Question de M. REINER Daniel (Meurthe-et-Moselle - SOC) publiée le 07/02/2013
M. Daniel Reiner attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les délais pris pour inscrire l'usine Solvay de Dombasle-sur-Meurthe entreprise de chimie - sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (CAATA).
On dénombre, à ce jour, dans cette entreprise, 4 décès imputables à l'amiante et 38 salariés atteints de pathologies liées à son exposition. L'utilisation de ce matériau n'a définitivement cessé qu'en 1997, après plus de 30 années de manipulation par des centaines de salariés.
Par décision en date du 1er octobre 2012, la cour administrative d'appel de Nancy a enjoint au ministre des affaires sociales et de la santé d'inscrire l'entreprise Solvay de Dombasle-sur-Meurthe sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt.
Depuis, le ministère s'est pourvu en cassation, ce qui apparaît peu compréhensible pour la centaine de salariés concernés, alors que l'entreprise elle-même n'a pas souhaité faire appel de cette dernière décision.
Et, en dépit d'un avis favorable rendu par la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles avis sollicité par le ministère-, on constate que l'arrêté n'a toujours pas été pris.
Ce retard empêche les salariés de cette entreprise de pouvoir bénéficier de départ anticipé et interdit à l'entreprise d'engager des solutions qui lui permettraient de remplacer un quart de ses effectifs, tout en maintenant un niveau de compétences élevé.
L'amiante provoque en France chaque année plus de 3 000 décès. Il importe, pour les salariés de l'entreprise Solvay, que l'Etat leur accorde la retraite anticipée à laquelle ils ont droit, reconnaissant ainsi que le travail qu'ils ont occupé durant des dizaines d'années comportait un risque auquel ils ont été exposés sans protection.
Il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre afin d'accélérer ce processus de reconnaissance.
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Réponse du Ministère des affaires sociales et de la santé publiée le 10/04/2013
Réponse apportée en séance publique le 09/04/2013
M. Daniel Reiner. Madame la ministre, ma question initiale, qui date de janvier 2013, visait à attirer votre attention sur les délais d'inscription de l'usine Solvay de Dombasle-sur-Meurthe sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, ou CAATA. Cette entreprise, située dans la vallée de la chimie de la Meurthe, est l'une des deux dernières soudières existant en France, la seconde se trouvant à quelques kilomètres de là.
Après un refus du tribunal administratif en 2007, cette inscription a été demandée le 1er octobre 2012 par la cour administrative d'appel de Nancy, au vu du nombre de salariés exposés à l'amiante et de la durée de leur exposition.
Je rappelle tout de même que, à ce jour, on dénombre dans cette entreprise quatre décès imputables à l'amiante et trente-huit salariés atteints de pathologies liées à leur exposition à ce minéral. L'utilisation de ce matériau n'a définitivement cessé qu'en 1997, après trente années de manipulation par des centaines de salariés.
À la suite de la décision de la cour administrative d'appel de Nancy, le ministère du travail et de l'emploi - pas le vôtre, donc, madame la ministre - a décidé de se pourvoir devant le Conseil d'État. Je ne vous cacherai pas, madame la ministre, que cette décision est apparue assez peu compréhensible aux yeux de la centaine de salariés concernés, alors même que l'entreprise elle-même - son dirigeant me l'avait fait savoir - n'avait pas souhaité faire appel de cette décision.
Depuis que je l'ai déposée, ma question a trouvé une réponse partielle puisqu'un arrêté de votre ministère, en date du 6 février 2013, a inscrit cette entreprise sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif CAATA. Pourtant, cet arrêté ne satisfait personne puisqu'il prend comme période de référence les années allant de 1966 à 1990, et non pas jusqu'à 1997, ce qui était demandé par les salariés, la cour d'appel de Nancy et la commission des accidents du travail et maladies professionnelles, sollicitée pour avis par le ministère.
Aussi, une question demeure : pourquoi l'arrêté ne prend-il pas en compte la totalité de la période, alors même que la commission des accidents du travail et maladies professionnelles le conseillait ? Cinquante salariés sont concernés pour ces sept années et, dans l'état actuel de l'arrêté, il leur sera impossible de profiter du dispositif de cessation anticipée d'activité.
On le sait, l'amiante provoque en France plus de 3 000 décès par an. Il importe, pour les 130 salariés de l'entreprise Solvay exposés à l'amiante de 1966 à 1997, que l'État leur accorde la retraite anticipée à laquelle ils ont droit, reconnaissant ainsi que l'emploi qu'ils ont occupé durant des dizaines d'années comportait un risque auquel ils ont été exposés sans protection.
Je souhaiterais que vous puissiez m'indiquer, madame la ministre, les mesures que vous entendez prendre pour reconnaître ce préjudice sur la totalité de la période d'exposition.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, l'établissement Solvay, situé à Dombasle-sur-Meurthe, a été inscrit sur la liste des entreprises qui ouvre droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité pour les travailleurs de l'amiante par un arrêté du 6 février 2013, paru au Journal officiel le 13 février 2013.
Vous me demandez, d'abord, pourquoi la période d'inscription retenue s'étend de 1966 à 1990 et non pas au-delà. La raison est la suivante : c'est en 1990 qu'a pris fin l'activité de confection de diaphragmes à base d'amiante, qui se déroulait dans le cadre d'une unité d'électrolyse destinée à la fabrication de chlore. Cette information n'a été portée à la connaissance du ministère du travail qu'après la tenue de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles de la CNAMTS. C'est ce qui explique que le projet d'arrêté soumis à cette commission ne comportait pas, initialement, la limite de l'année 1990.
Par ailleurs, vous mentionnez le recours engagé par le ministère du travail contre l'arrêt de la cour d'appel administrative de Nancy.
Selon la jurisprudence du Conseil d'État, seuls les établissements dans lesquels les opérations de calorifugeage ou de flocage à l'amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, représenté une part significative de leur activité peuvent être inscrits sur la liste ouvrant droit à cette allocation. Or il ressort des pièces du dossier que ces conditions n'étaient pas remplies dans l'établissement de Dombasle-sur-Meurthe. C'est pourquoi le ministère du travail s'est pourvu contre la décision de la cour administrative d'appel de Nancy. En effet, celle-ci a retenu une proportion de salariés exposés entre 9 % et 12 % du total des effectifs sur la période d'exposition, ce qui est bien inférieur au seuil de 25 % habituellement retenu par la jurisprudence.
Voilà, monsieur le sénateur, les raisons des décisions qui ont été prises. Je tiens cependant à vous réaffirmer la forte volonté du Gouvernement de faire en sorte que les victimes de l'amiante soient indemnisées, dans le respect des règles de droit définies et en fonction du préjudice subi.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse précise, que je vais porter, naturellement, à la connaissance des intéressés.
Je comprends bien que la jurisprudence du Conseil d'État impose, en quelque sorte, au ministère de déposer ce recours. Néanmoins, ce dernier a été psychologiquement mal reçu par le personnel parce qu'il reportait dans le temps la prise de mesures difficiles, en particulier la réorganisation de l'entreprise.
Elle fut également mal comprise par l'encadrement de cette entreprise, qui, même s'il n'était pas directement concerné à l'époque, assume aujourd'hui la responsabilité liée à la présence d'amiante. Ces responsables craignaient en effet que le départ rapide des travailleurs touchés ne désorganise complètement leur entreprise. Il était donc nécessaire pour eux de prendre le temps de parer à cette désorganisation. Un accord a même été passé entre les responsables de l'entreprise et les syndicats, pour mener à bien, justement, cette opération. Ce recours a donc compliqué les choses.
J'en viens à la période de référence retenue. L'unité d'électrolyse, c'est vrai, a bien été fermée vers 1990. Il n'en demeure pas moins que des travailleurs ont continué à être exposés à l'amiante, que l'on trouvait ailleurs dans cette entreprise qui s'étend sur des dizaines d'hectares. Ce n'est qu'en 1997 que l'on a mis fin à l'utilisation d'amiante.
Je pense donc que les salariés ne comprendront pas que ces travailleurs-là ne soient pas traités comme les autres. Cela va créer une discrimination à l'intérieur de l'entreprise. Les syndicats vont, probablement, déposer un nouveau recours, en s'appuyant sur la décision de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles, qui leur donnait raison et recommandait que soit prise en compte la période allant jusqu'à 1997.
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