Question de M. MÉZARD Jacques (Cantal - RDSE) publiée le 27/12/2012

Monsieur Jacques Mézard demande à M. le ministre de l'économie et des finances si le Gouvernement entend poursuivre une politique favorisant, dans le cadre de la péréquation interdépartementale sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), les départements de l'Île-de-France (en particulier la Seine-Saint-Denis) au détriment des départements ruraux dont chacun des habitants fournit pourtant un effort fiscal très supérieur.

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Transmise au Ministère chargé de la décentralisation


Réponse du Ministère chargé de la décentralisation publiée le 30/01/2013

Réponse apportée en séance publique le 29/01/2013

M. Jacques Mézard. Madame la ministre, à la suite de la discussion du projet de loi de finances, j'avais interrogé M. le ministre de l'économie et des finances sur la question de la péréquation interdépartementale au titre des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO.

Je constate que c'est vous qui me répondrez aujourd'hui, madame la ministre. J'en suis ravi, car je sais votre connaissance des difficultés des départements ruraux...

M. Jean-Michel Baylet. Elles sont grandes !

M. Jacques Mézard. ... et votre sens de l'État.

Avec nombre de collègues sénateurs, nous avons déploré les conditions dans lesquelles, sans aucun débat préalable, l'Assemblée nationale a adopté subrepticement en deuxième lecture, le 14 décembre dernier, un amendement du Gouvernement tendant à modifier les critères de la péréquation au titre des DMTO, au préjudice, pour l'essentiel, des départements ruraux.

J'avais pris l'initiative, avec mon collègue Gérard Miquel, de réagir dès le 19 décembre au Sénat, par le dépôt d'un texte qui a recueilli plusieurs dizaines de signatures, dont celles du président du Sénat et de plusieurs présidents de groupe.

M. Jean-Michel Baylet. Excellente initiative !

M. Jacques Mézard. Je me réjouis que M. le président du Sénat ait relayé cette démarche auprès du Premier ministre, conformément à la vocation de notre assemblée, qui est, en vertu de l'article 24 de la Constitution, le représentant des collectivités territoriales.

Le 20 décembre, en réponse à une question d'actualité de notre excellent collègue Jean-Michel Baylet, Mme la ministre Lebranchu tenait les propos suivants : « Comme le Premier ministre s'y est solennellement engagé, les fonds de péréquation de la CVAE et des DMTO seront réexaminés aussi vite que possible au cours du premier semestre 2013 [...]. »

M. Jean-Michel Baylet. Il faut donc tenir parole !

M. Jacques Mézard. Le 25 janvier 2013, M. le président du Sénat nous communiquait un courrier de M. le Premier ministre. Dans une lettre d'accompagnement, le président Bel rappelait que les nouveaux critères « ne répondaient pas à l'objectif de correction des inégalités de richesse entre les départements ». On ne saurait mieux dire !

Dans son courrier, M. le Premier ministre précisait que « la deuxième part, de 85 millions d'euros, du fonds d'urgence permettra de traiter le cas des départements ruraux les plus en difficulté ». L'objectif était manifestement que ces départements bénéficient, après addition des fonds de péréquation des DMTO et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, et du fonds d'urgence, « d'un montant équivalent à ce qu'ils avaient perçu antérieurement au titre de ces différentes aides », le Gouvernement restant « ouvert à une discussion sur les critères les plus pertinents à utiliser pour l'alimentation comme pour la répartition de ces fonds de péréquation ».

Madame la ministre, pouvez-vous, en conséquence, nous confirmer que tous les départements bénéficiaires du fonds de péréquation des DMTO en 2012 et du fonds d'urgence au titre de 2011 percevront en 2013 un même montant provenant des trois fonds de péréquation, incluant le nouveau fonds de péréquation de la CVAE ?

Pouvez-vous nous confirmer que les critères de péréquation votés par l'Assemblée nationale le 14 décembre seront revus et rectifiés, faute de répondre à « l'objectif de correction des inégalités », pour reprendre les termes du président du Sénat ? En effet, la prise en compte beaucoup plus marquée du critère de la démographie dans le calcul de la péréquation ne peut que fragiliser les politiques de péréquation.

M. Jean-Michel Baylet. Eh oui !

M. Jacques Mézard. Enfin, pouvez-vous nous préciser quelles sont les intentions du Gouvernement en vue d'assurer que, au-delà de l'utilisation du fonds de secours, par essence non pérenne, les départements ruraux pourront bénéficier d'une juste péréquation et d'une visibilité pour l'avenir ?

M. Jean-Michel Baylet. Très bonne question, sur un grand problème !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le président Mézard, je vous remercie de me donner l'occasion de rappeler quelle politique j'entends mener, avec Marylise Lebranchu et au nom de l'ensemble du Gouvernement, en faveur des départements en difficulté.

Je veux répondre point par point à vos différentes questions.

Tout d'abord, au regard de la péréquation, la distinction que vous faites - en creux - entre départements urbains et départements ruraux me paraît peu opérante.

En effet, parmi les départements urbains, on trouve des départements comme Paris ou les Hauts-de-Seine, qui contribuent largement à la péréquation horizontale entre les départements, et d'autres, comme la Seine-Saint-Denis, qui en sont bénéficiaires. De la même manière, parmi les départements classés comme ruraux, on trouve des départements défavorisés, comme le Cantal - j'en conviens, monsieur le sénateur -, et d'autres qui ne le sont pas, par exemple la Savoie.

Dès lors, il me paraît plus opérant de distinguer, d'une part, les départements défavorisés, et, d'autre part, les départements qui ne le sont pas, que d'établir une distinction entre départements urbains et départements ruraux qui n'est pas utilisée au titre des dispositifs de péréquation.

Vous m'interrogez ensuite sur le choix qu'aurait fait le Gouvernement d'aider davantage les départements urbains défavorisés que les départements ruraux défavorisés. Je veux l'affirmer solennellement ici : le seul objectif que le Gouvernement se soit fixé est d'aider davantage l'ensemble des départements défavorisés, qu'ils soient urbains ou ruraux.

M. Jean-Pierre Chevènement. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Or, au regard de cet objectif, le fonctionnement du fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux présentait des effets pervers : comment expliquer que 14 millions d'euros aient été prélevés en 2012, au nom pourtant d'un objectif de péréquation, au détriment de chacun de ces deux départements, certes urbains, mais néanmoins très défavorisés, que sont le Nord et la Seine-Saint-Denis ?

M. Jean-Michel Baylet. Voilà l'explication : la Seine-Saint-Denis...

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. C'est ce constat et la nécessité d'y remédier qui ont amené le Gouvernement à revoir les critères de fonctionnement du fonds de péréquation des DMTO.

Mais une telle évolution ne s'est pas faite au détriment des départements ruraux, dès lors que tout a été mis en place pour que l'enveloppe globale allouée aux départements en difficulté augmente.

Le Gouvernement a en effet permis la création, en 2013, d'un fonds de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises doté de 60 millions d'euros, d'une part, et d'un fonds d'urgence de 170 millions d'euros, d'autre part. Les départements en difficulté bénéficient de ces deux fonds.

Je ne veux pas manquer non plus de rappeler que le Gouvernement, au-delà de cette péréquation horizontale, a proposé de consentir un effort sans précédent en matière de dotations de péréquation versées par l'État. La loi de finances pour 2013 prévoit ainsi un doublement du rythme d'augmentation des dotations de la péréquation verticale par rapport à 2012, ce qui se traduira par une progression de 20 millions d'euros des dotations de péréquation versées aux départements. Encore une fois, cette hausse profitera aux départements les plus en difficulté, qu'ils soient ruraux ou urbains.

En outre, au cas où l'ensemble de ces éléments ne suffiraient pas à vous rassurer, je rappellerai ici l'engagement pris par le Président de la République que les départements ruraux en difficulté ne verront pas leurs ressources diminuer. C'est ce qu'il a déclaré voilà une dizaine de jours lors de la présentation de ses vœux en Corrèze. La seconde section du fonds d'urgence, dotée de 85 millions d'euros restant à répartir en fonction des dossiers qui seront déposés par les départements, pourra être mobilisée à cet effet.

Enfin, les péréquations mises en œuvre à l'échelon des communes et intercommunalités - je pense à la dotation de solidarité urbaine, la DSU, à la dotation de solidarité rurale, la DSR, et au Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC - visent, elles aussi, à alléger les tensions financières qui pèsent sur les départements les plus défavorisés.

Telles sont donc les principales mesures fixées pour 2013, toutes tendant à une répartition plus équitable des ressources entre départements.

Mais je ne veux pas terminer mon propos sans me projeter dans l'avenir. Dans le respect des engagements pris, le Premier ministre a installé hier soir, à dix-huit heures, le groupe de travail entre l'État et les départements qui œuvrera, par le biais d'une concertation renforcée, à la mise en œuvre d'un dispositif pérenne et suffisant de financement des allocations de solidarité.

M. Jean-Michel Baylet. Il y a urgence !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Tout à fait.

Par ailleurs, pour répondre à vos vœux, le Gouvernement est prêt, face à des dispositifs de péréquation horizontale en évolution permanente, cette année comme l'année dernière, à examiner les différentes propositions qui lui seront faites.

J'espère avoir été ainsi en mesure de vous rassurer, autant que possible, sur l'engagement total du Gouvernement et sur mon engagement personnel à veiller au sort réservé aux départements en difficulté, notamment aux départements ruraux.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Je salue la réponse pleine de finesse de Mme la ministre ! Toutefois, ce sont les chiffres qui parleront... Nous les connaîtrons département par département dans quelques mois.

Ma question ne portait pas que sur le seul sort des départements ruraux, en particulier de celui que je représente ; sa portée est beaucoup plus générale. Cela étant, vous l'avez excellemment rappelé, madame la ministre, M. le Président de la République a lui-même fait référence aux départements ruraux voilà quelques jours lors de la présentation de ses vœux à Tulle, dans un département qu'il a qualifié de « rural ». La distinction que j'ai opérée doit donc tout de même avoir un sens...

La question fondamentale est en fait celle du poids de la démographie, qui a été manifestement surestimé, selon nous, le 14 décembre dernier à l'Assemblée nationale. En revanche, on ne prend pas suffisamment en considération le critère de l'effort fiscal par habitant. Il y a là un vrai débat de fond à avoir sur la péréquation.

En réalité, c'est à un braconnage législatif que l'on a assisté le 14 décembre à l'Assemblée nationale. L'objectif était de remplir les chaluts des puissants départements de la Seine-Saint-Denis et du Nord. Il faut dire les choses comme elles sont !

Le Gouvernement entendra-t-il les propositions de l'Assemblée des départements de France ? C'est un point important. Quand il s'agit de la création de binômes de candidats pour les élections cantonales, le Gouvernement salue la position du président de l'ADF ; il est regrettable qu'il ne fasse pas de même s'agissant des propositions du bureau de l'ADF en matière de péréquation interdépartementale... En effet, l'écart est considérable entre ces propositions et les simulations actuelles, même si je sais maintenant que les choses pourront être revues. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour trouver un équilibre, car l'équilibre c'est la justice.

M. Jean-Michel Baylet. Très bien !

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