Question de Mme AÏCHI Leila (Paris - ECOLO) publiée le 22/03/2013
Question posée en séance publique le 21/03/2013
Concerne le thème : L'Europe de la défense
Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité de Maastricht est supposé avoir instauré la politique extérieure et de sécurité commune, le traité de Lisbonne, la politique de sécurité et de défense commune, à l'instar des accords de Lancaster House, du Triangle de Weimar ou du projet Weimar plus, qui étaient censés ouvrir la voie à une défense à l'échelle européenne.
Chaque année, la France investit 5 milliards d'euros, soit près de 30 % du budget d'équipement de ses armées, dans des coopérations d'armement en Europe. Pour autant, où en est l'Europe de la défense ?
L'absence de l'Europe dans le conflit qui se déroule au Nord-Mali est symptomatique et a été très justement résumée ainsi par Daniel Cohn-Bendit : « On dit aux Français : on va vous donner les infirmières et allez vous faire tuer au Mali. »
Sans doute, la réintégration de la France dans l'OTAN nous a-t-elle éloignés d'une Europe autonome et forte puisque, comme l'a rappelé l'ancien chef d'état-major des armées, le général Bentégeat, « l'OTAN a un effet direct sur les budgets militaires européens ».
Monsieur le ministre, à l'heure des restrictions budgétaires, seule une volonté politique forte, associée à une vision stratégique, peut porter l'Europe de la défense. Plus nous tardons à construire cette dernière, moins nous serons efficaces face aux risques et menaces bien réels que sont le trafic d'armes conventionnelles et chimiques, le trafic de drogue, les trafics affectant la biodiversité, le dérèglement climatique, l'afflux de réfugiés qui y est lié, les catastrophes naturelles, le terrorisme, la cybercriminalité.
Aujourd'hui, il est question de fixer un seuil minimal de 1,5 % du PIB pour le budget de la défense française. Monsieur le ministre, c'est à l'échelon européen qu'il faut se donner les moyens d'assurer notre défense, quitte à y consacrer 2 % du PIB : 1 % pour la défense nationale et 1 % pour l'Europe de la défense.
La construction de cette Europe de la défense pourrait être l'occasion de proposer une nouvelle approche de la gestion des conflits, prenant en compte la dimension environnementale des crises actuelles.
La raréfaction des ressources, l'accroissement de la demande énergétique, les changements climatiques ont des conséquences sociales et économiques qui auront nécessairement un impact majeur sur les relations internationales. Le développement durable est aujourd'hui « la » donnée stratégique que nous devons intégrer dans notre réflexion sur la défense. L'ignorer serait une suprême erreur.
Monsieur le ministre, ces éléments doivent nous conduire à réorienter notre réflexion.
À plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion d'interpeller le Gouvernement sur ce que j'appelle l'« écologisation de la défense », en particulier sur l'adaptation de certaines missions de l'armée.
Après la smart defence et la soft defence, la France doit être leader pour porter, au sein de l'Europe, la green defence.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, je renonce à ma réplique, mais permettez-moi d'achever mon propos.
M. le président. Il vous reste alors quelques secondes
Mme Leila Aïchi. Lors de son allocution devant le Parlement européen, le président Hollande a affirmé : « Il est temps d'en finir [
] avec la dispersion des initiatives » parce que « l'Europe doit parler d'une voix ».
En conséquence, monsieur le ministre, quels efforts concrets le Gouvernement mène-t-il pour relancer l'Europe de la défense ? À quand une green defence européenne ? (M. Jean-Marie Bockel applaudit.)
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Réponse du Ministère de la défense publiée le 22/03/2013
Réponse apportée en séance publique le 21/03/2013
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Madame la sénatrice, je partage votre enthousiasme pour la construction de l'Europe de la défense. Toutefois, avant de formuler quelques observations à ce sujet, je voudrais m'inscrire en faux contre l'idée selon laquelle la France serait seule à combattre au Mali, le reste de l'Europe se contentant d'y dépêcher des infirmières. Bien sûr, il y avait une part de provocation dans la phrase que vous avez citée, mais la réalité n'est pas celle-là.
Aujourd'hui, vingt-deux pays européens participent à la mission de formation et de reconstitution de l'armée malienne dont l'Union européenne a pris l'initiative. Cette mission, mise sur pied rapidement, commencera ses actions de formation dès la semaine prochaine.
De surcroît, plusieurs pays européens nous ont apporté leur soutien logistique, que ce soit la Grande-Bretagne, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, la Belgique. Vous le constatez donc : la France n'est pas seule au Mali.
Pour autant, vous avez raison de souligner que l'Europe de la défense est encore en friche. La décision, prise par le président Van Rompuy, d'organiser un Conseil européen sur la défense à la fin de l'année afin de relancer l'Europe de la défense est une bonne initiative. Nous nous y préparons activement. J'espère que, à l'issue de ce sommet, seront entreprises à cette fin des actions nouvelles et fortes.
Quant à votre volonté de consacrer 1 % du PIB au budget de la défense nationale et 1 % à l'Europe de la défense, je ne peux qu'en saluer l'optimisme. Cependant, je dois vous faire observer que la participation de la France à l'Europe de la défense, que ce soit au titre de l'Union européenne ou du pilier européen au sein de l'OTAN, passe avant tout par nos propres capacités de défense. En d'autres termes, même si votre souhait est tout à fait louable, la répartition de notre effort entre la défense nationale et l'Europe de la défense ne peut être envisagée selon la formule que vous préconisez.
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