Question de M. TUHEIAVA Richard (Polynésie française - SOC-A) publiée le 28/02/2013

M. Richard Tuheiava attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la conférence intergouvernementale, organisée par la Norvège les 4 et 5 mars 2013, sur les conséquences catastrophiques sur le plan humanitaire qu'aurait l'emploi d'armes nucléaires. Durant des décennies, le débat sur l'armement nucléaire a porté principalement sur la doctrine militaire et les questions de sécurité. Aujourd'hui, la prise de conscience des conséquences catastrophiques de ces armes pour la santé publique, la sécurité humaine et l'environnement ne cesse de croître. Des États toujours plus nombreux reconnaissent et expriment le désir d'examiner de plus près les « conséquences catastrophiques sur le plan humanitaire » qu'aurait l'emploi d'armes nucléaires. Cette reconnaissance a été exprimée pour la première fois dans la déclaration finale de la conférence des parties chargée d'examiner le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en 2010 : « La conférence se dit vivement préoccupée par les conséquences catastrophiques sur le plan humanitaire qu'aurait l'emploi d'armes nucléaires et réaffirme la nécessité pour tous les États de respecter en tout temps le droit international applicable, y compris le droit international humanitaire ». À l'automne 2012, lors de la 67e session de l'assemblée générale des Nations unies, une résolution sur « la dimension humanitaire du désarmement nucléaire » a été déposée par la Suisse au sein de la première commission chargée des questions de désarmement et de sécurité internationale. Ce texte a été soutenu par 35 pays. Enfin, le comité international de la Croix-Rouge en consultation avec la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et les sociétés nationales (donc la Croix-Rouge française) ont voté une résolution, le 26 novembre 2011, « vers l'élimination des armes nucléaires », stipulant précisément « que le débat international devait être recadré sur ces armes en fonction de leur coût humain et de leurs incidences en droit international humanitaire ». Alors que, de par le monde, près de 20 000 armes nucléaires constituent aujourd'hui les arsenaux de l'ensemble des puissances nucléaires, la Norvège, appuyée et suivie par un groupe d'États, a décidé de poursuivre les discussions lors d'une conférence intergouvernementale qui va se dérouler les 4 et 5 mars 2013 à Oslo. L'objet de cette conférence est de comprendre, d'évaluer et de savoir comment réagir face à l'impact humanitaire immédiat d'une explosion nucléaire ou encore face à ses conséquences possibles sur les plans économiques et environnementaux.
Il souhaite savoir quelle est la position de la France vis-à-vis de cette conférence et plus généralement la politique d'action de la France dans ce domaine.

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Réponse du Ministère des affaires étrangères publiée le 04/04/2013

Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et État doté de l'arme nucléaire au sens du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), la France est pleinement engagée dans la mise en œuvre de ses responsabilités pour la préservation et le renforcement de la paix et de la sécurité internationales. Dans ce contexte, la France a toujours refusé de considérer l'arme nucléaire comme un instrument de coercition ou une arme du champ de bataille. La dissuasion française est strictement défensive, avec pour but la sauvegarde des intérêts vitaux de la Nation. Dans le cadre de ses engagements au titre de l'article VI du TNP, la France soutient activement les efforts en matière de désarmement nucléaire. À titre national, elle a déjà pris de nombreuses décisions concrètes sur la réduction du format des forces nucléaires (suppression de la composante nucléaire sol-sol, réduction d'un tiers des composantes océanique et aéroportée), le démantèlement irréversible de son site d'essais nucléaires et de ses installations de production de matières fissiles pour les armes nucléaires, ou encore en matière de transparence sur son arsenal. En outre, la France a constamment veillé à maintenir son arsenal nucléaire au niveau le plus bas possible compatible avec l'état de la menace et le contexte stratégique, en application d'un principe de stricte suffisance. La priorité porte aujourd'hui sur la réduction des deux arsenaux nucléaires les plus importants, russe et américain, qui constituent encore près de 95 % du stock mondial d'armes nucléaires. Au plan international, la France travaille étroitement avec les quatre autres États dotés d'armes nucléaires en vue de renforcer la confiance mutuelle et la transparence sur les questions de désarmement et de non-prolifération nucléaires. Ces efforts se poursuivront notamment à l'occasion de la troisième conférence de suivi du TNP à Genève en avril prochain. La France a toujours privilégié une approche pragmatique et progressive du désarmement. C'est cette même approche qui inspire le plan d'action adopté par consensus lors de la Conférence d'examen du TNP en mai 2010, qui donne à la communauté internationale une feuille de route concrète et équilibrée pour les prochaines années, permettant de progresser sur les trois piliers du traité (lutte contre la prolifération, désarmement et usages pacifiques du nucléaire). Cette démarche est réaliste et permet de renforcer la sécurité et la stabilité internationales. Il est essentiel de concentrer les efforts sur les mesures pratiques et concrètes permettant de créer, de manière collective, les conditions de nouveaux progrès dans le domaine du désarmement. C'est dans ce contexte que la France, en concertation avec les autres États dotés, a pris la décision de ne pas envoyer de représentant à la Conférence d'Oslo. Il ne s'agit évidemment pas de nier les effets graves de l'utilisation de l'arme nucléaire, mais de ne pas cautionner un processus qui risque de poser le débat sur le désarmement nucléaire dans des termes qui ne sont pas les bons.

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