Question de Mme DAVID Annie (Isère - CRC) publiée le 18/01/2013

Question posée en séance publique le 17/01/2013

Concerne le thème : Les énergies renouvelables

Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'hydroélectricité est la première énergie renouvelable en France et la deuxième source de production électrique.

Cette source d'énergie est de loin la plus avantageuse. Elle ne produit pas de gaz à effet de serre, elle est disponible instantanément lors des périodes de pointe de consommation, elle est modulable et stockable. Elle est aussi garante de la sécurité du système électrique national et européen. De plus, cette production permet le stockage dans les barrages de milliards de mètres cubes d'eau, une gestion efficace des crues, la valorisation des voies navigables, l'optimisation des cours d'eau au service de l'activité économique des territoires.

Pourtant, ce patrimoine naturel et industriel historique est aujourd'hui mis en danger. En effet, les exploitations hydrauliques arrivent à échéance et ne bénéficieront plus du droit de préférence : la procédure de renouvellement ne se fera plus de gré à gré, mais devra être soumise à l'application de la « loi Sapin », et donc à une procédure d'appel d'offres européen, exposant de fait ces exploitations à une privatisation.

Le gouvernement de Nicolas Sarkozy, en regroupant certains ouvrages par vallées, afin d'anticiper la fin des concessions, et en définissant un cahier des charges qui oublie toute exigence sociale, avait fait le choix de déposséder la France de ce patrimoine industriel. Or cette procédure n'a pas été formellement abandonnée : d'où notre inquiétude.

Au-delà du volet social, qui est essentiel, nous nous soucions vivement des conséquences de cette procédure sur la « sûreté hydraulique, la gestion de l'eau, le multi-usage de l'eau », la « sûreté du système électrique français », le coût pour l'usager et le maintien de l'activité industrielle.

Vous avez marqué fermement, en octobre dernier, madame la ministre, et nous nous en réjouissons, votre opposition à la libéralisation des barrages hydroélectriques, et vous avez confié à notre collègue député François Brottes une mission visant à explorer de nouvelles pistes.

Pouvez-vous nous confirmer aujourd'hui que vous resterez ferme sur cette position ? Quelles solutions proposez-vous ? Vous inspirerez-vous, par exemple, des autres pays membres de l'Union européenne, comme l'Allemagne, l'Espagne ou l'Italie, qui ont su mettre en place des législations protectrices pour préserver leur opérateur historique ?

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 18/01/2013

Réponse apportée en séance publique le 17/01/2013

Mme Delphine Batho, ministre. Vous raison, madame la sénatrice, de rappeler l'importance des grands barrages et des installations hydroélectriques, qui constituent effectivement un patrimoine énergétique français tout à fait stratégique.

Le précédent gouvernement, vous l'avez dit, s'était engagé à ce que 20 % des concessions d'électricité fassent l'objet d'un renouvellement d'ici à 2015, à la fois dans le cadre de la loi Sapin et d'un certain nombre d'obligations européennes, ce qui signifie que dix concessions hydroélectriques, d'une puissance cumulée de 5 300 mégawatts, auraient dû être renouvelées prochainement par l'État.

L'avenir de ces concessions est un enjeu majeur en termes de transition énergétique, de compétitivité économique et d'emploi. Ces installations se situent d'ailleurs souvent à proximité d'unités de production électro-intensives. Enfin, sur le plan environnemental, il convient de veiller à ce que la gestion des barrages et chutes ainsi que les investissements corrélatifs s'inscrivent dans la stratégie de continuité écologique.

Au moment de prendre des décisions qui engagent durablement l'avenir, j'ai souhaité que ce dossier soit entièrement réexaminé sur le fond. J'ai fait part de mes réticences à l'égard d'une logique de libéralisation et souhaité que l'État s'assure des conditions dans lesquelles la mise en concurrence pouvait s'opérer. Je ne méconnais naturellement pas les dispositions qui régissent le droit des concessions, que ce soit au niveau national ou communautaire. Mes services ont d'ailleurs des contacts suivis avec la Commission européenne sur ce sujet.

La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, sur l'initiative de la députée Marie-Noëlle Battistel, a engagé une réflexion de fond sur les différentes solutions qui s'offrent à nous ; elle devrait rendre son rapport à la mi-février. Pour ma part, j'effectuerai un déplacement dans les Alpes le 1er février prochain. Les conclusions de ces travaux seront présentées lors du débat national sur la transition énergétique, et c'est sur cette base que nous opérerons nos choix.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour la réplique.

Mme Annie David. Je vous remercie, madame la ministre, de prendre ce dossier à cœur. Confier la production d'électricité d'origine hydraulique à des intérêts privés reviendrait en effet à mettre en question la stabilité de la production d'énergie électrique, dès lors que cette énergie d'origine hydraulique serait non plus à la disposition du gestionnaire de réseau, mais entre les mains d'industriels, voire de traders. Ce serait renoncer à la gestion coordonnée et anticipée des opérateurs historiques et condamner 6 500 salariés à un avenir incertain.

L'Isère est particulièrement concernée par ce problème. Comme vous l'avez rappelé, c'est d'ailleurs une députée de ce département, Marie-Noëlle Battistel, qui conduit la réflexion sur ce sujet. Ainsi, dans la vallée du Drac, les concessions de trois barrages sont parvenues à échéance et font l'objet d'un appel d'offres européen. Nous avons lancé, avec le Front de gauche, une pétition afin de les maintenir dans le giron public. Je me réjouis, madame la ministre, de pouvoir compter sur votre action et celle du Gouvernement dans ce combat.

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