Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 06/12/2012

M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le fait que par question écrite n° 22907 du 8 mars 2012, il avait attiré l'attention du gouvernement de l'époque sur l'éventuelle incompatibilité du régime des corporations obligatoires applicable aux artisans en Alsace-Moselle avec l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme relatif à la liberté d'association. Le gouvernement de l'époque n'avait pas cru bon de répondre à cette question. Pas plus d'ailleurs que le gouvernement actuel auquel la même question avait été adressée le 23 août 2012, sous le n° 1628. Face à cette désinvolture, une question prioritaire de constitutionnalité a donc été posée et transmise par le Conseil d'État le 19 septembre 2012. Dans sa décision du 30 novembre 2012, le Conseil constitutionnel a reconnu le bien-fondé de cette QPC. Il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement pour mettre en œuvre les modifications législatives qui s'avèrent nécessaires.

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Transmise au Ministère de l'artisanat, du commerce et du tourisme


Réponse du Ministère de l'artisanat, du commerce et du tourisme publiée le 07/02/2013

Le Conseil constitutionnel s'est récemment prononcé sur la valeur constitutionnelle du principe de l'existence du droit local alsacien-mosellan. Son maintien a été promu au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République (décision n° 2011-157 question prioritaire de constitutionnalité [QPC] du 5 août 2011, Société SOMODIA). Cependant cette valeur constitutionnelle ne s'appliquant pas à chaque disposition particulière du droit local, celles-ci peuvent faire l'objet d'un contrôle de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 19 septembre 2012, par le Conseil d'État, d'une QPC relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit, de l'article 100 f et du troisième alinéa de l'article 100 s du code local des professions applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, en vertu desquels sont affiliées d'office à une corporation obligatoire et soumises à une « cotisation corporative » les personnes qui exploitent l'une des activités pour lesquelles cette corporation a été créée. Dans sa décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012 qui a pris effet à compter de sa publication au Journal officiel du 1er décembre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution en considérant qu'elles portaient atteinte à la liberté d'entreprendre. La liberté d'entreprendre, fondée sur l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, comprend non seulement la liberté d'accéder à une profession ou une activité économique, mais également la liberté dans l'exercice de cette profession ou de cette activité. Dans le commentaire de sa décision du 30 novembre 2012, le Conseil constitutionnel indique que « l'existence d'un régime de corporations obligatoires constitue une atteinte injustifiée à la liberté d'entreprendre » et que l'adhésion d'office à une corporation entraîne nécessairement une restriction des modalités d'exercice de la profession, laquelle consiste, outre l'obligation de s'acquitter de cotisations, dans l'obligation d'adhérer à un cadre corporatiste et dans le droit de regard que la corporation peut exercer sur la pratique professionnelle. Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, pris en compte l'existence d'un régime d'organisation et de représentation des intérêts de l'artisanat dans les chambres de métiers. Le régime des corporations obligatoires constitue donc un étage supplémentaire de réglementation des professions artisanales, qui s'ajoute à celui existant dans les autres départements français et qui consiste à les regrouper par activité. Or, la nature des activités relevant de l'artisanat ne justifie pas le maintien d'une telle réglementation professionnelle imposant à tous les chefs d'entreprises artisanales d'être regroupés par corporation en fonction de leur activité et soumis aux sujétions précitées. En effet, le dispositif contesté était général et non limité à certaines activités professionnelles qui peuvent justifier d'être organisées. Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions susmentionnées relatives à l'obligation d'affiliation aux corporations. Cette déclaration d'inconstitutionnalité a été rendue applicable immédiatement et à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de la décision. Au surplus, le Conseil constitutionnel a considéré que l'absence de version officielle en langue française d'une disposition législative porte atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité de la loi. À la lumière de la décision du Conseil constitutionnel et de son commentaire, le Gouvernement va procéder à la traduction officielle des dispositions du code professionnel local en vigueur en Alsace-Moselle et aux ajustements juridiques éventuellement nécessaires pour que les spécificités du droit local puissent être maintenues sans contradiction avec notre Constitution.

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