérieur, à résoudre rapidement cette difficulté. À l'heure de la généralisation des technologies de l'informatique, il paraît évident que l'introduction, dans le logiciel en cause, de la mention « nés de parents français à l'étranger » n'est pas insurmontable.

Je souhaite maintenant vous signaler une « extension », si je puis dire, de ce problème, à savoir le cas des enfants qui naîtront dans le futur hôpital transfrontalier commun à la France et à l'Espagne, qui va ouvrir ses portes à Puigcerdà, en Espagne, d'ici à quelques semaines.

Les élus des Pyrénées-Orientales, dont notre collègue François Calvet, se battent pour qu'un officier d'état civil français puisse aller enregistrer la naissance des enfants de nationalité française nés sur le territoire espagnol, afin que ceux-ci n'aient pas besoin de s'adresser plus tard au service central d'état civil situé à Nantes pour obtenir leurs documents d'identité. La problématique est la même.

Pour l'instant, il semble que ne soit évoquée que la possibilité de retranscription par le biais du registre d'état civil au consulat, mais ces enfants seront toujours considérés comme nés à l'étranger !

Je saisis cette occasion pour vous parler d'une proposition de loi, en cours de dépôt, dont je suis l'auteur avec un certain nombre de collègues, qui vise à permettre aux parents de déclarer leur enfant au service de l'état civil de la commune dans laquelle ils sont établis. Grâce à cette disposition, la difficulté soulevée par notre collègue des Pyrénées-Orientales pourrait être résolue. Cette mesure participerait aussi à l'enracinement dans la commune de naissance et permettrait de recréer un lien identitaire fort entre le territoire et la population.

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