Question de M. FAUCONNIER Alain (Aveyron - SOC) publiée le 07/02/2013

M. Alain Fauconnier attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la question des langues de France. Quelle est leur reconnaissance dans le cadre de la loi d'orientation ? Quelles mesures sont prévues pour assurer une meilleure transmission de leur enseignement ?

Les langues de France qui concernent 13 des 26 régions françaises sont reconnues officiellement par l'article 75-1 de la Constitution depuis 2008 comme patrimoine de la France.

Au-delà de la richesse culturelle et historique dont ces langues sont le vecteur, c'est bien l'intérêt éducatif de l'enseignement des langues de France qui doit être valorisé par la loi. Ainsi il est reconnu que le bilinguisme précoce paritaire français-langue régionale permet de développer des compétences spécifiques qui se concrétisent par une meilleure maîtrise de la langue nationale, une capacité accrue à conceptualiser. Il ouvre aussi la voie à un authentique plurilinguisme, facilitant ainsi l'accès aux langues étrangères.
Par ailleurs, une meilleure reconnaissance dans l'école de France de notre plurilinguisme historique sera perçue comme un exemple et confortera la légitimité de la politique de promotion et de défense du français dans le monde.

Or depuis la rentrée 2002, les langues de France ont perdu des possibilités d'enseignement et des moyens. En 2013 encore, dans le cadre d'une augmentation de 35 % des postes, l'ensemble des CAPES de « langues régionales », qui ne représente que 0,1 % de la masse de ces postes, n'a pas progressé. Cette situation met en péril cet enseignement.

La situation sinistrée de l'enseignement d'occitan peut être donnée en exemple : lors de la préparation de la convention-cadre de partenariat État–région dans l'académie de Toulouse, le nombre de nouveaux professeurs nécessaires avait été estimé à cinq par an pour cette seule académie alors que le nombre de postes offerts au concours du CAPES est seulement de quatre pour les huit régions occitanes.

Quelles sont les mesures que le ministère compte prendre pour encadrer la reconnaissance des langues de France et le développement de leur enseignement, à l'intérieur de la loi d'orientation notamment ? Comment sera traduite concrètement cette juste reconnaissance - en nombre de postes au CAPES, en moyens horaires – afin de rattraper le retard accumulé depuis bientôt 10 ans et mettre en œuvre le changement attendu et annoncé en ce domaine ?

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 27/03/2013

Réponse apportée en séance publique le 26/03/2013

M. Alain Fauconnier. Monsieur le ministre, nous le savons tous, la France est multilingue, et ce malgré les nombreuses tentatives, dans un passé plus ou moins ancien, d'éradiquer les langues régionales, longtemps appelées « patois ». Cette attitude a assis notre réputation de pays « glottophage », pour reprendre l'amusante expression d'un écrivain contemporain.

Aujourd'hui encore, ces langues concernent 13 des 26 régions françaises, soit la moitié de notre territoire national. Que ce soit dans l'Hexagone ou dans les départements d'outre-mer, le français coexiste avec l'occitan, le breton, le provençal ou le créole. Elles sont encore parlées quotidiennement par de nombreux citoyens et sont inscrites dans la toponymie du territoire national comme dans l'histoire et la culture de notre nation. Depuis 2008, elles sont reconnues officiellement par la Constitution comme appartenant au patrimoine de la France.

Ces langues constituent bien souvent des vecteurs de solidarités transrégionales et transnationales. Jean Jaurès, voilà exactement un siècle, l'avait perçu, puisqu'il recommandait aux enseignants de les prendre en compte, à une époque où Frédéric Mistral, prix Nobel de littérature en 1904, était déjà considéré comme l'un de nos grands auteurs.

C'est bien l'intérêt éducatif de l'enseignement des langues de France qui doit être reconnu et valorisé par la loi. Ainsi, comme le soulignent nombre d'experts, le bilinguisme précoce paritaire français-langue régionale apporte des résultats tout à fait satisfaisants dans trois domaines principaux : la maîtrise de la langue nationale ; celle des disciplines scolaires comme les mathématiques ou les sciences ; celle, enfin, des langues étrangères. L'enseignement des langues régionales facilite donc un véritable plurilinguisme.

Par ailleurs, une meilleure reconnaissance de notre multilinguisme historique dans les écoles de France est aussi un bon argument pour conforter la légitimité de la politique de promotion du français dans le monde. Ce « gisement linguistique national » doit donc être de nouveau valorisé et utilisé.

Or, depuis la rentrée scolaire 2002, ces disciplines ont perdu une grande partie de leurs possibilités et moyens d'enseignement. Leur valorisation aux examens a été réduite. Pour 2013, malgré une augmentation de 35 % des recrutements dans l'éducation nationale, l'ensemble des CAPES de langues régionales, lesquels représentent 0,1 % des effectifs de ces enseignants, n'a pas évolué.

Rappelons que, pour l'heure, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République n'évoque ni plurilinguisme ni langues régionales, si ce n'est en annexe, ce qui est éminemment regrettable.

Monsieur le ministre, je vous remercie de nous faire part des mesures que vous comptez prendre ou proposer pour encadrer la reconnaissance des langues de France et le développement de leur enseignement, notamment dans le projet de loi d'orientation.

Comment comptez-vous traduire concrètement cette légitime reconnaissance, en nombre de postes au CAPES et en moyens horaires, afin de rattraper le retard accumulé depuis bientôt dix ans et mettre en œuvre le changement attendu et annoncé ? Le devoir de mémoire est souvent invoqué, dans toutes sortes de domaines. Convenez qu'il s'applique parfaitement à ce sujet !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, je voudrais tout de même souligner la persistance de l'effort de l'État sur ce dossier.

Vous l'avez fort bien rappelé, c'est au plus haut niveau de l'ordre juridique interne que les langues régionales ont été consacrées. L'article 75-1 de la Constitution dispose, sans que personne ne songe à l'interroger, qu'elles appartiennent au patrimoine français.

À cet égard, une attention toute particulière est portée, de manière continue depuis un certain temps, à leur apprentissage. Ainsi, la loi du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'école, dite « loi Jospin », et la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, dite « loi Fillon », ont affirmé la possibilité pour les élèves qui le souhaitent de suivre un enseignement dans une des langues régionales, dans les régions où celles-ci sont en usage. Dans ces territoires, la promotion et le développement des langues et cultures régionales sont encadrés par des conventions liant l'État et les collectivités territoriales, comme vous le savez.

J'ai déjà eu l'occasion de dire, lors d'une séance de questions à l'Assemblée nationale, que je souhaitais voir ce mode de collaboration avec les associations concernées, qui n'existe pas dans toutes les régions, mais qui a été couronné de succès, maintenant généralisé. En tout cas, l'État y est prêt.

Permettez-moi de donner quelques chiffres : cet engagement bénéficie à 272 000 élèves, répartis dans 13 académies et pratiquant onze langues régionales. Il faut savoir que, en deux ans, de 2009 à 2011, une augmentation de 24 % du nombre d'élèves concernés a été constatée.

Les moyens attribués, notamment les effectifs de professeurs, n'ont peut-être pas toujours suivi. Je me suis engagé à corriger cela, notamment en augmentant le nombre de postes offerts aux concours d'enseignants pour répondre à une demande réitérée.

Le débat parlementaire a déjà permis, à l'Assemblée nationale, d'enrichir notre texte du point de vue de la reconnaissance des langues régionales, en particulier s'agissant de la possibilité de les pratiquer dès le plus jeune âge. À ce sujet, monsieur le sénateur, vous avez eu raison de rappeler que les études dont nous disposons montrent que, même pour l'apprentissage du français, qui demeure constitutionnellement la seule langue de la République, le fait de pratiquer une langue régionale est bénéfique pour les élèves.

À l'occasion des débats qui se tiendront bientôt au Sénat, nous verrons si nous pouvons encore avancer, raisonnablement - en effet, bien des propositions qui m'ont été adressées étaient anticonstitutionnelles -, dans la voie de cette reconnaissance des langues régionales, que nous souhaitons accompagner.

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.

M. Alain Fauconnier. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos engagements. Sachez que nous serons quelques-uns au Sénat à tenter d'enrichir le texte sur la refondation de l'école.

Je voudrais simplement vous dire que, en 1988, avec Lionel Jospin, la ville de Saint-Affrique, dont je suis le maire, s'est engagée avec Albi dans le plurilinguisme, de la maternelle jusqu'au lycée. Nous disposons donc aujourd'hui d'un recul de vingt-cinq années et je reste très attaché à cette pratique, car je peux mesurer au quotidien, auprès des familles et des enfants, combien cette expérience a été un succès. Les jeunes concernés ont bien réussi, les familles se sont investies et une véritable dynamique s'est créée autour des écoles bilingues.

Cependant, je trouve que les choses se sont dégradées depuis une dizaine d'années, même si nous avons pu maintenir la qualité de l'enseignement grâce aux associations, au militantisme des maîtres et à l'engagement des parents. Aujourd'hui, tous sont en droit d'espérer que le changement sur lequel vous vous êtes quelque peu engagé aujourd'hui se concrétise rapidement, car ils sont épuisés par les coupes claires ayant affecté les moyens depuis des années.

Pour finir sur le problème des rythmes scolaires, qui a été évoqué précédemment, sachez que la ville de Saint-Affrique s'engagera à appliquer la réforme avec enthousiasme, en associant les parents, les enseignants et les associations. Enfin, monsieur le ministre, je vous remercie de tout ce que vous faites pour l'école.

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