Question de Mme ARCHIMBAUD Aline (Seine-Saint-Denis - ECOLO) publiée le 15/02/2013
Question posée en séance publique le 14/02/2013
Concerne le thème : La gynécologie médicale
Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, les difficultés de la gynécologie médicale décrites par mes collègues sont symptomatiques d'un problème plus large : l'insuffisante prise en considération de la spécificité du corps des femmes par la médecine, domaine dans lequel la pratique et la recherche ont longtemps été des champs d'activité exclusivement masculins.
L'une des illustrations les plus marquantes de cette réalité réside dans le fait que bon nombre de prescriptions médicales destinées aux femmes reposent sur des essais entièrement conduits sur des hommes ou des animaux mâles. Les spécificités des femmes excluent celles-ci de ces essais cliniques, que les variations de leur cycle hormonal rendraient plus complexes, et donc plus coûteux.
Ainsi, 79 % des médicaments antidouleurs ne sont testés que sur des hommes ou des animaux mâles. Même quand il s'agit d'étudier des pathologies reconnues comme affectant différemment les deux sexes, la parité n'est pas respectée : par exemple, la majorité des anxiolytiques sont très peu testés sur les femmes, qui souffrent pourtant 2,25 fois plus souvent de problèmes d'anxiété que les hommes.
C'est dans ce contexte général que nous constatons l'insuffisance du nombre de postes de gynécologie médicale ouverts chaque année à l'internat de médecine, surtout comparé au nombre de départs à la retraite. Par exemple, sur les 875 gynécologues exerçant aujourd'hui en Île-de-France soit 0,8 praticien pour 5 000 femmes en âge de consulter , 48 % partiront à la retraite dans les cinq ans.
Or, vous le savez, cette spécialité médicale est la seule à suivre les femmes d'un bout à l'autre de leur vie. C'est notamment grâce à la gynécologie médicale que les femmes de notre pays bénéficient d'une espérance de vie record, en particulier du fait d'un dépistage précoce des cancers féminins et d'un suivi de la qualité de la contraception.
En conséquence, les difficultés d'accès à une consultation régulière de gynécologie médicale posent des problèmes croissants en matière de suivi des femmes, et donc de prévention, ce qui constitue un risque pour leur santé, est source de fortes inégalités et, de surcroît, pèsera à long terme sur nos finances publiques.
Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier à ces problèmes ?
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Réponse du Ministère des affaires sociales et de la santé publiée le 15/02/2013
Réponse apportée en séance publique le 14/02/2013
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, je tiens à souligner l'importance que j'accorde à la prise en compte de la spécificité des déterminants de santé pour les femmes.
Je veux réaffirmer ma détermination s'agissant de la démographie médicale. En 2011, il y avait vingt-sept postes ouverts en gynécologie médicale à l'examen classant national ; alors que l'on m'avait proposé de maintenir ce chiffre pour 2013, il sera porté à trente, avec une perspective de quarante-cinq postes en 2016.
Au-delà de ces éléments quantitatifs, il est vrai que nous sommes confrontés à des défis de plus en plus importants en matière de santé des femmes. Jusqu'à présent, ces dernières étaient protégées de certaines maladies, en raison de comportements plus « vertueux ». Mais, aujourd'hui, alors que le cancer du poumon régresse chez les hommes, sa prévalence augmente de manière très significative chez les femmes, qui se sont mises massivement à fumer. La progression de certaines pathologies est tout à fait préoccupante. Par ailleurs, 16 % des femmes renoncent à des soins ou à des démarches de prévention, contre 11 % seulement des hommes.
En ce qui concerne les essais cliniques, je souhaite porter deux éléments à votre connaissance, madame la sénatrice.
Tout d'abord, il faut avoir conscience que certains essais cliniques ne peuvent être menés sur des femmes en âge de procréer. C'est une limite dont nous devons tenir compte.
Pour autant, il convient de mieux prendre en compte la spécificité des femmes dans les protocoles d'essais cliniques. Les décisions doivent être prises à l'échelon européen. La France, qui est fortement engagée sur ce dossier, a obtenu que soit organisé un Conseil européen consacré à la santé, qui se tiendra le 28 juin prochain. Il portera notamment sur les conditions de la réalisation d'essais cliniques sur les femmes.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour la réplique.
Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, je vous remercie des décisions et des engagements que vous avez pris. Comme vous l'avez dit, nous partons de loin. Il faudra du temps et de la détermination dans la durée pour rétablir une situation à peu près satisfaisante.
Je visitais ce matin un centre de santé situé à Saint-Denis. Dans cette ville de 100 000 habitants, il ne reste plus qu'une seule gynécologue médicale. Parfois, inégalités médicales, sociales, territoriales se cumulent.
Je vous remercie de prendre le problème à bras-le-corps, madame la ministre. (M. André Gattolin applaudit.)
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