Question de M. TODESCHINI Jean-Marc (Moselle - SOC) publiée le 28/02/2013

M. Jean-Marc Todeschini attire l'attention de Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique au sujet de la situation difficile que vivent actuellement 6 000 lauréats de l'examen professionnel de rédacteurs en France, toujours en attente de pouvoir bénéficier du mécanisme exceptionnel de promotion interne prévu par le décret du 30 décembre 2004. Ce problème n'est pas nouveau.

À la suite de la mobilisation de nombreux lauréats, inquiets de ne pas voir leurs efforts récompensés, le Gouvernement a étendu les possibilités juridiques de nommer les lauréats sans pour autant écarter la règle du quota de promotion interne. Le décret du 30 juillet 2012 a ainsi offert de nouvelles garanties aux lauréats non promus comme la prorogation de la validité de l'examen professionnel exceptionnel sans limitation de durée, ou encore la possibilité de promotions internes, dans la limite de 5 % de l'effectif du cadre d'emplois, si et seulement si le nombre de promus est plus élevé que celui issu de l'application d'un quota d'une promotion interne pour trois recrutements externes.

Les avancées dans ce dossier ne se font qu'à très petits pas, sans qu'une solution globale satisfaisante pour ces 6 000 fonctionnaires lauréats, toujours contraints de rester tout en bas de l'échelle de la fonction publique, soit annoncée à ce jour.

Ces palliatifs successifs nourrissent un sentiment grandissant de discrimination chez ces lauréats, qui se voient comme des « reçus-collés ». En effet, le décret n° 2012-1293 du 22 novembre 2012, censé à juste titre lutter contre les discriminations, introduit une possibilité, pour les agents contractuels de la fonction publique, de devenir, entre autres, rédacteur sans examen ni concours. Cette possibilité est souvent ressentie comme une injustice chez les lauréats.

Enfin, la réglementation paraît, en l'état, particulièrement préjudiciable aux plus petites collectivités qui ont confié la gestion des personnels territoriaux à un centre de gestion. En effet, ces petites collectivités risquent de voir partir le savoir-faire de leurs meilleurs agents qu'elles ont contribué à former, et qui, face à la règle de l'interdiction des quotas hors promotion, peuvent juger préférable de rejoindre une collectivité qui ne dépend pas d'un centre de gestion, afin de valider leur examen plus facilement. Pour éviter cela, certaines communes n'hésitent plus à contourner la règle de l'interdiction des promotions internes hors quotas et donc à procéder à des nominations illégales au grade supérieur. Cette situation contraint dorénavant certains centres de gestion à transmettre systématiquement toute promotion aux services du contrôle de légalité, avec pour conséquence l'alourdissement des procédures et la diffusion d'un sentiment de suspicion défavorable à la bonne gestion des ressources humaines au sein de la fonction publique territoriale.

Aussi, il estime opportun, sur une période transitoire, et surtout pendant la période d'application de ce décret, que l'État accepte définitivement de supprimer les quotas hors promotion interne afin de permettre aux collectivités qui ont des besoins en cadres B, de nommer leurs agents, déjà formés par elles et titulaires de l'examen professionnel. Cette mesure aurait le mérite de la clarté et engagerait l'État dans une forme de reconnaissance vis-à-vis de tous ces fonctionnaires qui subissent depuis maintenant plusieurs années une forme de précarité.

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Réponse du Ministère chargé de la famille publiée le 22/05/2013

Réponse apportée en séance publique le 21/05/2013

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la ministre, ma question concerne la situation difficile que vivent actuellement les quelque 6 000 lauréats de l'examen professionnel de rédacteur en France, toujours en attente de pouvoir bénéficier du mécanisme exceptionnel de promotion interne prévu par le décret du 30 décembre 2004.

À la suite de la forte mobilisation de ces « reçus-collés », un décret paru le 30 juillet 2012 a offert à ces lauréats de nouvelles garanties, comme la prorogation de la validité de leur examen, à titre exceptionnel et sans limite dans le temps, ou encore la possibilité d'effectuer des promotions internes dans la limite de 5 % de l'effectif du cadre d'emplois considéré et selon différentes conditions.

Les avancées dans ce dossier assez ancien maintenant existent, mais elles ne peuvent constituer une solution pérenne et pleinement satisfaisante pour les 6 000 fonctionnaires concernés et condamnés, en quelque sorte, à rester tout en bas de l'échelle de la fonction publique, en dépit de la réussite de leur examen professionnel.

Au-delà du sentiment d'injustice, voire de discrimination, que peuvent nourrir ces « reçus-collés », cette situation présente des effets pervers qui commencent à se faire sentir, en particulier pour les plus petites collectivités ayant confié la gestion de leurs personnels territoriaux à un centre de gestion.

En effet, ces petites collectivités risquent progressivement de voir partir le savoir-faire de leurs meilleurs agents, qu'elles ont en outre le plus souvent contribué à former et qui, face à la règle de l'interdiction des promotions hors quotas, peuvent juger préférable de rejoindre une collectivité ne dépendant pas d'un centre de gestion, ce qui leur permettrait de valider leur examen plus facilement.

Pour éviter cette fuite des compétences, certaines communes n'hésitent plus désormais à contourner la règle de l'interdiction des promotions internes hors quotas et à procéder à des nominations illégales au grade supérieur, pour les agents concernés qu'elles souhaitent conserver.

Certains centres de gestion ont d'ailleurs commencé à transmettre systématiquement toute demande de promotion aux services de contrôle de légalité afin de limiter ces pratiques de contournement de la loi. Cela entraîne un alourdissement des procédures et la diffusion d'un sentiment de suspicion généralisé défavorable à la bonne gestion des ressources humaines au sein de la fonction publique territoriale.

Dans ces conditions, madame la ministre, je vous demande de bien vouloir nous donner la position du Gouvernement quant à l'opportunité de supprimer la règle de l'interdiction des promotions internes hors quotas, afin de permettre aux collectivités ayant des besoins en cadres B de nommer leurs propres agents, déjà formés par elles et titulaires de l'examen professionnel.

Cette mesure aurait, je crois, le mérite de mettre fin au certain désordre que ces différentes dispositions ont contribué à faire naître, tout en offrant aux 6 000 « reçus-collés » une forme de reconnaissance tout à fait méritée.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme Marylise Lebranchu, qui m'a chargée de répondre à votre question.

Depuis un an, le Gouvernement a souhaité apporter des garanties nouvelles aux lauréats de l'examen professionnel de rédacteur dans le respect des principes applicables en matière de promotion interne dans la fonction publique.

Quelle que soit la fonction publique concernée, l'accès par la voie de la promotion interne au cadre d'emplois ou corps supérieur est offert à un nombre limité d'agents. Différents mécanismes de sélection existent : le ratio entre les promus et ceux qui pourraient l'être, les règles de quotas, les examens professionnels contingentés ou non...

Dans la fonction publique territoriale, le mécanisme retenu par la réglementation est l'application de quotas s'imposant à tous les employeurs locaux. L'enjeu est de permettre des évolutions de carrière homogènes dans toute la France. Ce mécanisme permet également de maintenir un équilibre dans la structure des cadres d'emplois entre les agents issus des concours et les agents issus de la promotion interne.

En d'autres termes, la promotion interne au cadre d'emplois supérieur n'est jamais un droit pour les agents qui remplissent les conditions d'éligibilité, et ce quelle que soit la fonction publique d'origine.

Les lauréats de l'examen professionnel exceptionnel non contingenté d'accès au cadre d'emplois de rédacteur territorial remplissent les conditions d'éligibilité, mais leur grand nombre ne permet pas qu'ils soient tous promus rédacteurs sur une courte période de temps.

De plus, d'autres agents remplissent aussi les conditions d'éligibilité, énoncées à l'article 8 du décret n° 2012-924 du 30 juillet 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux : les adjoints administratifs principaux de première classe répondant aux conditions de durée de services publics effectifs et les adjoints titulaires d'un grade d'avancement de leur cadre d'emplois remplissant une condition de durée de services publics effectifs et exerçant les fonctions de secrétaire de mairie d'une commune de moins de 2 000 habitants.

Il n'est pas envisagé de supprimer les quotas, mais la situation des nombreux lauréats de l'examen professionnel exceptionnel a été prise en considération à plusieurs reprises et, dernièrement, par le décret du 30 juillet 2012 précité, qui prévoit plusieurs dispositions favorables aux agents, telles que la validité illimitée de l'examen et l'assouplissement important des quotas pendant une période de trois ans.

Cet assouplissement est intéressant, car il est lié aux effectifs du cadre d'emplois plutôt qu'au recrutement : il est susceptible d'entraîner, en trois ans, la promotion interne de quelque 9 000 agents de catégorie C en fonction des effectifs actuels de rédacteurs. Il est donc bien de nature à permettre à la majeure partie des agents ayant réussi l'examen professionnel d'en bénéficier sans léser les autres agents éligibles.

Par ailleurs, les petites collectivités rattachées à un centre de gestion ne sont pas dans une situation moins favorable que celle des grandes collectivités au regard des quotas de promotion interne. Les mêmes quotas sont applicables à toutes les collectivités.

En effet, les petites collectivités ayant beaucoup moins la possibilité de recruter que les grandes collectivités, ou n'ayant pas suffisamment de rédacteurs, la gestion mutualisée des promotions internes par les centres de gestion permet de prononcer des promotions internes dans certaines de ces petites collectivités alors que, seules, elles auraient très rarement rempli la condition des quotas de promotion interne, que ceux-ci soient liés aux recrutements ou aux effectifs.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement continuera à améliorer la situation des agents en condition de précarité, tout en veillant à ne pas mettre à mal les principes fondamentaux de notre fonction publique, grand acquis de la Libération.

Une évaluation est en cours concernant les politiques de mobilité et d'attractivité dans la gestion des agents publics sur le territoire. Cette réflexion se déroule actuellement dans le cadre de la modernisation de l'action publique et aura vocation à compléter les réponses apportées jusqu'ici aux lauréats des concours de rédacteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la ministre, je vous remercie d'avoir remplacé votre collègue pour nous transmettre cette réponse.

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