Question de M. GUILLAUME Didier (Drôme - SOC) publiée le 24/01/2013
M. Didier Guillaume appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les conséquences de la réorganisation du système de permanence des soins en Drôme.
Il semblerait en effet que l'agence régionale de santé (ARS) Rhône-Alpes ait décidé de supprimer, à compter du 1er juin 2013, les permanences des soins ambulatoires de nuit dans le Diois et Les Baronnies. Les médecins du secteur ainsi que les élus locaux s'inquiètent vivement de cette mesure qui entraînerait le remplacement du médecin de garde par un médecin dit « régulateur » de minuit à huit heures, ce dernier filtrant les appels et déclenchant l'intervention des services de secours, SAMU ou pompiers, en cas de problème vital.
Cette réorganisation du système de permanence des soins augmenterait sensiblement les délais d'intervention et créerait une inégalité d'accès aux soins pour les patients de ces territoires éloignés des services hospitaliers d'urgence.
À l'heure où la priorité est donnée à la lutte contre les déserts médicaux, cette suppression priverait les médecins ruraux d'une partie de leur activité et aurait une influence conséquente sur les finances du service départemental de secours et d'incendie du fait de l'accroissement du nombre d'interventions des sapeurs-pompiers dans ces secteurs.
C'est pourquoi il lui demande ce qu'elle envisage pour le maintien de la permanence des soins de nuit sur les territoires du Diois et des Baronnies notamment.
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Réponse du Ministère chargé de la décentralisation publiée le 20/02/2013
Réponse apportée en séance publique le 19/02/2013
M. Didier Guillaume. Madame la ministre, je veux vous faire part de la grande inquiétude des élus des territoires ruraux, des professionnels de santé et, plus généralement, de l'ensemble des acteurs concernés par les conséquences de la réorganisation du système de permanence des soins en Drôme.
Il semblerait que l'Agence régionale de santé, l'ARS, ait décidé de supprimer, à compter du 1er juin 2013, les permanences de soins ambulatoires de nuit de minuit à huit heures du matin, appelées dans le jargon les gardes en « nuit profonde ». En Drôme, sept zones géographiques sont concernées.
Les permanences étaient jusqu'alors assurées par vingt médecins libéraux. Or, depuis quelque temps, les appels d'urgence sont régulés par le « 15 », qui décide soit de faire appel à un des médecins, soit de mobiliser les pompiers du secteur. Depuis ce changement de méthode, les médecins sont de moins en moins appelés à intervenir.
La suppression par l'ARS de ces gardes en nuit profonde aurait des conséquences graves pour la population drômoise des arrière-pays.
En premier lieu, les habitants des zones concernées seront très éloignés des premiers secours. Des médecins pouvaient jusqu'à présent intervenir en moins de trente minutes sur l'ensemble du territoire, alors qu'avec l'organisation envisagée le délai d'intervention sera la plupart du temps doublé, voire triplé, puisque les secours viendront de l'un des hôpitaux du territoire - Valréas, Vaison-la-Romaine, Gap ou Orange -, qui sont éloignés.
En second lieu, la mission confiée aux médecins libéraux et l'indemnité qui s'y rattache permettent de maintenir économiquement l'activité des médecins en zone rurale ; sa suppression entraînerait le départ de nombreux médecins, qui n'arriveraient plus à vivre correctement de leur profession. Cette réorganisation amplifierait ainsi le risque de désertification de territoires qui souffrent déjà du recul permanent de la présence des services publics.
Vous comprendrez, madame la ministre, qu'il est difficile d'accepter cette éventualité. Le médecin local connaît les habitants par cur. Il peut exclure d'éventuels cas peu sérieux, éviter ainsi des coûts de secours trop importants et, en étant présent, faire un diagnostic solide. En intervenant rapidement sur place, il assure les gestes de premiers secours et, dans certains cas, le « geste qui sauve ».
C'est pourquoi je souhaite attirer votre attention sur ces territoires dont les habitants demandent une égalité de traitement devant la santé et l'urgence médicale.
Nos territoires, leurs élus, la population souhaitent pouvoir garder leurs médecins de proximité. Or nous savons que l'implantation des médecins dans les zones rurales est compliquée du fait de la moindre activité, de l'importance des déplacements, des difficultés pour leur conjoint de trouver du travail, ou encore des difficultés pour avoir un remplaçant le temps des vacances...
Je partage l'objectif du « pacte territoire-santé » de garantir à tous un accès aux soins urgents, madame la ministre. La suppression des gardes de nuit ne semble pas correspondre à ces orientations. À l'heure où la priorité est donnée à la lutte contre les déserts médicaux, pouvez-vous apporter des éléments rassurants quant au maintien d'un dispositif qui fonctionne aujourd'hui ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, retenue à Matignon où se réunit un comité interministériel des villes, m'a chargée de répondre à la question que vous lui posez, question pertinente s'il en est dans les territoires ruraux, où je rencontre, en tant qu'élue locale, les mêmes difficultés.
Mme Touraine a bien pris en compte votre question concernant les conséquences du nouveau cahier des charges de la permanence des soins ambulatoires, la PDSA, publié le 27 novembre 2012 par l'ARS de Rhône-Alpes.
Elle a pour préoccupation la lutte contre les déserts médicaux. C'est tout le sens qu'elle a donné au pacte territoire-santé engagé le 13 décembre dernier. C'est d'ailleurs dans ce but que l'ARS de Rhône-Alpes a prévu de supprimer la permanence des soins ambulatoires en nuit profonde entre minuit et huit heures dans les secteurs dans lesquels est réalisé moins d'un acte par semaine. Cette contrainte est en effet l'un des principaux obstacles identifiés à l'installation de jeunes médecins, laquelle est pour nous tous une priorité.
Dans les secteurs que vous évoquez, les chiffres sont éloquents : La Chapelle-en-Vercors, six actes de permanence des soins en nuit profonde pour toute l'année 2011 ; dans le Haut-Diois, trente-neuf actes en 2011, huit en 2010 ; à Saillans, quinze en 2011 ; la même année, onze actes à Bourdeaux, quatre à La Motte-Chalencon, huit à Buis-les-Baronnies, quatre à Séderon...
Dans ces conditions, vous comprendrez l'absolue nécessité de participer à la mise en uvre progressive du pacte territoire-santé et d'appliquer la suppression de la PDSA en nuit profonde, laquelle interviendra le 31 mai prochain. Ce délai a été prévu pour permettre à l'ARS, en lien étroit avec les professionnels de santé et le comité départemental de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires, de traiter l'ensemble des conséquences de cette mesure.
Mme la ministre des affaires sociales et de la santé tient aussi à ce que l'évolution de la PDSA et l'accès aux soins urgents, sujet qui vous préoccupe également, soient bien distingués. L'ARS travaille à la mise en uvre de l'engagement du Président de la République d'assurer à l'ensemble de nos concitoyens un accès à des soins urgents de qualité en moins de trente minutes.
Dans ce cadre, le dispositif des médecins correspondants du SAMU, que la région Rhône-Alpes a déjà développé, apparaît comme une solution pertinente. Son extension fait l'objet d'études et de discussions entre l'ARS, le ministère, les professionnels de santé et le SAMU pour assurer la meilleure organisation des zones d'intervention des services mobiles d'urgence et de réanimation, les SMUR.
Sur tous ces sujets, pour s'assurer de la bonne organisation de la PDSA et de l'aide médicale urgente dans les secteurs du sud de la Drôme, une réunion avec l'ensemble des médecins des secteurs concernés est organisée par l'ARS à Valence le 27 février prochain. Ce sera l'occasion de faire le point avec tous les professionnels de ces secteurs, de répondre à leurs interrogations et d'envisager chaque situation individuelle.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, les enjeux de la médecine en zone rurale sont au cur des préoccupations de Mme Touraine.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. J'ai bien écouté votre réponse, madame la ministre.
Je serai moi-même présent à la réunion avec l'ARS à Valence.
Il me semble que, dans le pacte territoire-santé, il faut prendre en considération le caractère très rural de certaines zones et ne pas s'en tenir uniquement à la comptabilité, comme cela a pu être le cas précédemment dans le cadre de la RGPP, la révision générale des politiques publiques. Si nous voulons réellement lutter contre les déserts médicaux, nous devons nous donner les moyens de le faire.
Je suis entièrement d'accord avec la politique menée par le ministère des affaires sociales et de la santé, concernant notamment l'installation, indispensable, de jeunes médecins dans les zones rurales. Je tiens simplement à souligner que, là où il est très compliqué de les faire venir, il faut tout faire, en attendant leur arrivée, pour garder les médecins déjà installés, médecins à qui les gardes en nuit profonde assuraient un revenu et permettaient de maintenir une activité.
J'insiste aussi sur le fait que la suppression des gardes en nuit profonde éloignera considérablement le malade potentiel du médecin, et cela pour une raison bien simple : dans les territoires ruraux et de montagne, il faut raisonner non pas en kilomètres, mais en temps de parcours. Or les médecins correspondants du SAMU, situés à Gap dans les Hautes-Alpes, à Valréas ou à Orange dans le Vaucluse, sont très éloignés.
Nous allons évidemment aborder les propositions du ministère des affaires sociales et de la santé de façon positive, car il faut aller de l'avant, rien n'étant immuable, mais, dans le même temps, c'est la santé de tous nos concitoyens qui doit avant tout être prise en compte, et les territoires ruraux ne doivent plus être les grands oubliés de la République.
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