Question de M. LEGENDRE Jacques (Nord - UMP) publiée le 06/12/2012
M. Jacques Legendre rappelle à M. le ministre de la défense que la fermeture de la base aérienne (BA) 103 à Cambrai, justifiée par la diminution de notre force aérienne de combat, et devenue effective à l'été 2012, se traduit par la perte de 1 500 emplois dans un bassin de 150 000 habitants, touchés par un chômage important, et par la fermeture à proximité immédiate de la base, d'une usine de volailles Doux (250 emplois) et angoissés par les incertitudes qui pèsent sur la réalisation du canal Seine-Nord Europe.
Pour compenser en partie cette douloureuse hémorragie le précédent Gouvernement avait fait bénéficier la zone concernée de mesures financières mais décidé aussi l'installation à Cambrai de plusieurs centaines d'emplois relevant du Commissariat des armées. Cette installation avait été confirmée en 2011 lors de la venue à Cambrai du ministre de la défense et du ministre de l'aménagement du territoire. À l'été 2012, 73 personnes relevant de ce service étaient effectivement mutées à Cambrai.
C'est alors que le ministre de la défense a fait savoir sans concertation que l'installation de ce service était supprimée. Cette remise en cause d'un engagement de l'État a provoqué dans les arrondissements de Cambrai et d'Arras, ainsi touchés une compréhensible et très forte émotion. M. le ministre de la défense s'est depuis engagé à recevoir une délégation représentative des élus de la zone concernée.
Aussi il lui demande quels emplois publics le Gouvernement entend affecter à Cambrai afin de respecter la parole solennelle de l'État.
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Réponse du Ministère de la défense publiée le 20/02/2013
Réponse apportée en séance publique le 19/02/2013
M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, je me dois aujourd'hui d'exprimer dans notre enceinte le cri d'angoisse de tout un territoire, celui qui, pour une population de 150 000 habitants, a perdu cet été 1 500 emplois permanents en raison de la fermeture de la base aérienne de Cambrai.
Cette décision avait été prise par le précédent gouvernement pour tenir compte de la diminution du volume de notre force aérienne de combat.
Si nous ne discutons pas les raisons de cette fermeture, nous notons que, compte tenu de la gravité de cette décision pour le territoire local, un certain nombre de mesures de compensation avaient à l'époque étaient demandées et obtenues. Ainsi, une partie du commissariat des armées, service du ministère de la défense, devait être transférée à Cambrai. Par ailleurs, des mesures fiscales et financières avaient été prévues, comme dans toutes les zones touchées par les restructurations de défense.
Finalement, monsieur le ministre, vous avez estimé au milieu de l'été qu'il n'y avait plus lieu de transférer le moindre service à Cambrai.
Je rappelle que nous n'avions pas spécialement demandé que nous soit transféré tel ou tel service de l'armée : nous souhaitions simplement que l'on nous aide à passer ce mauvais moment, en remplaçant les 1 500 emplois d'État perdus par quelques centaines d'emplois, via éventuellement le transfert d'un autre service public, militaire ou civil.
Cette décision a d'autant plus angoissé les habitants de notre territoire que ce dernier est actuellement très touché par les restructurations. En effet, dans la torpeur du même été 2012, nous perdions une usine du volailler Doux et, par là même, 250 emplois. Par ailleurs, nous apprenions que la décision de réalisation du canal Seine-Nord Europe, qui aurait pu être un élément dynamisant très important, était au moins remise en cause et soumise à nouvel examen.
Monsieur le ministre, cette situation angoisse tous les acteurs et les représentants politiques du territoire, quelle que soit leur appartenance politique. Sur votre invitation, nous sommes allés vous exprimer nos craintes en janvier dernier. Je sais que certains de mes collègues - deux sénateurs du groupe CRC et le député maire de Cambrai - se sont rendus la semaine dernière à Matignon pour faire état de leur inquiétude.
En janvier, si vous n'aviez pu nous annoncer la création de nouveaux emplois, vous aviez néanmoins envisagé une aide financière supplémentaire pour la restructuration des zones de défense. Or, le 21 janvier dernier, j'ai reçu une lettre du préfet du Nord m'indiquant qu'il est impossible de prolonger les mesures financières au titre des zones de restructuration de la défense, ou ZRD.
Monsieur le ministre, dans un territoire si meurtri, il n'est pas possible de répondre par la négative à toutes nos demandes. Je me permets donc, monsieur le ministre, de vous questionner sur ce que vous pourrez faire pour un territoire aussi durement touché, qui aime l'armée et qui, tant sur le plan moral que sur celui de l'emploi, ne s'est pas remis de la nouvelle situation qui lui est faite.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le sénateur Jacques Legendre, nous avons déjà évoqué ensemble à plusieurs reprises cette question, et je comprends vos préoccupations et les difficultés que rencontre l'agglomération de Cambrai.
Je voudrais rappeler - vous l'avez d'ailleurs dit vous-même - que cette décision a été prise dans le cadre de la restructuration générale des forces armées engagée par le gouvernement précédent ; il s'agit d'une mesure que j'accompagne, car elle s'impose pour l'équilibre général de nos forces sur le territoire national.
Concernant l'implantation de l'organisme qui avait été décidée pour compenser la suppression de la base 103 de Cambrai, je rappellerai d'abord l'annonce antérieure du transfert d'un service du commissariat des armées, qui devait initialement concerner 690 agents. Progressivement, ces effectifs se sont trouvés de moins en moins garantis et, quand je suis entré en fonctions, il n'était même plus question de ce transfert : était évoquée la création d'un centre d'expertise et d'analyse des coûts qui ne devait employer que 200 personnes. Mais, après avoir examiné ce projet, j'ai constaté que, pas plus qu'avec les projets antérieurs, il n'apportait de garanties suffisantes en termes d'efficience, cela notamment parce que les besoins avérés dans ce domaine d'expertise de très haut niveau pouvaient être mieux satisfaits à partir de structures préexistantes.
Dans la période que nous traversons, avec l'objectif général de réduction des coûts et des déficits publics, il paraissait donc difficile de procéder à la création ex nihilo d'un organisme qui pouvait répondre à des besoins aujourd'hui satisfaits par d'autres organismes. Cette redondance m'a conduit à renoncer à ce projet.
La commune de Cambrai a protesté, elle a contesté en justice la décision que j'avais prise, et le tribunal administratif de Paris a rejeté cette requête. Je n'en reste pas moins attentif à la situation de votre territoire. Voilà peu, je vous ai reçu avec plusieurs élus dont le président de région. Je sais que votre territoire est également touché par la fermeture de l'usine Doux et par les incertitudes qui pèsent encore sur la réalisation du canal Seine-Nord Europe, dossier sur lequel je me propose d'être à vos côtés afin d'essayer de le faire aboutir.
Je suis très attentif aux possibilités de reconversion sur le territoire, et surtout à la création d'emplois nouveaux : 34 millions d'euros ont été affectés à cela. Vous me faites part d'une décision du préfet dont je prends note à l'instant. Je m'étais effectivement engagé à conforter les engagements financiers, et je m'engage donc auprès de vous à revoir ce dossier afin d'accompagner le Cambrésis dans une reconversion que je sais difficile - j'ai moi-même été élu local durant de nombreuses années.
Je souhaite que le ministère de la défense puisse vous accompagner de la meilleure manière possible, sachant que le dispositif initialement prévu ne correspondait absolument pas aux nécessités du moment ni aux contraintes budgétaires qui s'imposent actuellement à la France.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, je suis évidemment satisfait que nous puissions avoir sur ce dossier un débat apaisé, mais ce dernier ne règle pas le problème : 1 500 emplois perdus dans une petite ville moyenne française, deux bases aériennes fermées de part et d'autre de la ville, 600 hectares de friches militaires... Vous comprendrez que cela pose tout de même de sérieux problèmes !
Nous vous avions indiqué que nous souhaitions la création ou le transfert d'un certain nombre d'emplois, ce qui paraît justifié. Vous nous expliquez que vous avez estimé que les emplois promis n'étaient pas pertinents.
Mais la définition de ces emplois ne venait pas de nous... Ce qui compte, de notre point de vue, c'est l'implantation d'emplois. Très franchement, monsieur le ministre, nous avons le sentiment que l'administration militaire, sous le précédent gouvernement comme sous l'actuel, ne s'est pas particulièrement attachée à respecter les engagements pris par l'État, au plus haut niveau, lors de la fermeture de la base aérienne de Cambrai. Cela nous paraît vraiment grave.
Par ailleurs, nous avons parlé des compensations financières - en particulier, la prolongation de la zone de restructuration de la défense, initialement prévue pour deux ans -, le temps que les choses se mettent en place dans une conjoncture marquée par la crise, qui rend très difficile tout nouveau projet industriel.
Demander la prolongation de la ZRD n'est pas quelque chose de scandaleux. Monsieur le ministre, nous avons besoin que des réponses concrètes soient enfin apportées à nos requêtes légitimes. D'avance, je vous en remercie.
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