Question de M. GUILLAUME Didier (Drôme - SOC) publiée le 24/01/2013

M. Didier Guillaume attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur l'implantation de nouvelles officines en milieu rural.

La loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 a modifié les règles de quotas permettant l'implantation de nouvelles pharmacies. Il a été ainsi décidé :
« L'ouverture d'une officine dans une commune qui en est dépourvue peut être autorisée par voie de transfert lorsque le nombre d'habitants recensés dans la commune est au moins égal à 2 500.
L'ouverture d'une nouvelle officine dans une commune de plus de 2 500 habitants où au moins une licence a déjà été accordée peut être autorisée par voie de transfert à raison d'une autorisation par tranche entière supplémentaire de 4 500 habitants recensés dans la commune.
Lorsque la dernière officine présente dans une commune de moins de 2 500 habitants a cessé définitivement son activité et qu'elle desservait jusqu'alors une population au moins égale à 2 500 habitants, une nouvelle licence peut être délivrée pour l'installation d'une officine par voie de transfert dans cette commune. »

Cette décision prise contre l'avis de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France a pour conséquence de rendre quasi impossible l'implantation de nouvelles officines dans les communes de moins de 2 500 habitants sauf à prouver la préexistence d'une pharmacie.

Cette règle revient à nier le dynamisme des territoires ruraux. De plus, le maintien de cette réglementation risque de créer de véritables « trous » dans le maillage pharmaceutique alors qu'aujourd'hui, où que l'on se trouve en France, nous ne sommes jamais loin d'une croix verte.

Il conviendrait au contraire de permettre les nouvelles implantations en prenant en compte non pas la population communale mais le dynamisme du bassin de vie qui peut être mesuré par plusieurs facteurs : présence de médecin généraliste, volonté d'installation d'un pharmacien, projet pluridisciplinaire, disponibilité de locaux….

C'est pourquoi il l'interroge sur les intentions du Gouvernement pour permettre l'implantation de nouvelles officines dans des communes de moins de 2 500 habitants et plus largement sur les mesures qu'elle envisage de mettre en œuvre pour faciliter l'installation des professions de la santé sur ces territoires certes peu peuplés mais attractifs.

- page 232


Réponse du Ministère chargé des personnes âgées et de l'autonomie publiée le 24/04/2013

Réponse apportée en séance publique le 23/04/2013

M. Didier Guillaume. Madame la ministre, je souhaitais interroger Mme Touraine sur un point qui préoccupe nombre de maires en zone rurale. Il s'agit des règles concernant les quotas d'implantation de pharmacie, récemment modifiées en trois points par la loi du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Premièrement, « l'ouverture d'une officine dans une commune qui en est dépourvue peut être autorisée par voie de transfert lorsque le nombre d'habitants recensés dans la commune est au moins égal à 2 500 ».

Deuxièmement, « l'ouverture d'une nouvelle officine dans une commune de plus de 2 500 habitants où au moins une licence a déjà été accordée peut être autorisée par voie de transfert à raison d'une autorisation par tranche entière supplémentaire de 4 500 habitants recensés dans la commune ».

Troisièmement, « lorsque la dernière officine présente dans une commune de moins de 2 500 habitants a cessé définitivement son activité et qu'elle desservait jusqu'alors une population au moins égale à 2 500 habitants, une nouvelle licence peut être délivrée pour l'installation d'une officine par voie de transfert dans cette commune. »

Cette décision prise, me semble-t-il, contre l'avis de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, a pour conséquence de rendre impossible l'implantation de nouvelles officines dans les communes de moins de 2 500 habitants, sauf à prouver la préexistence d'une pharmacie.

Cette règle revient, de fait, à nier le dynamisme des territoires ruraux. En effet, la pharmacie, comme l'ensemble des services publics ainsi que l'épicerie ou le bureau de poste, fait partie des services moteurs pour le développement d'une commune ou d'un bassin de vie. Des règles trop restrictives - même s'il faut des règles, bien sûr ! - empêchant l'implantation d'une pharmacie peuvent remettre en cause la viabilité d'un projet d'emménagement de nouvelles populations. De plus, le maintien de cette réglementation risque de créer de véritables « trous » dans le maillage pharmaceutique, et de faire disparaître des rues de nos villages les croix vertes dont, je crois, nous sommes tous heureux de constater la présence ici ou là.

Dès lors, serait-il envisageable, madame la ministre, que le Gouvernement permette de nouvelles implantations en prenant en compte non pas uniquement la population communale, mais aussi le dynamisme du bassin de vie ou les plans locaux d'urbanisme ? La dynamique suscitée par la mise en place des maisons de santé pluridisciplinaires, que l'on nous incite à créer, ou par la réalisation de logements collectifs, dont le rez-de-chaussée est par exemple réservé aux commerces et aux services, devrait nous amener à reconsidérer cette position, de manière à ce que de nouvelles officines puissent être implantées dans des communes de moins de 2 500 habitants.

La question m'a été transmise par de nombreux maires du département dont je suis l'élu, qui sont très préoccupés. À un moment où l'on insiste sur l'importance des services à la personne, des services publics et du maintien des personnes âgées à domicile non loin des offres de soin, il me semble que ce cadre rigide gagnerait à être assoupli, afin de permettre l'implantation d'officines en zone de dynamisation.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, je vous prie, tout d'abord, de bien vouloir excuser l'absence de Mme Touraine, qui répond actuellement aux questions orales sans débat à l'Assemblée nationale. Elle m'a demandé de vous faire cette réponse.

Monsieur le sénateur, la ministre des affaires sociales et de la santé est particulièrement attachée à garantir l'accès aux soins pour tous nos concitoyens, sur l'ensemble du territoire. À l'évidence, l'officine de pharmacie joue un rôle essentiel.

Aujourd'hui, de nouvelles perspectives sont offertes aux pharmaciens d'officine. Nous avons, en effet, la volonté de leur permettre de répondre aux préoccupations et aux attentes de la population française. Cela se traduira par l'attribution de missions nouvelles, identifiées comme telles, notamment en matière de conseil, qui seront rémunérées. L'officine de pharmacie est donc un acteur à part entière du système de soins.

En matière d'implantation d'officines, des règles sont fixées au niveau législatif. Elles sont appliquées de manière claire et stricte. La France bénéficie d'une des plus fortes densités officinales d'Europe. Même si nous sommes attachés à cette spécificité, nous devons veiller à ce que les pharmacies puissent conserver une taille suffisante, qui leur permette à la fois de développer de nouveaux services et de maintenir un équilibre économique.

Actuellement, le dispositif législatif, vous l'avez évoqué, autorise l'implantation d'une pharmacie dans une commune de moins de 2 500 habitants qui en est dépourvue dans deux cas seulement : soit par voie de transfert, afin de favoriser le rééquilibrage du réseau officinal, soit lorsqu'une pharmacie a cessé définitivement son activité, en vue de préserver la desserte en médicaments des populations concernées. Dans ce cas, la population desservie, et non seulement la population communale, est prise en compte.

Le critère des quotas de population, sur lequel vous vous interrogez, monsieur le sénateur, reste cependant le plus objectif. Cette législation a permis un maillage homogène du territoire. Aujourd'hui, il n'y a pas de déserts officinaux dans notre pays, alors que nous sommes confrontés, vous le savez, à des situations beaucoup plus tendues en termes de démographie médicale.

Monsieur le sénateur, pour ce qui concerne l'installation des professions de santé sur ces territoires peu peuplés mais attractifs, le Pacte territoire-santé, dévoilé par Mme Touraine le 13 décembre, présente douze engagements, articulés autour de trois axes.

Le premier axe vise à changer la formation et à faciliter l'installation des jeunes médecins, notamment en permettant à tous les étudiants de faire un stage en cabinet avant l'internat.

Le deuxième axe tend à la transformation des conditions d'exercice des professionnels de santé, par la généralisation du travail en équipe, le développement de la télémédecine ou encore l'accélération des transferts de compétences.

Le troisième axe consiste à promouvoir des investissements spécifiques pour les territoires isolés.

L'ensemble de ces engagements constitue un plan global, où chaque mesure consolide les autres.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Madame la ministre, je souscris à l'ensemble de votre propos. Le Pacte territoire-santé, notamment, va permettre de lutter contre les déserts médicaux et d'avancer vers un meilleur aménagement sanitaire du territoire.

Je me permets néanmoins d'insister : je ne souhaite absolument pas remettre en cause la législation en vigueur et je suis entièrement d'accord pour reconnaître avec vous que les officines sont mieux réparties en France que dans les autres pays européens. Il n'empêche, nous avons encore des villages, dans lesquels nous voulons vivre, et nous devons défendre la ruralité, qui est dynamique.

On nous incite à ouvrir des maisons d'accueil rural pour personnes âgées, ou des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, des maisons pour regrouper les personnes âgées, ou bien encore des maisons de santé pluridisciplinaires. Lorsqu'un pharmacien veut s'implanter sur ce type de territoire dynamique, il me semble qu'il pourrait bénéficier d'une dérogation.

Il ne s'agit en aucun cas de vouloir changer la loi actuelle, mais on pourrait ne pas l'appliquer de façon trop stricte : il suffirait que l'on puisse y déroger. Ce serait rendre un vrai service à nos territoires.

Je vous assure que, pour de nombreux villages, chefs-lieux de canton ou centres-bourgs, ce serait un bon signe de retrouver la croix verte d'une officine, installée par exemple au rez-de-chaussée d'un immeuble où est organisée la mixité sociale et intergénérationnelle, et à côté, peut-être, d'une maison de santé pluridisciplinaire et d'un commerce multiservices, cofinancés, d'ailleurs, par le département, les villes et le FISAC, le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce.

C'était le sens de ma question. Je vous remercie de votre excellente réponse, madame la ministre. Je soutiens totalement le projet de santé du Gouvernement, mais j'espère que ma suggestion, qui émane de nombreux territoires ruraux, pourra être examinée de la meilleure façon possible.

- page 3905

Page mise à jour le