Question de M. BAILLY Gérard (Jura - UMP) publiée le 31/01/2013

M. Gérard Bailly appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le problème des prédateurs et, plus particulièrement, sur les attaques du loup qui deviennent de plus en plus insupportables pour les éleveurs dans les zones de montagne et découragent bon nombre d'entre eux avec des conséquences graves comme l'abandon de pans entiers d'alpages ou pâturages laissant place à la friche.
À l'heure où le plan loup 2013/2017 est en préparation, il se demande s'il est assez ambitieux pour diminuer d'une façon significative la présence de ce prédateur dans les territoires d'élevage et il aimerait en connaître les objectifs.
Des mécontentements s'élèvent de tous nos massifs, de la Méditerranée aux Vosges, aux Pyrénées-Orientales, au Massif Central et maintenant à la Lozère. Tous les éleveurs se sentent trahis sous prétexte de biodiversité ou pour faire plaisir aux mouvements écologistes. Plus de 1 415 attaques en 2011, plus de 4 900 têtes et des bêtes qui meurent dans d'atroces conditions. Comment peut-on alors parler du bien-être animal demandé dans les étables et les bergeries ?

Malgré le plan loup aucune diminution des attaques sur les territoires concernés, elles ne cessent de progresser avec toutes les conséquences que cela engendre et malgré cela les ministres restent sourds sans prendre de réelles décisions. Faut-il attendre des attaques sur des enfants pour que les éleveurs soient entendus ?

D'autres territoires subissent des attaques fréquentes de prédateurs comme le lynx et rien n'est fait pour diminuer ses effectifs si ce n'est, au contraire, de « vanter son image ».

Il aimerait avoir des éléments précis sur le coût de maintien des prédateurs (personnel de gestion, identification, moyens de prévention, indemnités versées, …). Comme de nombreux parlementaires français et suisses, il demande au Gouvernement s'il envisage la révision de la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe et la directive « habitat » Natura 2000, comme l'ont déjà souhaité d'autres pays.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 27/03/2013

Réponse apportée en séance publique le 26/03/2013

M. Gérard Bailly. Président du groupe « élevage » au Sénat, je souhaitais attirer une nouvelle fois l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le problème des prédateurs.

Monsieur le ministre de l'agriculture, je connais votre attachement à ce problème. J'aurai du mal à prêcher un converti, et c'est bien Mme la ministre que j'aurais voulu convaincre s'agissant de ce problème particulier des attaques du loup, qui deviennent de plus en plus insupportables pour les éleveurs dans les zones de montagne. Bon nombre d'entre eux sont découragés, et des conséquences graves s'ensuivent, tel l'abandon de pans entiers d'alpages ou de pâturages, qui laissent place à la friche. D'après les chiffres communiqués par la fédération nationale ovine, le nombre de loups augmente de 27 % par an.

À l'heure où le plan loup 2013-2017 est en préparation, je me demande s'il est suffisamment ambitieux pour réduire de façon significative la présence de ce prédateur dans les territoires d'élevage. J'aimerais donc en connaître les objectifs.

Des mécontentements s'élèvent de tous nos massifs, de la Méditerranée aux Vosges en passant par les Pyrénées et même, désormais, le Massif Central, y compris la Lozère.

Tous les éleveurs se sentent trahis, sous prétexte de biodiversité ou de satisfaction accordée aux mouvements écologistes.

M. Jean-Vincent Placé. Pas seulement !

M. Gérard Bailly. Mais si, monsieur Placé !

Plus de 1 415 attaques en 2011, contre 1 842 en 2012 ; plus de 4 900 têtes en 2011, contre 6 021 en 2012 ; des bêtes qui meurent dans d'atroces conditions... L'éleveur que je suis ne peut comprendre cela. Comment peut-on dans le même temps exiger le respect du bien-être animal dans les étables et les bergeries ?

Le précédent plan loup n'a permis aucune diminution des attaques sur les territoires concernés. Au contraire, ces attaques ne cessent de progresser, avec toutes les conséquences que cela engendre. Devant cet état de fait, les ministres de l'environnement successifs restent sourds et ne prennent pas de réelles décisions. Je m'interroge : faut-il attendre que des enfants soient attaqués pour que les éleveurs soient entendus ?

D'autres territoires subissent des attaques fréquentes de prédateurs comme le lynx, et rien n'est fait pour diminuer ses effectifs, son image étant même, au contraire, vantée.

Je souhaite donc poser deux questions.

Premièrement, j'aimerais obtenir des éléments précis sur le coût du maintien des prédateurs - personnels de gestion, identification, moyens de prévention, indemnités versées, etc -, estimé à 15 millions par an par le Centre d'études et de réalisations pastorales Alpes-Méditerranée.

Deuxièmement, comme de nombreux parlementaires français et suisses, je demande au Gouvernement s'il envisage de solliciter la révision de la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe et de la directive « habitat » Natura 2000, comme l'ont déjà souhaité d'autres pays. Le Gouvernement demandera-t-il la révision de cette convention dans un avenir très proche, avant que la colère des éleveurs ne gronde et ne s'étende aux populations de ces territoires ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, cette question du loup fait l'objet de beaucoup d'attention de la part du Gouvernement.

Vous posiez la question de savoir si vous pourriez convaincre Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, que j'ai l'honneur de remplacer ce matin. Je peux vous dire que le ministre de l'agriculture, qui est très attaché à la protection de l'élevage, en particulier l'élevage ovin, dans les zones de montagne, a travaillé en parfaite cohérence avec la ministre de l'écologie. C'est ensemble que nous avons préparé le plan loup.

Des éléments concrets publiés récemment ont fait évoluer les esprits de manière significative. Ainsi, tout le monde a compris que la pression qui s'exerce est aujourd'hui telle qu'il convient de prendre des décisions.

Vous avez évoqué le coût des mesures : 8,5 millions d'euros environ sont actuellement affectés aux protections passives, au travers notamment du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER ; ensuite viennent les indemnisations, à hauteur de 2,2 millions d'euros, versées par le ministère de l'environnement. Le coût total résultant de l'application de la convention de Berne avoisine 10 millions d'euros.

« Le Gouvernement souhaite-t-il une révision de la convention de Berne ? », avez-vous demandé, monsieur le sénateur. La réponse est non. Nous l'avons dit, nous ne reviendrons pas sur cette signature. Des progrès significatifs sont en train d'être accomplis, et je vais vous donner quelques éléments à cet égard.

Tout d'abord - c'est à la fois très intéressant et important -, la semaine dernière, dans le cadre de la préparation du fameux plan loup, les ONG et les éleveurs se sont mis d'accord pour doubler le nombre de prélèvements sur l'année, le faisant passer de douze à vingt-quatre.

De plus, lors de la préparation de ce plan, le ministère de l'agriculture et le ministère de l'environnement ont estimé nécessaire de changer de stratégie. Alors que nous avons longtemps adopté une stratégie de défense passive - à cet égard, j'évoquais tout à l'heure les 8 millions d'euros consacrés à la protection des troupeaux et, par exemple, le recours aux chiens -, nous passons maintenant à un système de défense beaucoup plus réactif et offensif, avec l'instauration d'un protocole de tir gradué et une organisation de terrain, associant aux louvetiers les chasseurs locaux plus à même, de par leur connaissance du terrain, de réagir rapidement.

Nous avons donc mis en place un système de gradation des tirs en fonction de la situation rencontrée : tir de défense systématique, qui permet d'effaroucher ; tir direct à canon rayé, en cas d'attaque préalable ; tir de défense renforcé, en cas d'attaques constatées et récurrentes, à partir de postes fixes. C'est d'ailleurs dans ce dernier cas de figure que l'on pourra mobiliser les chasseurs.

Vous savez combien il est toujours difficile de parvenir à un accord lors de négociations entre éleveurs, dont je défends les intérêts, et organisations non gouvernementales - vous avez évoqué les mouvements écologistes - sur les questions de biodiversité. Avec le ministère de l'environnement, nous avons justement fait en sorte de trouver cet accord afin d'avancer sur la question de la protection de l'élevage dans les zones de montagne, et d'y répondre.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Je remercie M. le ministre de sa réponse. Je retiens l'espérance d'en finir avec le système de défense passive d'hier et de parvenir à une solution réactive plus efficace.

Je voudrais rappeler le bilan de vingt ans d'action : 1 200 troupeaux protégés, 2 000 chiens de protection à l'œuvre, 1 000 emplois de bergers spécifiques pour la protection du loup. Or tout cela s'est soldé par un échec puisque, comme je l'ai dit tout à l'heure, le nombre de loups a augmenté de plus de 27 % chaque année. Je m'interroge d'ailleurs sur la pertinence de prélever seulement vingt-quatre loups : sur un effectif estimé de 250 à 300 bêtes, cela correspond à peine au taux de progression annuel.

De plus, au vu des difficultés budgétaires de l'État, des prélèvements supplémentaires sur les retraites, les salaires et les revenus, j'ai peur que nos concitoyens ne se demandent s'il s'agit bien d'une priorité. Le Centre d'études et de réalisations pastorales Alpes Méditerranée a récemment estimé à 60 000 euros le coût total des dépenses liées à un loup. Il faut bien prendre cet élément en compte pour aller plus loin dans la réflexion.

Vous avez rencontré les éleveurs et les éleveuses, monsieur le ministre, et vous savez combien ils peuvent être catastrophés - notamment ceux qui font de la sélection - après des attaques de leurs troupeaux. Ces attaques ne sont pas anodines ; elles ont des répercussions psychologiques. La mutualité sociale agricole a d'ailleurs dû mettre en place une cellule pour s'occuper de ce genre de traumatismes. Peut-être avez-vous un animal chez vous ? Il en va de même quand il s'agit de ses bêtes, dans sa bergerie ou son étable : nous les aimons et ne pouvons accepter qu'ils meurent dans des conditions aussi déplorables. Je voudrais terminer mon intervention sur ces mots, en ayant une pensée pour les éleveurs traumatisés par ces attaques qui se multiplient sans arrêt.

J'évoquerai un dernier point. Voilà quelques instants, monsieur le ministre, vous répondiez à mon collègue que nous avons besoin de terres agricoles. Je partage complètement votre avis. Rappelons que, durant les années quatre-vingt, 12 millions d'ovins se trouvaient dans notre pays ; aujourd'hui, ils ne sont plus que 7,4 millions ! Il s'agit d'une diminution drastique ! Je suis effrayé de voir des pans entiers de nos alpages ne plus être pâturés. L'élevage ovin a connu des situations difficiles ces dernières années, encore accentuées par les attaques de prédateurs. C'est pourquoi, monsieur le ministre, comme je sais que vous êtes bien conscient de ces difficultés, j'aimerais que vous essayiez de convaincre aussi tous vos collègues du Gouvernement.

J'ai été un peu long, et je vous prie de bien vouloir m'en excuser, mais il s'agit d'un dossier que j'ai vraiment à cœur.

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